La promesse et le gage !

Nous le savons bien dans notre quartier, quand les beaux jours arrivent les chaises du jardin du Luxembourg se remplissent de parisiens venus parfois de bien plus loin que du territoire de notre belle paroisse pour prendre un bain de soleil… ou plutôt un bain de lumière. Savez-vous également que dans les pays nordiques, les français expatriés font de la luminothérapie pour éviter le déficit en vitamines… ? Figurez-vous même que dans le plus long tunnel routier du monde (24 km) en Norvège, les ingénieurs ont créé à intervalles réguliers des sortes de grandes cavernes largement illuminées pour reposer le conducteur dans son parcours du tunnel.

Sur notre chemin de Carême, ce 2ème dimanche est déjà une de ces cavernes de lumière.

La promesse de salut 

Pour Abraham, la vie n’est pas au beau fixe et les nuages semblent s’accumuler sur sa vie étant donné qu’il n’a pas d’enfant. Pour un patriarche de son époque cette absence de fécondité est une privation terrible, une blessure. Dieu lui a fait une promesse : lui donner un pays et une descendance en héritage. Par un acte symbolique, Dieu vient permettre à Abraham d’entrevoir la première partie de cette promesse se réaliser : Dieu donne un pays en héritage, en concluant une alliance avec lui. Quand Abraham a quitté Our en Chaldée, il ne savait pas où il allait mais il a fait confiance. Cette promesse, cet acte symbolique et ce sommeil mystérieux sont comme pour Abraham un avant-goût de la réalisation de la promesse finale d’une descendance. 

Dans l’Évangile, la scène se situe juste après que Jésus a annoncé à ses disciples qu’il devait souffrir (« il faut que le fils de l’homme souffre beaucoup »). Et comme cela n’était pas suffisant, il vient de déclarer : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ». Souffrance, croix, renoncement : le programme pour les disciples était particulièrement joyeux. Le moral des troupes n’est pas franchement au top. Quand le patron vous annonce la souffrance et la mort… J’imagine le froid que cela a dû jeter dans l’assemblée. Un peu comme à l’annonce d’une maladie grave ou d’un décès dans une famille. Ainsi Jésus a-t-il besoin de faire comprendre à ses disciples, et finalement à nous après eux, qu’au-delà de toute souffrance une joie sans fin les attend et nous attend. Que dans la vie avec lui, la croix, la souffrance n’a pas le dernier mot. 

En apparaissant transfiguré, il n’ignore pas la souffrance, il ne se dédit pas. Il leur laisse apercevoir, que cette souffrance n’aura pas le dernier mot. Il annonce un salut. Il leur fait goûter à quelque chose d’une promesse divine pour leur donner la force de tenir le coup. Pour nous qui sommes engagés dans ce monde de violence, nous qui enchaînons après deux années terribles marquées par une pandémie, la réalité d’une guerre qui nous fait peur aux frontières de notre Europe, nous devons recevoir cet Évangile comme une promesse et un gage. Au milieu d’un sommeil mystérieux, les apôtres se réveillent de manière fugitive pour apercevoir comme des arrhes du monde à venir. Au-delà des tribulations, au-delà des souffrances, le Christ est vainqueur.

Le carême chemin de lumière vers Pâques 

Ce n’est pas pour rien que cet Évangile revient chaque 2ème dimanche de Carême. Pour remettre les choses à leur juste place. Les pénitences, nos efforts de carême ont un but. Il ne s’agit pas de se faire mal pour se faire mal. Il s’agit d’ouvrir son cœur à la lumière de Dieu. Et nos efforts doivent garder cet objectif-là. Le carême est surtout une préparation à Pâques, le carême est surtout un lent dévoilement de la grâce de Dieu sur nos vies !

Nous avons la joie d’avoir parmi nous les catéchumènes qui seront baptisés dans l’aube pascale. S’ils sont avec nous ce matin, c’est certainement parce qu’ils ont aperçu la lueur pascale dans leur vie. 

