Je ne suis pas un héros !

Décidément Jésus ne fait rien comme tout le monde. Il se présente même comme l’anti-héros. Il est bien loin de Joss Beaumont, alias le regretté Jean-Paul Belmondo qui n’habitait pas très loin d’ici, et qui a été enterré cette semaine — ce même Belmondo qui dans le film « Le professionnel » semble maîtriser la situation de bout en bout, avec une pointe d’insolence et au mépris total de la police jusqu’à la mythique scène finale du film… À rebours de tout cela, la première lecture d’aujourd’hui nous présente la figure du serviteur souffrant : « J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats ». On a vu mieux comme figure de héros. Et c’est sans doute cela que Jésus veut faire comprendre à notre bon saint Pierre : « Je ne suis pas un héros », au sens d’un super héros de film. Il ne veut pas être suivi parce qu’il ferait des actions éclatantes, telle une superstar de cinéma. Il veut convoquer avant tout notre foi. 

La foi en Jésus

Et vous voyez, chers amis, saint Pierre, bien qu’il se fasse rabrouer, a quand même une immense qualité spirituelle : il pose un acte de foi qui est de l’ordre du bijou : « Tu es le Christ, le fils du Dieu vivant ». D’abord parce qu’il est une réponse à une question. La foi est toujours la réponse au Seigneur qui se révèle à nous. Ce n’est pas Pierre qui prend l’initiative mais c’est Jésus qui pose la question. Ensuite parce que la foi de Pierre, il ne l’a pas jouée au pile ou face, il ne s’est pas dit « allez tiens, faisons le pari que celui-là c’est le bon ». Non, depuis longtemps il accompagne Jésus. Oui, Jésus a bien fait toutes choses au sens où il a rempli le cahier des charges, la feuille de route, du Messie tel qu’il était annoncé par les Écritures. Pour qui a des yeux pour voir et des oreilles pour entendre, le message est clair : Jésus est le Messie. Cependant, d’autres que Pierre ont vu la même chose. C’est là sans doute le signe que voir avec ses yeux de chair ne suffit pas pour avoir la foi. La foi est une confiance intérieure éclairée par l’Esprit Saint. Ensuite, la foi de Pierre est belle car elle est désirée. Imaginez un instant un beau jeune homme fou de football et qui participe à une soirée le jour de la finale de la Ligue des champions que Paris pourrait gagner. Il est tellement concentré sur les buts à venir de Messi… qu’il n’arrivera jamais à remarquer Cunégonde qui le regarde du coin de l’œil. Son cœur est pris. La foi nécessite le désir, cher amis. Il faut désirer croire comme Pierre pour avancer dans la foi. Enfin, la foi de Pierre est un bijou car elle va devoir être toujours actualisée. On ne croit pas « pour de bon ». On croit chaque jour. Comme on n’aime pas son époux pour de bon mais on le re-choisit chaque jour. Et voilà sans doute ce que notre ami Pierre va apprendre dans l’épisode d’aujourd’hui où sa belle foi, sa foi grande et magnifique, est mise à l’épreuve. Elle est mise à l’épreuve de la Croix ! 

Que la croix du Christ soit ma seule fierté ! 

Il faut être clair : un directeur de marketing n’aurait jamais dit ce que Jésus déclare dans l’Évangile : « Il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué »… Car il faut être clair : ça ne fait pas rêver. Il faudrait être masochiste pour aimer la souffrance et la croix. Et l’on comprend bien dans notre vie la réaction de saint Pierre : qui aurait envie que son maître, celui en qui on a mis sa confiance, souffre et meure ? Cela ne rentre pas dans le schéma qu’il a en tête. 

Pour saint Pierre, la croix est comme le symbole de la défaite suprême. De l’échec. Un peu comme une élimination en huitièmes de finale de l’Euro… Et pourtant, si on lit saint Paul, on peut entendre de sa bouche « Que la croix du Christ soit ma seule fierté ». La croix du Christ est une fierté, pour au moins trois raisons :

