Match d’ouverture !

Les hymnes retentissent dans le stade en délire, la foule acclame, pousse, crie. Sur le terrain les joueurs sont galvanisés, transportés, motivés. Et pourtant, il est une équipe qui n’a aucune chance. C’est un peu comme Versailles-Nice en Coupe de France… Et chaque année il y a un joueur qui revient sur le ring : c’est le malin, le démon. Je ne sais pas ce qu’il a en tête mais chaque fois il arrive en disant : « Tu vas voir, le p’tit Jésus va s’en prendre plein la figure… » et chaque année, patatras ! Jésus est vainqueur. Car chaque année l’Évangile des tentations au désert, c’est le match d’ouverture du Carême, le porche d’entrée de la sainte quarantaine.

L’exemplarité du Coach ! 

Pour souder la cohésion d’un groupe de militaires, y compris dans les forces spéciales, souvent l’instructeur ou le chef fait ce qu’il demande à ses hommes de faire. Bien différent du prof de sport que j’avais au collège et qui trouvait que c’était beaucoup mieux que son élève favori fasse la démonstration de l’exercice à faire. Le vrai chef c’est celui qui va devant, et non pas derrière, celui qui mène ses hommes en les conduisant, et non pas en les poussant. De la même manière au début de ce carême Jésus se présente comme le vrai chef. Il entre donc dans l’arène de la tentation avec nous, même avant nous. Il ne renie rien de notre humanité et accepte d’aller jusqu’à expérimenter quelque chose de la tentation qui est notre réalité quotidienne. Et tout cela pour nous montrer le chemin de la victoire. 

En ce dimanche nous pouvons contempler avec les yeux de la foi la force intérieure de Jésus qui va affronter la réalité de notre vie humaine, battu par les vagues du démon, sans transiger, sans être au-dessus de la mêlée. J’en veux pour preuve son jeûne. Ce n’est pas un petit jeûne de rien du tout. C’est un jeûne de 40 jours. Pour Jésus il ne s’agit pas de se priver de quelques minutes de Netflix ou d’une bière surnuméraire. Au bout de 40 jours, quand l’évangéliste souligne pudiquement « il eut faim », il faudrait plutôt comprendre :  il était au bord de la mort. 

Cela veut aussi dire, et je crois que c’est précieux d’en reprendre conscience, que le Christ est proche de nous. Qu’il a vécu les mêmes combats que nous. Vous, les catéchumènes qui serez baptisés dans la nuit de Pâques, soyez bien certains que dans toutes les angoisses spirituelles, dans toutes les tentations, y compris dans ce Carême préparatoire, le Christ est présent. Pour nous qui sommes baptisés depuis longtemps et qui dans quelques instants allons vous transmettre le symbole de la foi, il est important de nous rappeler que dans le combat spirituel il est tellement plus beau de demander de l’aide à celui qui a déjà vécu cela. 

La tentation et le combat spirituel

Car le combat spirituel, frères et sœurs, fait partie de notre vie d’êtres de chair ! Si Jésus n’a pas été épargné, il ne faut pas rêver à ce que nous le soyons ou que cela s’arrête par enchantement. C’est une réalité commune, du bac à sable à l’EHPAD : il est toujours plus difficile de faire le bien que de faire le mal. Pour certains d’entre nous le combat contre le malin ressemble à une simple hésitation comme celle de Milou qui doit porter un message et qui tombe devant un tas de nonos dans Tintin au Tibet… Pour d’autres, il est un véritable combat comme celui de Gandalf dans les mines de la Moria contre le Balrog dans Le Seigneur des Anneaux.

Mais n’oublions pas une chose : dans le combat spirituel et dans la tentation nous pouvons être vainqueurs. Jésus, Milou et Gandalf le sont ! Car la tentation n’est pas un péché, sinon Jésus n’aurait pu être tenté. D’ailleurs le malin peut nous attaquer, peut nous tenter… si nous restons accrochés au roc de Jésus, il ne peut pas nous obliger à pécher. 