Chaque semaine de Carême est pour eux comme pour nous une marche vers la joie pascale. « Au-delà de toute souffrance une joie sans fin vous attend ». Pendant le temps du Carême, toute l’Église va donc au désert pour enfanter à la grâce de nouveaux enfants. Chers catéchumènes, vous êtes pour nous, les vieux chrétiens, un puissant stimulant. Vous avez récemment aperçu dans vos vies la lumière du Christ, et vous nous évitez d’être comme des chrétiens blasés. Vous nous aidez à reprendre conscience de la gloire du baptême que nous avons reçu. Vous nous aidez à reprendre conscience que nous sommes citoyens des cieux ! Vous nous aidez aussi à désirer le salut comme vous désirez le baptême. Si vous, catéchumènes pendant souvent bien des années, avez cheminé du désir du baptême, de notre côté nous les vieux chrétiens ne sommes-nous pas un peu endormis parfois ? Avons-nous encore la flamme et l’enthousiasme de saint Pierre devant le Christ ? Avons-nous vraiment envie d’être sauvés, d’être faits citoyens des cieux ? 

Comme j’aime le cinéma, je ne résiste pas à illustrer cela par un exemple tiré du second opus du Seigneur des Anneaux. Alors que la forteresse d’Helm tombe, que la bataille tourne à l’avantage de l’ennemi, les hommes semblent terrassés, le roi désemparé. Il en est un qui se souvient de la promesse de Gandalf : « Attendez ma venue aux premières lueurs du cinquième jour, à l’aube regardez à l’Est ». Confiant dans les paroles du Magicien, ils se lancent dans la bataille. Paraît alors, dans la lumière naissante, le magicien venu soutenir les assiégés. Dans cette scène le désir d’être sauvé, d’être libéré, est bien réel. Du côté du soleil levant dans une grande lumière apparaît alors, celui qui, pour toute la cité assiégée, va devenir un vrai libérateur. Et nous, désirons-nous fermement vivre de cette lumière ?

Faire un pas dans la foi avec lui, faire un pas vers le ciel, dans la confiance !

L’enjeu pour nous vieux chrétiens, et pour vous catéchumènes, c’est finalement de faire un pas de plus avec le Christ et vers le Christ pendant ce Carême. Abraham est invité en découvrant la terre promise à faire un pas de plus dans la confiance en Dieu. À Pierre, Jacques et Jean, Jésus ne donne pas de voir tout de suite la gloire de Thabor, ils les invite à le suivre sur la montagne, à faire un pas. La vie chrétienne est faite de ces petits pas. Quand vous courez un marathon, vous êtes heureux et soulagé de voir les étapes : 5 km, 10 km… De la même manière notre vie chrétienne est faite de ces petits pas de confiance en Dieu tout en re-fixant le but : « Les yeux fixés sur Jésus-Christ entrons dans le combat de Dieu ». Le but de notre vie, le but de notre Carême, le but de nos efforts, et pour vous le but de votre préparation au baptême, n’est autre que d’être davantage conforme à notre vocation de « citoyens de cieux ». Combien d’entre nous, en contemplant cet Évangile se sont rappelés cette vérité fondamentale : notre cité se trouve dans les cieux ? Nous sommes promis à la gloire à venir. Cette transformation ne se fait pas en un instant. Elle comprend le temps du désert où Dieu semble se cacher, le temps de combat intérieur, le temps de la croix pour à terme goûter au temps de la joie ! Elle nous demande de mettre un pied devant l’autre, en gardant l’objectif : le Christ !

En ce dimanche, frères et sœurs, réjouissons-nous donc de contempler déjà les arrhes du salut pascal. Cette scène de la transfiguration, de même que le désir de nos frères catéchumènes, nous rappelle le but de notre sainte quarantaine : la vie avec Dieu, en Dieu et pour Dieu. La présence du Christ qui donne sens à nos vies. N’ayons pas peur de renouveler notre désir de vivre comme cela. Et choisissons pour notre semaine, comme Abraham ou comme Pierre, de faire avec Jésus un petit pas dans la confiance en Dieu. « Les yeux fixés sur Jésus Christ, entrons dans le combat de Dieu », nous sommes promis à la gloire du Royaume.