Salières et ampoules
Dimanche dernier, si vous avez bonne mémoire nous célébrions Jésus lumière des nations au jour de la Chandeleur. Jésus Lumière, Jésus dont la parole illumine nos vies. Jésus dont le don de sa vie nous offre le salut. Mais voilà bien une parole étrange en ce dimanche puisqu’il ne s’agit pas de Jésus qui brille mais de nous : « Vous êtes la lumière du monde ». On pourrait croire à un peu d’ironie lorsque l’on voit le comportement de Jésus avec ses disciples il ne semble pas franchement les qualifier de lumière, tant ils ne comprennent rien au déroulement des évènements… alors leur dire « vous êtes la lumière du monde »… n’est ce pas un peu étrange ?
Vous êtes !
Mais chers amis, Jésus nous le dit en ce dimanche : « vous êtes la lumière du monde ». Il ne nous dit pas, « vous serez un jour dans le futur » ou encore « vous serez quand vous serez vraiment chrétien » … non il nous le dit « vous êtes ». Ce n’est pas n’importe quelle parole, dite par n’importe qui et, si j’ose dire, s’adressant à n’importe qui. C’est Dieu qui parle. Il s’adresse à moi qui l’écoute. Ce n’est pas seulement en général, de façon collective, que Jésus lance cette parole. Il le dit à chacun de ceux qui l’écoutent, ceux de jadis au bord du lac et qui ne devaient pas en croire leurs oreilles, ceux d’aujourd’hui, nous, qui sommes ici et qui recevons de plein fouet cette surprenante déclaration.
Ainsi, moi, je serais le sel de la terre? Si je comprends bien, le sel étant ce qui donne du goût, je serais à même de donner à la vie son sens, ce goût sans lequel elle serait bien fade! Moi, lumière du monde? Si je saisis bien, je serais pour ce monde qui ne sait ni d’où il vient, ni où il va, cette lumière qui peut l’éclairer!
Pourquoi cette affirmation est si importante ? Parce que cette caractéritique d’être sel, d’être lumière, pour notre monde ne repose pas sur nos qualités personnelles, mais comme nous l’entendions dans la 2nd lecture : « votre foi repose, non pas sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu. ». Vous êtes sel et lumière parce que Dieu l’a déposé en vous. Parce que « dans les plus disgraciés, comme dans les plus obscures, luit une étincelle divine qui mérite notre amour ». Parce qu’en chacun de nous, il y a un part de Dieu lui-même qui sommeille.
La lumière et le sel
Bon, c’est joli d’être lumière du monde et sel de la terre, mais ça veut dire quoi ? Parce qu’aujourd’hui, n’en déplaise à Jésus, une centrale électrique et une ampoule à led, ça reste plus efficace pour y voir clair, que d’être chrétien. Et puis, les médecins ne cessent de nous dire que nous mangeons trop salé. La parole divine serait dépassée ?
Le sel a plusieurs vertus qui le rende indispensable à notre vie. A l’époque du Christ, le sel est un aliment essentiel pour la conservation de la viande. Aujourd’hui encore, le sel est indispensable à notre vie, car il nous aide à éliminer les toxines. Le sel est donc un élément purificateur. Essayez donc de mettre sur une blessure quelques grains de sel… vous verrez ! Le sel purifie en brûlant et par là même, il sauve. Et il faut être clair là-dessus. Jésus ne nous dit pas que nous sommes le miel de la terre. Il parle bien du sel. De celui qui purifie, qui brûle et qui est indispensable à la vie.
La lumière aussi est indispensable à notre propre vie. Sans lumière, pas de vie possible. La lumière révèle ce qui est beau et ce qui est moins beau.
« Vous êtes la lumière du monde » : cette parole donne à notre vie un élan et un dynamisme incomparables. Que je sois jeune adolescent ou vénérable vieillard, que je sois dans la force de l’âge ou malade et handicapé, que je sois en état de grâce ou lourd de mon péché, il y a en moi cette lumière qui vient de celui qui est né de la lumière, cette sagesse qui vient du Verbe de Dieu. Je ne suis pas la source de cette lumière. C’est d’abord Jésus qui à travers moi peut illuminer le monde. Dans un monde qui semble ignorer, voir persécuter le christianisme le Seigneur nous offre un extraordinaire stimulant. Dans la nuit environnante, dans la persécution ou la menace de persécution, dans l’abêtissement général, le Ressuscité rappelle à ses frères en gloire, qu’ils ont une place à tenir, une vie à mener, une parole à dire.
Devenir salière et ampoule
Oui, frères et sœurs bien aimés. Jésus nous dit que nous sommes lumière du monde et sel de la terre, aussi pour nous renvoyer à nos responsabilités. Si le sel et la lumière sont indispensables à la vie du monde. Si nous sommes sel de la terre et lumière du monde, c’est donc que nous, chrétiens, sommes indispensables à la vie du monde. Il nous faut donc devenir salière et ampoule. Cela veut dire ne pas avoir peur d’être chrétien. Cela veut dire aussi que le Seigneur a besoin de nous qu’il attend quelque chose de nous. Et cela, il nous est très facile d’être chrétien tout seul, chrétien dans mon coin, chrétien « sous-marin ». Le principe du sous-marin est très simple : voir, sans être vue. Quand j’étais en poste à Toulon, j’ai eu la joie d’en visiter un et dans un sous-marin, point de spot géant pour éclairer la mère, point de haut-parleur puissant… tout au contraire, il faut être discret, il faut être silencieux. Et bien, frères et sœurs, le Christ nous demande de ne pas être des sous-marins. Si nous sommes le sel de la terre, ce n’est pas pour nous… mais pour le monde ! Si nous sommes la lumière, c’est pas simplement pour nous… mais pour le monde. C’est le mode de présence au monde que Dieu a choisi. Peut-être aurait-il pu choisir d’apparaître dans toute sa gloire à 7 milliards d’êtres humains. Mais il a choisi de passer par son peuple, par tous ces chrétiens qui autour d’eux vont porter la lumière de la bonne nouvelle et le sel de la Parole.
Pour devenir salière, pour devenir ampoule divine, il n’y a pas 36 solutions… il faut se mettre à l’école du Christ. Il faut lire et relire la première lecture qui se termine par ces mots : « ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera lumière de midi. »
Chacun à sa mesure, selon sa condition. N’ayons pas peur ! N’ayons pas peur de dire ! N’ayons pas peur de témoigner. Vous venez ce soir à la messe : qui demain matin à son travail en parlera ? Dans ses loisirs, osera reparler de l’Evangile d’aujourd’hui, de cette messe ? Qui osera disséminer la parole de Dieu, comme on repend le sel sur les frites ? Qui osera faire surface, pour que la lumière du Christ parvienne à d’autres ?