  • La croix du Christ, c’est d’abord un acte d’amour qui nous dit ce qu’est l’amour véritable. Le Seigneur m’a aimé jusque là. Jusqu’à donner sa vie pour moi. Le Seigneur a accepté de vivre et de subir la souffrance pour me sauver et faire de moi son enfant. Il faut ainsi voir la croix comme signe de l’amour qui va jusqu’au bout. Alors bien sûr, si tu crois que l’amour c’est juste des sentiments, un cœur qui bat la chamade, et des frissons dans le dos… En fait, si tu crois à l’amour comme une collégienne, alors reste à l’âge du collège et ne grandis pas, continue à écrire le nom de celle que tu aimes sur ton agenda avec des petits cœurs en rose, tout doux, tout mièvre. Ce que la croix te révèle, c’est que l’amour est rouge, rouge feu, rouge sang, que l’amour c’est un cœur certainement, mais avec une croix plantée dedansQue l’amour va jusqu’au bout, que l’amour donne tout. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. 
  • La croix du Christ, c’est le signe de la victoire. Parce que si nous affichons la croix dans nos campagnes, dans nos rues, sur nos églises, autour de nos cous… voire sur le bras comme un restaurateur que j’ai rencontré mercredi… si donc nous affichons cette croix c’est qu’elle est un signe de victoire aujourd’hui la croix est vide car le Christ est glorieux : vainqueur de la mort. Notre foi ne s’arrête pas à la croix elle passe par la croix pour une vie plus grande. 
  • La croix c’est enfin la promesse de ne jamais souffrir seul. Saint Pierre voulait croire à un messie héros style Superman. Le Christ nous offre un serviteur souffrant. « Homme de douleur, familier de la souffrance », nous dit le livre d’Isaïe. Après deux années de Covid, alors que beaucoup de nos contemporains souffrent d’isolement ou de solitude. Alors qu’à Bagdad, à Beyrouth ou ailleurs, souffrent des innocents. Alors que nous pouvons honnêtement crier vers le Seigneur dans bien des situations « pourquoi Seigneur ? ». Le Seigneur nous répond dans le silence en nous offrant la croix. La croix, c’est le signe du Christ présent dans nos souffrances. Quand tu n’en peux plus dans ta vie. Quand tu es usé par ton célibat non choisi, quand tu es abattu par la maladie, quand tu es broyé par des histoires de famille sans fin, quand tu es écrasé par une rupture ou fatigué par le travail, quand tu te poses des questions sur le sens de ta vie… regarde la croix : il y a là la réponse d’amour du Seigneur qui te dit en silence « je souffre avec toi », « ma souffrance est la tienne », « tu partages ma croix ». 

Le signe de la croix ! 

N’ayez pas honte de la croix du Christ. N’ayez pas peur de porter une croix sur vous. Même une croix en bois à 3 euros. Elle est le signe de l’amour triomphant du Christ pour nous. Dans toute tentation et toute épreuve : regardez la croix avec confiance. C’est cela notre foi. 

Le Seigneur ne nous promet pas un long fleuve tranquille mais une route où Il est présent, où Il nous tient la main. Il nous promet pas que nous ne serons jamais persécutés, raillés, humiliés à cause de notre foi… chaque semaine je rencontre des gens qui subissent de telles choses dans leur travail. « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ». Ne nous étonnons pas que notre foi dérange. 

Mais chaque fois que nous commençons notre prière, nous la commençons en traçant sur notre corps le Signe de la Croix. Le Signe du Triomphe. Chaque fois que nous traçons sur nous le signe de la croix, nous confessons la foi au Christ mort et ressuscité. Chaque fois que nous traçons le signe de la croix nous acceptons d’être uni à Jésus dans la souffrance et la résurrection. Chaque fois que nous traçons sur nous le signe de la croix, nous implorons le Seigneur en disant sans un mot : « Seigneur, tu as donné ta vie pour moi sur la croix, apprends-moi à te donner quelque chose de ma vie ». Car si saint Pierre en ce dimanche se fait rabrouer, si saint Pierre se fait traiter de Satan… Saint Pierre lui-même donnera sa vie comme le Christ et pour le Christ. 

Et nous que sommes-nous prêts à donner au Christ ? En ce début d’année, à quoi sommes-nous prêts à renoncer pour le Christ ? À un WE à la campagne ? À un peu d’argent ? À une sortie ? En ce début d’année, que voulons-nous donner à Jésus ? Cette semaine, j’ai rencontré un jeune homme qui a renoncé à l’amour d’une belle jeune fille pour entrer au séminaire : quel étonnant acte d’amour et de confiance en Jésus ! Je vous le confie. Je vous confie aussi tous ceux qui ont du mal à lâcher quelque chose à Jésus. 

Frères et sœurs bien aimés, cette semaine le Christ ne se présente donc pas à nous comme le professionnel de Belmondo, mais comme le serviteur souffrant, aimant et compatissant. Avoir foi en Jésus, à l’école de saint Pierre, ce n’est donc pas simplement le prendre pour notre doudou spirituel qui nous console quand ça ne va pas, mais c’est aussi entrer dans le mystère de la croix. La croix, notre espérance et notre fierté. Soyons fiers de la croix du Christ. Osons souvent tracer sur nous le signe de la croix. Au milieu des tribulations comme dans les joies, de toute notre foi regardons la croix : elle nous apprend ce qu’aimer veut dire. 

Au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit !