Tempête, Silence et Confiance

Ce dimanche nous voici donc embarqués tous ensemble, non pas sur un paquebot transatlantique, mais bien sur la petite barque du lac. Cela étant, la tension reste la même. Il n’y a pas Rose et Jack, mais il y a Pierre, Jacques et les autres. Sur le Titanic comme dans la barque de l’Évangile, la peur est omniprésente, les vagues et les dangers de la mer risquent de mettre en péril l’aventure des uns comme des autres. Et pendant ce temps-là Jésus dort. Il abuse un peu, Jésus, dans l’affaire. Un peu comme si, alors que le grand jeu scout commence à mal tourner, et que tout le monde est pris sous l’orage, le chef de troupe décide que c’est l’heure d’envoyer des petits SMS à sa chère et tendre amie, tranquillement installé dans sa voiture alors que tout le monde est en danger. D’ailleurs, si vous le permettez, il abuse un peu Jésus, aujourd’hui, car la barque de l’Église et du monde est bien secouée ces temps-ci. La tempête du Covid, la tempête des scandales, la tempête de la crise des vocations… Nous sommes souvent dans la même situation que nos braves apôtres et le plus scandaleux c’est que Jésus ne fait rien ! Absolument rien. Il dort comme un enfant innocent. 

Au cœur de la tempête, la peur qui paralyse 

Dans notre vie chrétienne, au cœur de la tempête, nous sommes bien souvent paralysés par la peur. Même les « meilleurs chrétiens » subissent cette tentation. Peur que le monde ne soit plus chrétien, peur que nos valeurs ne soient plus reconnues, peur que nos enfants ne partagent ou ne vivent pas la même foi… Mais il y a aussi des peurs plus matérielles et immédiates : peur d’être malade et de ne pas pouvoir aller à tel weekend d’amis, peur de décevoir son patron, peur de rater ses examens, peur de ne pas être pris à tel ou tel endroit, peur de voir ses proches souffrir. Parce que la vie chrétienne n’enlève pas les souffrances et les échecs. Être chrétien ce n’est pas souscrire une assurance tous risques ! D’ailleurs, vous noterez que Jésus, dans la barque, n’empêche pas que celle-ci soit battue par les flots. Jésus n’empêche pas que ses disciples aient peur. Jésus n’empêche pas qu’ils soient exposés à la mort. Et si les disciples, les apôtres du Christ, ses plus proches, ont vécu cela, pourquoi quant à nous nous en serions dispensés ?

Le silence de Dieu, le silence de l’homme

Ce qui nous perturbe le plus dans nos moments de détresse, c’est le silence apparent de Dieu. C’est la colère de Job qui ne comprend pas pourquoi tous ses malheurs lui tombent dessus. « Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour que cela m’arrive ? » C’est une question légitime. Et dans ces moments-là, on a beau crier vers le ciel, il semble que le ciel ne nous répond pas. On peut penser parfois que ce silence de Dieu a quelque chose de sadique et on pourrait voir dans l’Évangile comme dans le livre de Job une manière un peu cruelle de procéder. On peut se dire : en fait, Dieu est gentil mais dès que ça commence à chauffer, il nous abandonne. 

C’est peut-être que la présence de Dieu au cœur de la tempête est un peu différente. Peut-être que ce silence apparent de Dieu est une occasion pour nous de poser un acte de foi supplémentaire. Qu’en expérimentant le silence de Dieu, le sommeil de Dieu, en étant laissés parfois à notre propre force… nous comprenons plus en profondeur que nous avons besoin de Dieu. Le silence de Dieu, c’est aussi cet espace de liberté qu’il nous offre. Car Dieu n’intervient pas à tort et à travers dans nos vies. Il nous laisse vivre ! 

En voyant la panique des apôtres dans la barque, nous pouvons aussi nous poser la question de nos silences et de nos paroles inutiles. Sommes-nous de ceux qui crient au loup tout de suite ? Qui cèdent à la panique ? Ou bien ceux capables de demeurer un peu dans le silence, confiants dans l’œuvre du Christ ? 

Dans l’Évangile Jésus ordonne à la tempête de se taire. Nous pourrions parfois comprendre que la tempête n’est pas qu’extérieure à nos vies. Elle est aussi à l’intérieur de celles-ci. Il nous faut parfois faire taire l’intérieur, faire taire nos rancœurs et nos ressentiments, nos soupçons, nos angoisses. Faire taire ce qui nous enferme. Ce qui nous fait ruminer en boucle. Le silence imposé par Jésus est pour moi aussi une invitation à entrer dans le silence, à nous abstenir de certaines paroles intérieures blessantes.  

La foi confiante : Dieu tient toute chose dans sa main

En fait, si quelques fois Dieu semble ne pas nous aider, cela ne veut pas dire qu’il nous ait abandonnés mais plutôt qu’il nous fait confiance car nous pouvons nous projeter, trouver, inventer, recréer. Ce silence apparent de Dieu est une invitation à une profession de foi plus confiante. L’épouse fidèle et confiante ne s’inquiète pas ne pas recevoir de SMS de son mari pendant la journée. Elle lui fait confiance. Nous sommes comme des petits bonshommes dans la main de Dieu : si Dieu cesse un seul instant de penser à nous, nous n’existons plus. Dieu tient toute chose dans sa main : « Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? » ! Le Seigneur est notre créateur et ce qu’il veut c’est notre bonheur. Notre joie profonde et véritable. Au cœur de la tempête Jésus est bien présent. Il est là. Peut-être qu’il ne se manifeste pas. Mais il est présent. La foi chrétienne ce n’est pas de croire qu’il n’y aura jamais de tempête mais de croire que Jésus sera présent à nos côtés dans ces moments de tempête. Que si nous appuyons notre vie sur cette certitude, nous ne craignons rien, car ce qui nous arrivera se vivra sous le regard du maître. 

Puissions-nous donc, frères et sœurs bien aimés, au cœur des tempêtes de nos vies, ne pas avoir peur des silences de Dieu, mais faire confiance, car c’est lui qui tient tout chose dans sa main.