Je l’aime à mourir !

Si je devais vous donner une phrase de la culture populaire comme cap pour votre vie conjugale, je ne la tirerais pas du meilleur carnet de chants des festoyeurs des fêtes de Dax, ni du carnet de chants des scouts d’Europe ou de la Marine nationale… mais je ferais appel à une veille chanson française… (à l’échelle de votre âge)  de Francis Cabrel : « je l’aime à mourir ». « Aimer à en mourir »… voilà bien quelque chose d’étrange pour le jour d’un mariage. Comme la lecture que vous avez choisie du livre de la Genèse si profonde et si dure du sacrifice d’Abraham. Et pourtant il me semble qu’elle illustre à merveille le chemin du mariage. 

Comme les études d’infirmières et celle de commerce ne vous délivrent pas (encore) un doctorat en théologie biblique… je vous restitue le contexte : Abraham a été élevé dans le clan de Terah, son père, sous la coupe duquel il a été jusqu’à un âge avancé. Son père a tout décidé pour lui et c’est Dieu lui-même qui va l’arracher à la domination paternelle en l’appelant à une autre voie. Mais devenu père d’Isaac, le risque est grand pour Abraham de reproduire le schéma paternel et chercher à être « tout puissant », à ce que son fils soit « à lui ».

Car le Seigneur des Anneaux, non pas Sauron le Seigneur des ténèbres mais bien Dieu lui-même, inventeur du mariage, exige de vous, au jour de votre mariage un certain sacrifice. En effet, si Dieu commande à Abraham d’offrir son fils en sacrifice comme une épreuve de la foi, c’est surtout pour l’éduquer plus profondément. Dieu veut sortir Abraham de l’ordre de la possession. Dieu veut montrer à Abraham que l’autre ne nous appartient jamais. C’est un enseignement précieux pour vous qui allez-vous échanger vos consentements dans quelques minutes. Comme le fait de donner la vie à un enfant, l’engagement de votre mariage est un don total, un don gratuit, un don désintéressé. Chaque fois que vous serez tentés pendant votre vie conjugale de prendre pour vous, de ramener à vous, de vouloir posséder l’autre ou de lui imposer votre vue, rappelez-vous cette lecture et ce don gratuit, désintéressé et si fécond que Dieu nous propose dans l’amour. Rappelez-vous ces paroles échangées au jour de votre mariage : « je me donne à toi.. je te reçois ». 

Cette dynamique du don, cher Antoine et chère Clotilde vous la vivez d’une certaine manière dans les métiers très engagés que vous avez choisis. Comme marin pour Antoine, comme infirmière pour Clotilde vous voulez « aimer et servir ». C’est une belle attitude et vous m’avez exprimé à plusieurs reprises votre désir d’être l’un pour l’autre un chemin de sanctification. Pour bâtir la maison de votre amour sur le Roc, pour parcourir ce chemin de sanctification, j’aimerais vous inviter à suivre le Christ d’une manière plus profonde encore pour faire de votre couple, un couple Eucharistique. 

Une offrande 

La messe, c’est d’abord une offrande : l’offrande de Jésus sur la croix qui nous enseigne par sa vie : « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ». Ainsi donc, vous le saurez pour l’avenir le titre de la chanson de Cabrel est quasi évangélique. Pourquoi ? parce que c’est ce que le Christ a vécu. Plus encore qu’Abraham, le modèle de votre amour conjugal doit être le Christ lui qui a montré sur la croix le force de son amour. Chaque jour, en regardant une croix, au détour d’un chemin, ou en haut d’une église, rappelez-vous que c’est cet amour que vous vous êtes promis : mourir à soi-même pour être tout donné à l’autre. Quotidiennement mourir à soi-même pour naitre au don de soi même : voilà votre vocation d’époux et d’épouse ! Mourir à soi-même, c’est savoir écouter. Mourir à soi-même, c’est faire « de notre mieux » pour faire passer « les autres avant moi » pour reprendre le mot célèbre de Lord Baden Powell. Au pays de l’amour, comme sur les bateaux de la Royale, il faut parfois affronter des tempêtes, alors pour demeurer fidèles dans votre amour vous aurez chaque jour besoin de renouveler en actes les promesses de votre mariage ! Pour cela, cher Antoine tu pourras certainement reprendre avec joie la prière scoute et la transmettre à Clotilde pour en faire une prière de votre couple : « Seigneur Jésus apprenez nous à être généreux, à donner sans compter ». En n’oubliant pas que le premier avec qui il s’agit d’être généreux c’est l’autre ! 

