Ceci est mon corps livré pour vous (Jeudi Saint)

Ceci est mon corps livré pour vous ! C’est le cri de Lilli Potter, la mère d’Harry qui donne sa vie pour sauver son enfant. 

Ceci est mon corps livré pour vous ! C’est le cri  d’Harry Potter lui-même qui préfère mourir pour sauver ses amis du terrible Lord Voldemor.

Ceci est mon corps livré pour vous ! C’est le cri d’Aslan le Lion dans le monde de Narnia qui offre sa vie en sacrifice. 

Ceci est mon corps livré pour vous ! C’est le cri du père d’Harold dans le dessin animé Dragon 2 qui offre sa vie pour sauver celle de son fils.

Ceci est mon corps livré pour vous ! C’est le cri de Boromir qui choisit de mourir pour laisser Merry et Pipin vivre dans le Seigneur des anneaux.

Non, frères et sœurs, je ne me lance pas dans le festival de Cannes avant l’heure, car avant d’être le cri de ces illustres personnages du 7ème art, « Ceci est mon corps livré pour vous » c’est le cri de Jésus qui donne sa vie, déjà la veille de sa passion. En effet, il faut bien comprendre : qu’est-ce qui est commun entre tous ces partages et Jésus ? Et bien c’est qu’ils meurent. « Mais mon père, nous sommes Jeudi Saint, c’est la cène, le repas, sympa, la fête… pas du tout la mort de Jésus, ça, c’est pour demain ». 

Pourtant, frères et sœurs, le mystère dans lequel nous entrons ce soir est bien celui de la vie donnée de Jésus, du sang versé par amour. Remarquez, il n’y a pas besoin de s’appeler l’inspecteur Colombo pour le remarquer ! Quand il y a le sang d’un coté, le corps de l’autre, c’est souvent qu’il y a un problème. Le mystère que nous célébrons ce soir et celui de demain, dans le chemin de croix et l’office de la Passion ne sont en réalité que les deux facettes inséparables d’un même mystère. L’offrande du Christ. Le Jeudi Saint sans le Vendredi Saint est une gageure, un mensonge. C’est le Vendredi Saint, le Christ offert en croix qui donne sa réalité au mystère qu’on célèbre ce soir : le corps livré. C’est le Jeudi Saint qui fait de l’acte du vendredi non pas un acte ignoble de la barbarie humaine mais l’acte d’amour le plus inouï que l’humanité ait connu. 

Frères et sœurs, en ce soir, en son Eucharistie et comme à chaque messe, le Christ nous donne sa vie, le Christ nous montre le chemin de la vie véritable : « ma vie, nul ne la prend et c’est moi qui la donne ». « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ». 

Donner sa vie 

C’est la vocation de tout homme, de tout chrétien à la suite du Christ de donner sa vie. Chaque selon son charisme et ses grâces. Le jour de leur mariage aux époux, le prêtre ne demande pas s’ils sont amoureux, ils les invitent à échanger leur consentement pour se donner l’un à l’autre. Le jour de l’ordination d’un prêtre, l’évêque ne demande pas s’il sera un bon prédicateur (il l’espère peut-être) mais il les invite à donner leur vie à Dieu et à s’offrir avec toute leur personne en s’allongeant au sol. 

En ce Jeudi Saint, par ces paroles sublimes : « ceci est mon corps livré pour vous » Jésus nous rappelle que notre vie ne trouve son sens véritable que quand elle est vécue comme un don, au service des autres. 

Ceux d’entre nous qui ont eu la chance de passer par l’école de la vie qu’est le scoutisme se souviennent peut-être de cet article de la loi : « le scout est fait pour servir et sauver son prochain ». Servir et sauver, donner sa vie. L’attitude spirituelle du Jeudi Saint est contenue dans ces paroles. 

