La crêpe des consacrés

C’est bien connu aujourd’hui, c’est la fête de la crêpe. Au nutella ? Complète ? Chèvre Miel… nous allons en manger à toute les sauces, ou devrai-je dire : à tous les goûts ? Cette tradition aussi étrange que sympathique a une résonnance avec l’Evangile d’aujourd’hui… Car depuis le Pape Gélase 1er en… 472… (vous connaissez tous par cœur la vie du Pape Gélase) la crêpe, petite galette en forme de Soleil évoque pour les chrétiens cette fête de la lumière. Alors oui, frères et sœurs, j’aimerais commencer cette homélie par un encouragement solennel : au nom du Seigneur, mangez des crêpes ! Mais ne mangez pas des crêpes, seuls… mangez-les en convoquant trois des personnages de ce jour.  

Syméon, témoin de l’Espérance

Le premier personnage qui vient à votre table pour déguster de précieuse galette, c’est le vieillard Syméon. Voilà un homme bien étrange. Qu’est-ce qu’il fait là, Siméon ? Il espère, il guette, il attend l’aurore du salut. Syméon, comme certains d’entre nous, a déjà vécu pas mal d’années, mais il a un désir profond, il a le désir de voir les promesses de Dieu réalisées. Car Syméon n’est pas dupe, avec l’expérience, il a acquis la conviction que le monde dans lequel il vit ne peut s’en sortir tout seul, qu’il faut guetter le salut. Il a les yeux attentifs. Et il faut avouer, que sans l’aide de l’Esprit Saint, bien malin qui aurait reconnu Jésus comme cela. Après tout, de leur coté, Marie et Joseph, débordés par les couches, des repas, l’organisation de la maison avec un nouveau né de 6 semaines ne sont pas arrivés au temple avec une pancarte géante : « Ici, c’est le Fils de Dieu, Jésus-Christ, le Sauveur du monde ». Si Syméon a reconnu la présence de Jésus, c’est qu’il était attentif à la lumière de Dieu dans notre monde. Car oui, frères et sœurs, j’en suis profondément convaincu, Dieu agit et ne cesse d’agir dans notre monde, mais nous manquons de foi pour la voir. Combien de miracles de la vie, combien de conversions, combien de lumières intérieures sont dues à la prière et à l’espérance de quelques chrétiens ? Devant les crêpes de ce dimanche, osons garder ce regard fixé sur le soleil de Dieu. Oui, Dieu illumine encore le monde d’aujourd’hui. Car « rien n’est impossible à Dieu ». « Car mes yeux ont vu le salut que tu prépares à la face des peuples ». Syméon, c’est pour nous un témoin de l’Espérance !

Marie, la gratitude et l’offrande de la foi

Le deuxième personnage, que nous devons convoquer pour manger une bonne crêpe au nutella en ce dimanche de Chandeleur, c’est la Vierge Marie. En venant au temple, Marie et Joseph ne se contentent pas d’obéir à une loi. Ils viennent aussi rendre grâce pour leur enfant. Le confier à la vie de Dieu, l’offrir à Dieu selon la tradition. 

J’aime à voir Marie qui monte au temple, pleine de gratitude. Cette sortie jusqu’au temple, ce retour dans la communauté des croyants, c’est aussi l’accomplissement de la promesse que l’ange lui a faite. Oui : le Seigneur est vraiment la lumière de sa vie et elle rend grâce. Oui elle a vraiment été enceinte du fils de Dieu, et c’est bien elle Marie qui le porte dans ses bras à présent.

Il nous faut tirer une conséquence de cette attitude, qui se base sur un principe spirituel très vrai, qui dit « ce sur quoi on se concentre grandit » si je ressasse les soucis, les peurs, les regrets, ce que je n’ai pas… tout cela grandit dans mon esprit au point de l’envahir. Si au contraire, comme Marie, je me concentre sur les bonnes choses, si j’ouvre les yeux sur les signes de Dieu dans ma vie, sur les grâces, sur les motifs d’action de grâce… cela ouvre mon Espérance à la présence de Dieu. Aujourd’hui le Christ se présente comme la lumière des nations. Alors peut-être pourrions faire mémoire chacun de ces lumières de Dieu que nous avons déjà reçues dans nos vies. Comment Jésus a-t-il déjà éclairé ma vie ? Par une parole de Bible ? Par un conseil providentiel reçu ? Par la voix de ma conscience… oui, frères et sœurs, Jésus est la lumière de nos vies. La joie de Syméon, et celle de Marie c’est de croire que ce petit enfant, ce petit bout d’homme de rien du tout est vraiment le Sauveur, est vraiment la lumière : osons le croire, frères et sœurs, nous aurons une vraie joie !