Une communion : 

En venant vous présenter devant l’autel du Seigneur vous ne venez pas comme des clones mais comme deux être différents, à la culture familiale différente et vous ne venez pas reproduire un schéma pré-établi mais vivre une « communion d’amour ». Vous venez vivre une aventure vers un but commun. Vous êtes appelés à former une véritable « communauté de l’anneau » dans laquelle les plus trapus des hobbits peuvent rencontrer les plus gracieuses des elfes. De même lorsqu’à la messe nous communions au Corps et au Sang du Seigneur… nous formons un seul corps et une seule âme tout en étant si différents !  

Pour fortifier votre communion dans votre communauté de vie et d’amour, je vous propose trois pistes :  

  • Choisir de faire de la prière de couple au cœur de votre vie conjugale.: « La prière, c’est un élan du cœur, c’est un simple regard jeté vers le ciel, c’est un cri de reconnaissance et d’amour au sein de l’épreuve comme au sein de la joie » disait Ste Thérèse. Faites l’effort de prier ensemble, de vous tourner ensemble vers le Maitre. 
  • Vivre la communion de la chair comme une véritable communion des personnes en vous donnant avec vos corps l’un à l’autre et en faisant entrer dans la vie d’ici bas plein de mini Antoine et de mini Clotilde pour la plus grande joie des futurs grands parents… 
  • Travaillez toujours la délicatesse de votre communication de couple : par l’écoute mutuelle et le temps consacré à décider ensemble, librement, joyeusement l’orientation de votre vie de famille et de couple ! 

La messe est une espérance : 

Enfin la messe est une espérance. Il me faut vous rappeler quelque chose d’essentiel, c’est qu’au terme de l’histoire… nous vivrons le « retour du Roi » ! Car votre mariage si magnifique soit-il… merci papa, merci maman… est un pâle reflet des noces véritables. Les noces du Christ et de l’Eglise. Le couple que vous voulez bâtir sur le Roc en ce jour n’aura son plein épanouissement qu’au ciel. Là se jouents les noces véritables. Celle du Christ et de l’Eglise.  Chacun de vous trouvera sa pleine mesure qu’au ciel, dans la gloire de Dieu. Ne dit-on pas à la messe « heureux les invités aux festins des noces de l’Agneau » ? Là vous vivrez l’amour véritable, l’amour qui n’a pas de fin, l’amour qui n’a pas de faille. Votre couple est appelé à être pour le monde témoin de l’espérance chrétienne. En vous mariant devant Dieu cette après-midi vous dites au monde entier que votre amour est comme l’anticipation d’une réalité plus grande et plus belle. Vous êtes finalement comme des Athlètes qui s’entraine de longue année pour le Jeux Olympiques. Votre mariage est donc un entrainement, entrainement à vivre la messe éternelle, les noces du Christ et de l’Eglise. Ne soyez pas un couple aigri ou enfermé, mais rayonnez autour de vous, dans le monde, dans la marine et à l’hôpital combien l’espérance que nous donne la foi nous permet de vivre ici-bas en homme joyeux et engagé dans le monde d’ici-bas : la tête au ciel mais les pieds sur la terre !

Ainsi donc, cher Antoine, chère Clotilde, si vous choisissez aujourd’hui de vivre votre amour comme une messe, vous goûterez j’en suis sûr à la joie véritable et votre « je l’aime à mourir » deviendra un « y-a-d’la joie », un « je te donne toutes mes différences, tous ces défauts qui sont autant de chances, je te donne ce que j’ai ce que je vaux ». Alors oui aimez-vous, le reste on s’en fout.