Servir, voilà ce qui peut éclairer notre Jeudi Saint. Chaque fois que je mets le couvert à la maison ou range le salon, que je fais la cuisine ou nettoie l’officine, que je range mes playmo ou sers l’apéro, que je gère les petits ou écris à mamie, que je rends un service ou offre le calice, que je promène le toutou ou écoute jusqu’au bout, que je visite un souffrant ou que je reste patient… chaque fois que je fais cela, j’entends Jésus qui me redis :
« Ceci est ton corps livré pour moi » 

Par contre à chaque fois que nous hésitons à le faire, à servir, comme le Christ l’a fait dans cette page d’Évangile, j’aimerais nous inviter à contempler la croix. À contempler Jésus qui donne sa vie par amour. Mais aussi, à contempler chacun de ceux qui dans notre pays, ces jours-ci… très concrètement donnent leur vie au service de ceux qui en ont besoin. 

Ceci est mon corps livré pour toi, c’est le cri des soignants qui se donnent sans compter dans nos hôpitaux et nos maisons de retraite. Ceci est mon corps livré pour toi, c’est le cri de ces jeunes qui se sont engagés pour aider au service des plus pauvres dans les rues ou dans les hôpitaux. Peut-être ne savent-ils pas eux-même qu’ils entrent dans la dynamique de l’acte eucharistique de Jésus… mais j’en suis convaincu lui, le Maître et le Seigneur, leur rendra au moment favorable ! 

Être prêtre, c’est donner sa vie 

Ceci est ma vie livrée pour toi. C’est le cri des prêtres du monde entier qui donnent leur vie par amour. 

Frères et sœurs, permettez-moi un mot/témoignage plus personnel en ce jour saint. J’ai reçu la force de répondre à l’appel du Seigneur, à devenir prêtre en voyant combien, dans la paroisse que je fréquentais à l’époque les prêtres se donnaient sans compter pour le bien du peuple de Dieu. Que le sens de leur vie, c’était de se donner pour les fidèles à qui ils étaient confiés. J’ai compris qu’être prêtre, c’était finalement donner sa vie par amour du peuple de Dieu. J’ai eu envie de leur ressembler.

J’ai compris qu’être prêtre, c’était donner la vie de Dieu au monde qui crève de ne pas connaître Dieu. J’ai compris qu’être prêtre, c’était inventer sans cesse de nouvelles manières de parler de l’Évangile immuable de Dieu. J’ai compris qu’être prêtre, c’était malgré sa faiblesse et son péché, faire de son mieux pour vivre avec le Seigneur et aider les autres à vivre ainsi. J’ai compris que le Seigneur me donnerait dans ce service du peuple de Dieu une joie que ni fatigue ni contradiction ne pourraient me ravir. En un mot, j’ai compris qu’être prêtre pourrait combler ma vie car je pourrais me donner sans compter au service du peuple de Dieu. Alors qu’en ce Jeudi Saint nous sommes contraints de célébrer sans vous, loin de vous, nos chers paroissiens, j’aimerais vous dire combien vous donnez sens à notre vocation de prêtres. Si nous sommes devenus prêtres, c’est pour vous et par amour du Christ. Alors oui, être prêtre, c’est donner sa vie, c’est livrer sa vie non pas à l’école d’Harry, de Boromir ou d’Aslan mais à la manière du Christ. Lorsque Jésus donne sa vie en son Eucharistie, lorsqu’il institue le sacrement de son amour, il nous dit à chacun : j’ai donné ma vie pour toi, oseras-tu donner ta vie pour moi ? 

En reprenant les mots du Pape François, j’aimerais m’adresser de manière plus solennelle à tous ceux qui n’ont pas encore engagé leur vie dans une vocation spécifique, en particulier à vous, jeunes collégiens, lycéens et étudiants : « regardez les vrais héros qui apparaissent ces jours-ci : ce ne sont pas ceux qui ont renommée, argent et succès, mais ceux qui se donnent eux-mêmes pour servir les autres. Vous sentez-vous appelés à mettre votre vie en jeu ? N’ayez pas peur de la dépenser pour Dieu et pour les autres, vous y gagnerez. Parce que la vie est un don qui se reçoit en se donnant. »

Amen.