Le Christ consacré, éclat de la charité 

Enfin le dernier personnage que nous allons convoquer à notre festin de crêpes de la chandeleur, c’est le Christ lui-même. La fête d’aujourd’hui, la « présentation de Jésus », c’est sa consécration. En ce jour, Jésus est consacré au Seigneur, mis à Part. C’est pourquoi l’Eglise nous invite aujourd’hui à fêter tous ceux qui sont consacrés au Seigneur. 

Croire que Jésus est la lumière qui éclaire les nations, c’est croire ainsi que une vie entière peut être remplie par cette présence de Jésus.   Dans cette église, frères et sœurs bien aimés, se trouvent les consacrés, prêtres, religieux, religieuses, moines, moniales de demain. Si Dieu ne vient pas chercher parmi ceux qui s en tapent d’aller à la messe chaque dimanche, je ne vois pas trop où il va aller les chercher…

C’est important, en ce jour que les parents, les éducateurs fassent passer cette idée que la vie consacrée, le sacerdoce sont des choses possibles. Pour illustrer cela, et j’aimerais vous parler avec mon cœur de prêtre, de pasteur, de consacré, je vais vous (re-)raconter deux histoires qui m’ont beaucoup marquées. La première c’est celle de ce jeune lycéen, Olivier, qui sort de la messe de semaine dans son petit village et qui entend la conversation de deux dames âgées. « C’est le fils Bidule… il paraît qu’il veut être prêtre… quel sacrifice » Le jeune entend et se retourne alors, avec une pointe d’insolence pour leur dire : « Mesdames, je crois que nous ne croyons pas au même Dieu !  ». Comment croire que Dieu nous appelle pour autre chose, que pour la vie ? Jean, chapitre 10, verset 10 : « je suis venu pour que vous ayez la vie et que vous l’ayez en abondance ».  Jn, 15, 11 : « Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous ». La joie de Dieu ! Si Le Seigneur nous appelle à être prêtre, consacré, religieuse, c’est d’abord pour la joie ! Arrêtons de croire ou d’imaginer que Dieu serait un grand sadique qui voudrait notre malheur et qui prendrait plaisir à nous voir souffrir. Ce jeune homme, est devenu prêtre et il est aujourd’hui évêque d’un diocèse de France.

La deuxième histoire, c’est celle d’une jeune fille belle, souriante, brillante. Elle sort de prépa et a réussi à tous ses concours et revient chez ses parents en disant : « j’ai deux bonnes nouvelles. La première c’est que j’ai tout réussi… la deuxième c’est que j’ai démissionné de tout, car je rentre au couvent ». La réaction dans nos bonnes familles; et peut-être dans votre cœur au moment où je parle, a été « quel gâchis ! » … « Quel gâchis… » voyez cette réaction-là résume en deux mots, la perte de la foi jusque dans nos communautés. Cela veut dire que je ne comprends plus la fécondité d’une vie consacrée. Autrement dit, que je ne comprends plus qui est le Christ … car le Christ est le premier des consacrés. Je ne comprends plus qu’on puisse offrir le meilleur de ce que l’on est et de ce que l’on a à Dieu. Je ne comprends plus le sens d’un tel sacrifice. Bien sûr, cette jeune fille aurait pu avoir des responsabilités dans la société, aurait pu fonder une famille… Mais si je pense que tout cela est gâché, ça veut dire que je ne comprends pas bien le sens de la vie chrétienne. 

Une vie consacrée est une vie illuminée par le Seigneur de l’intérieur. Illuminée par la foi. Une vie où comme Syméon, je comprends que le plus important de ma vie… c’est d’avoir le Christ pour Sauveur !  A celui qui suivra le Christ sur la chemin de la consécration  la lumière de la foi ne manquera pas. A celui qui suivra Marie sur le chemin de la gratitude, la lumière intérieure grandira. A celui qui grandira dans l’Espérance à l’école de Syméon, la lumière grandira. 

Ainsi chers amis, pensez à convoquer pour manger vos crêpes Syméon, Marie et Jésus. Car le vrai soleil de nos vies, c’est le Seigneur !