Dieu est-il un marchand ? (Miséricorde Divine)

L’Évangile que nous venons d’entendre, et dont le curé de la paroisse avait fait un beau commentaire dans une précédente soirée « pour la miséricorde divine », pourrait nous faire croire que notre relation à Dieu est appelée à se vivre dans une logique marchande et comptable. 

Quand tu commences à nouer des relations diplomatiques avec Dieu, tu commences par faire commerce avec lui. Un peu comme si tu étais une puissance étrangère avec qui il faudrait traiter. Avant même de parler d’alliances stratégiques, on commence par commercer : 3 tonnes de fer contre 9 tonnes de blé par exemple. À titre d’exemple, on se dit parfois : « Regarde tout ce que j’ai fait pour toi, je t’ai donné 4 soirées de la miséricorde divine, 1 chapelet par jour, la messe en semaine de temps à autre et je récolte quoi ? Et toi, qu’as-tu fait pour moi ? » On veut bien traiter avec Dieu, mais dans un deal « win-win » où chacun reçoit quelque chose à un juste prix. 

Parfois même, tu viens voir le « marchand Dieu » et tu veux lui demander quelque chose mais tu as peur, tu as peur du « prix à payer », car tu sais bien que dans ta vie tout s’achète. Faites un test : demandez dans votre entourage si quelqu’un veut faire à Dieu l’offrande de ses yeux, et immédiatement on vous dira : « je n’ai pas envie de devenir aveugle ». Comme si Dieu était un tyran qui détruirait immédiatement tout ce qu’on lui donnerait.

L’important dans la vie spirituelle n’est pas d’être riche ou d’être pauvre. L’essentiel n’est pas dans le style de vie mais dans l’attachement que l’on peut avoir aux choses et aux créatures. Regardez l’Évangile d’aujourd’hui : il nous décrit un homme qui ne s’en sort finalement pas si pauvre que cela… 

En fait, on peut être pauvre sans être pauvre de cœur ni passer sa vie à marchander et à négocier ou même dire dans sa prière « je m’en suis bien sorti aujourd’hui, ça va marcher ». 

Dieu n’est pas un commercant, il ne cesse de le répéter dans la Bible ; Dieu n’est pas un vendeur de chez Darty avec qui tu pourrais négocier une réduction ou au contraire payer le prix fort si ta tête ne lui revient pas. 

Une manière très subtile de faire du commerce avec Dieu c’est de recevoir ces dons et d’en faire pour nous une propriété. Tu vas t’accrocher à ce que Dieu t’a donné comme une dame sortant des soldes avec ses paquets d’habits contre elle pour être sure que personne ne les lui prenne. En fait, Dieu ne nous donne pas des grâces dans notre vie spirituelle pour que nous en soyons des propriétaires jaloux. Dieu donne et c’est bien la logique de l’Évangile : le maître remet sans vergogne et donne en abondance. Mais le don qu’il nous fait peut être comme « repris ». Ainsi parfois tu as fait l’expérience dans ta vie de te sentir aimé par Dieu, et tu cours toutes les veillées de prière pour « ressentir » à nouveau cette proximité divine. N’est-ce pas là le signe que tu n’es pas encore assez pauvre ? Et que tu continues d’aimer Dieu pour les dons et les cadeaux qu’il te fait plus que pour lui-même ? 

Dieu attend que nous soyons vraiment les mains vides, comme la petite veuve de l’Évangile. Les mains libres pour accueillir Dieu. Car, frères et sœurs, la prière n’est pas une monnaie d’Évangile. On n’achète pas la miséricorde de Dieu à coups de chapelet ou de bénédictions !

Rajouter un psaume à un office ou une dizaine à notre chapelet ne te permettra pas de mettre la main sur Dieu, ne l’obligera pas à faire un effort pour toi ! Ce n’est pas non plus la longueur de la bénédiction que le prêtre fera sur ton huile ou ton eau qui obligera Dieu plus ou moins…

Car la Miséricorde de Dieu est d’abord un don gratuit. Nul chapelet, nulle adoration, nulle dévotion ne pourra l’acheter. La prière, l’adoration, le chapelet de la Miséricorde sont de belles et grandes pratiques à une seule condition : les accomplir non pas pour devenir saint, ni encore pour obtenir quelque chose de Dieu, mais gratuitement comme un ami parle à un ami.

La conséquence de cela, frères et sœurs, c’est que la volonté de Dieu n’est pas plaie ou une tuile ! Puisque tu risques de traiter Dieu comme avec un commerçant, tu te dis que s’il te demande quelque chose, c’est pour augmenter le prix… As-tu déjà entendu quelqu’un qui, alors qu’il préparait un voyage avec son ami, ou pour retrouver sa famille à l’autre bout du monde disait « je fais la volonté de Dieu actuellement ». Non, quand on entend parler de la volonté de Dieu tu t’imagines dans un convent, ou sur un lit de souffrances à partager la croix du Christ dans une agonie longue durée ! Tu imagines que la volonté de Dieu est dans le fait de supporter ta voisine pénible, ton curé de mauvais poil ou ton enfant rebelle… La volonté de Dieu telle que tu l’imagines, c’est souvent triste et ça fait mal. 

La fine fleur de la Miséricorde de Dieu, chers amis, est contenue dans une seule phrase de l’Évangile de Jean : « Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ignore ce que fait son maître, je vous appelle mes amis ». C’est décisif. Car un serviteur peut très bien en remplacer un autre. Les plus mauvais des maîtres peuvent même les traiter comme du bétail. Mais dans l’amitié, ce qui fait le cœur de l’amitié, ce ne sont pas les services rendus mais le temps passé ensemble, la relation qui compte. Dans l’amitié chacun se donne totalement, dans une relation réciproque, où les deux parties sont attendues. Notre foi est ainsi réciproque, d’une certaine manière : tu donnes à Dieu ta foi et tu découvres qu’il croyait déjà en toi. Tu cherches à l’aimer et tu comprends qu’il te faisait confiance. Car il t’a fait confiance et il t’aime en se donnant totalement à toi. C’est cela, l’amitié divine. 

Il y en a sur la terre qui ont réussi à ne pas traiter Dieu comme un commerçant, ou comme un maître, mais comme un ami. Ce sont les saints. On a parfois d’eux une image un peu faussée car on a nous a longtemps fait croire que leur sainteté était une perfection, voire une impeccabilité. En réalité, la sainteté bien comprise n’est autre que de prendre au sérieux ce que je vous ai dit là. « Je vous appelle mes amis ». Mais attention, la sainteté bien comprise, c’est vivre de la vie de Dieu aujourd’hui, pas se borner à faire « comme faisait saint truc bidule » ou simplement à déposer des bougies devant la statue du saint en question. La sainteté c’est de vivre au quotidien cette amitié avec Dieu. L’exemple des saints nous stimule. Plus encore, leur prières nous transforment, nous purifient et nous rapprochent du Christ-Ami. Car les pécheurs que nous sommes, Dieu cherche à s’en faire des amis. Pourtant, il est bien le seul à connaitre la vérité la profondeur et la gravité de notre péché, mais c’est ces pécheurs-là que Dieu se propose d’aimer.

Dans un instant, nous allons donc invoquer tous les saints du ciel par cette longue et si solennelle litanie des saints. Nous invoquerons les saints des paroisses de Paris en portant chacun d’entre eux jusque dans les entrailles de la Miséricorde divine. Nous confierons aussi, en ce début de mois de novembre tous nos défunts connus et inconnus, afin qu’ils puissent à leur tour entrer dans la compagnie des saints dans la paix, la joie et la lumière.