Parfois des gens se confessent d’être tentés… mais la tentation n’est pas un péché. La nouvelle traduction du Notre-Père nous redit bien cela : « Ne nous laisse pas entrer en tentation ». Donc le problème n’est pas la tentation mais ce que l’on en fait. Prenons un exemple bien concret… Tu as décidé de te coucher tôt parce que demain tu as une réunion importante au boulot, un examen à la fac ou autre. Et comme c’est le carême, tu essaies de ne pas perdre trop de temps sur les écrans. À 22 h 30, tu te dis « Hmm… Faudrait que j’aille me coucher ». Et une petite voix dans ta tête (un petit milou rouge…) te dit : « tu pourrais regarder les news » (là c’est pas grave c’est juste une suggestion)… Ça te fait réfléchir un peu et ça continue : « allez, vas-y, regarde sur un peu les news »… Une autre voix (un milou angélique) te dit : « C’est foireux, tu vas perdre du temps… » et le dialogue continue : « allez juste un check de 2 min car c’est quand même la guerre en Ukraine »… Ça c’est le moment où tu commences à consentir à la tentation. C’est le moment où l’on « imagine » le « plaisir » qu’on pourrait en retirer (ok c’est mieux quand on prend l’exemple d’un gros gâteau dans la cuisine mais vous voyez l’idée). Puis à ce moment on cherche des justifications : « Non mais de toute façon j’ai pas regardé hier, et puis le dimanche c’est pas carême et puis bon, c’est quand même moi qui décide ». Et là je prends mon téléphone (je suis entré dans la tentation). Au bout de 3 minutes je zappe sur autre chose… Et une heure après j’y suis encore. Dans le meilleur des cas au bout d’une heure j’arrête et j’ai perdu mon temps. Dans le pire des cas je suis tombé sur n’importe quoi sur Internet. C’est une sorte d’effet entonnoir : à force de tourner autour du pot… on tombe dedans !

Jésus dans l’Évangile, quand il a faim… il a vraiment faim. Il aurait pu imaginer avec délectation le bout de pain devant lui surgir comme par enchantement. Mais fort contre la tentation il l’arrête dès le départ.

C’est le secret du combat spirituel chers amis : fuir le champ de bataille, éviter les occasions de pécher ! Mais attention, pas tout seul ! Avec les armes de Dieu : l’Esprit Saint et la Parole de Dieu. 

Je suis avec lui dans son épreuve !

L’arme que Jésus nous donne c’est sa parole. Autrement dit sa proximité : Tout près de toi est la Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur. Or le Christ est la parole de Dieu que nous pouvons accueillir dans notre cœur si nous le voulons bien. Dans les tentations, dans le combat spirituel on ne gagnera que si nous conjuguons les effets de la grâce divine et notre bonne volonté. Le psaume nous le disait tout à l’heure dans une phrase que nous pourrions retenir par cœur : « Puisqu’il s’attache à moi, je le délivre ; je le défends, car il connaît mon nom. Il m’appelle, et moi, je lui réponds ; je suis avec lui dans son épreuve. ». S’attacher au Christ, le connaître, s’appuyer sur lui pour féconder nos efforts concrets. 

Il y a toujours un risque dans le vie chrétienne et spirituelle à être trop « volontariste ». Je m’en sortirai par mes propres forces, faut que je fasse plus d’efforts… C’est le carême-mortification. Le carême round-up. C’est une liste longue comme le bras de résolutions, de douches froides et autres jeûnes pénitentiels.

La question de nos efforts est toujours la même : est-ce qu’ils m’aident à être plus libres ? Est-ce qu’ils me rapprochent du Christ ? Dit autrement est-ce que ces résolutions m’aident à développer les fleurs de la grâce dans ma vie ? Car celui qui est vainqueur des tentations au désert est le même que celui qui est vainqueur sur la croix ! Mais alors pas seulement vainqueur de la tentation : vainqueur du péché et de la mort. Et, dans nos combats intérieurs, secrets ou bien visibles, c’est fort de pouvoir dire au Seigneur « j’ai encore succombé à telle tentation »… et d’entendre Jésus plein de compassion nous redire « je le sais mon enfant, sois fort de ma force. Je suis avec toi dans ton épreuve, n’aie pas peur, je suis vainqueur ! ». 

J’aimerais donc vous proposer un exercice concret pour cette semaine. Vous choisissez chacun une tentation récurrente que vous subissez, ou un péché récurrent… en général on ne met pas 2h à trouver. Puis vous cherchez dans les psaumes ou la parole de Dieu un petit verset qui répond à cette tentation-là. Ou une parole de Jésus à propos de ce genre de choses. Vous l’apprenez par cœur. À chaque fois que la tentation survient… vous dites dans votre cœur cette parole et vous fuyez l’occasion de tomber, vous laissez le démon planté là tout seul, sans vous, en lui disant : « tu ne passeras pas ! ».

Qu’en ce dimanche le Seigneur nous aide à contempler le Christ vainqueur des tentations, à nous armer de sa Parole pour ne pas tomber dans l’entonnoir du démon, et à nous rappeler qu’il est présent dans nos combats et nos épreuves. Nous pouvons gagner le match. Nous ne sommes pas seuls ! Amen !