Ennemis et médailles olympiques…

Imaginez un instant que tous les cinéastes aient appliqué à la lettre l’Evangile d’aujourd’hui. Nous aurions la joie d’avoir James Bond qui tombe religieusement dans les bras du méchant terroriste qui est entrain de poser une bombe nucléaire. Nous pourrions découvrir Sauron le Seigneur des ténèbres du Seigneur des Anneaux, venir embrasser Gandalf. Nous aurions Superman main dans la main avec le pire des truands. Nous pourrions continuer longtemps cette petite liste.  

La vie n’est pas un long fleuve tranquille

Pas très réaliste tout cela ? Et pourtant c’est bien à cela que nous invite le Christ par ces paroles très fortes : « Aimez vos ennemis ». Vous me direz peut être, surtout dans un convent comme le vôtre « nous n’avons pas d’ennemis », « moi je ne veux la mort de personne ». Et c’est heureux… mais à y regarder de plus près nos relations interpersonnelles ne sont pas franchement un long fleuve tranquille et même dans les communautés religieuses les plus spirituelles, les tensions de sont pas loin. Même dans un presbytère, figurez vous ! Je crois qu’il nous faut en ce dimanche plutôt que de balayer d’un revers de mains reconnaître dans nos vies cette part sombre. Oui j’ai du mal à aimer. Oui mon prochain est parfois mon ennemi. Oui la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Oui parfois mon conjoint, mon enfant, mon parent, ma sœur de communauté peut devenir presque un ennemi. Il faut arrêter de croire que cette parole ne nous concerne pas. Je crois que tous, dans notre vie nous avons des ennemis. Et parfois cet ennemi c’est Dieu lui-même.  

Le Christ m’a aimé et c’est livré pour moi 

Pour comprendre cette parole, « Aimez vos ennemis », je crois qu’il nous faut d’abord regarder le Christ. C’est lui, le premier qui a aimé ses ennemis. Le premier qui a vécu la souffrance de la part des autres, injustement… c’est Jésus. Le premier qui a tendu la joue gauche… c’est Jésus. C’est l’inouï de l’amour du Christ. Mais attention cet amour des ennemis ne s’applique pas simplement à quelques « méchants » du premier siècle qui auraient persécuté le « bon » Jésus et l’auraient supprimé. Non ce qui crucifie Jésus c’est ma propre vie. Mon propre péché. Chaque fois que je vais contre la loi et l’amour divin. Chaque fois que je crois que mon propre avis est plus important que la parole du Seigneur. Et bien à chaque moment comme cela je fais de Jésus mon ennemi. Ponctuellement certainement. Mais tout de même. Alors oui le premier qui m’aime même si je suis son ennemi c’est Jésus . « Il m’a aimé et c’est livré pour moi ». Le Christ est le premier, et sans doute le seul à vivre parfaitement cette exigence de l’Evangile. Pour nous c’est tellement plus facile d’aimer ceux qui nous aime. Jésus aurait pu choisir de mourir pour les « bons » pour les premiers de classe, pour St Jean et la Ste Vierge. Mais il ne cesse au long de l’Evangile de nous redire « Je suis venu pour les brebis perdues». Ou dit d’une autre manière « je suis venu pour tous ceux qui sont devenus ou deviennent un peu chaque jour mes ennemis. » Parce que mon amour va au-dessus de l’offense. Parce que mon pardon est un don toujours renouvelé. Quand nous avons du mal à aimer une personne, quand nous nous sentons si désarmés dans un conflit, je crois que nous pouvons tirer un beau profit à contempler la croix de Jésus. La croix de celui qui est mort par amour de ses ennemis. Qui n’a pas refuser d’aimer jusque-là. Et peut-être que nous puiserons dans une grâce mystérieuse vue du Seigneur trouver la force de changer. 

La perfection de Dieu n’est pas une médaille olympique 

Mais le Christ va plus loin. Non seulement il faudrait aimer ses ennemis mais encore « être parfait comme le père céleste est parfait ». La perfection… vaste programme. Faudrait-il donc que tous les chrétiens à la force de leur poignet se forcent à décrocher la médaille d’or de la vie spirituelle…? Parce que si vous êtes normal vous vous dites en entendant cette phrase « vous serez parfait »… vous vous dites que ce sera pour plus tard. Que la médaille d’or de la vie chrétienne ce sera au ciel. Pour la moment et bien on fait tant bien que mal et c’est plus souvent mal que bien. Et bien vous avez tort. Car la promesse de Dieu se réalise dès aujourd’hui frères et sœurs. Parce que chacun d’entre nous sommes parfait si nous le voulons bien. Car le Seigneur ne vous demande pas d’être parfaits au sens d’un modèle à atteindre, au sens d’une pureté à préserver, au sens d’une élite à laquelle il faudrait appartenir. Il vous demande d’être parfaits au sens d’un participe passé.

Dieu vous a créés, il vous a faits. Mais vous avez tout défait par votre péché, par votre paresse et votre orgueil, par votre volonté de puissance et votre manque de charité.

En cela vous me ressemblez terriblement ; vous ressemblez aussi à Pierre.

Si vous êtes trop attachés à l’argent, vous ressemblez à Zachée ou à Matthieu. Si vous êtes trop ambitieux vous ressemblé à Jacques et Jean. Alors qu’ils avaient tout défait, Dieu a tout refait, par son amour, par sa miséricorde et son pardon.

Sa grâce n’a pas peur de ce que vous avez défait, parce qu’elle est bien plus puissante que votre péché. En revanche, elle ne peut rien contre votre liberté, contre votre volonté.

Vous imaginiez peut-être des grandes épopées et des batailles glorieuses. Vous pensiez peut-être que, pour être saint il fallait être le meilleur, qu’il fallait scrupuleusement observer les prescriptions de la loi et ne pas dévier, ni à droite ni à gauche ?

Et bien chers amis, la sainteté n’est pas un concours, sinon, ce sont plutôt les derniers, les publicains et les prostituées qui seraient les grands gagnants, comme le Seigneur lui-même nous le dit. Oui frères et sœurs pour pouvoir accéder à la gloire du Ciel, il faut accepter de se laisser faire, de se laisser refaire, de se laisser parfaire par l’Esprit de Dieu.

Dieu ne se lasse jamais de vous faire grâce, et à la fin il parviendra, même si vous avez tout défait des centaines de fois, à vous parfaire. Alors vous serez parfaits par Dieu votre Père. L’adjectif qualificatif, un peu statique, est devenu un participe passé, pour que Dieu ait le dernier mot dans vos vies. 

C’est cela la bonne nouvelle du jour. Jésus notre véritable ami, que nous prenons parfois pour notre ennemis, par sa grâce ne cesse de nous parfaire, de nous refaire. Si nous manquons de foi en lui alors notre vie partira en ruine, mais si nous gardons confiance, si nous regardons avec bonheur le don qu’il nous fait sur sa croix. Alors oui nous serons parfait. Oui nous entrerons dans la dynamique de l’amour de Dieu qui n’est pas celle de James Bond, qui n’est pas celle de la terre. Oui frères et sœurs, je vous en supplie au nom du Seigneur Jésus, regardez la Croix de Jésus. Regardez l’amour de Jésus. Et laissez-vous parfaire. Laissez vous refaire. La joie est à ce prix là. Alors vous aimerez vous ennemis, alors vous entrerez dans la vie de Dieu.