Dieu est-il un bon jardinier… ?

Petite devinette du jour : je suis un film français, comique, sorti en 1978, où Louis de Funès campe un industriel au bord de la faillite, époux d’une femme horticultrice jouée par Annie Girardot… Mon titre exprime un grand bazar… je suis… « La Zizanie ». Si vous vous souvenez bien, le héros joué par de Funès essaie de sauver son entreprise. Le préfet refusant l’autorisation d’étendre l’usine sur les terrains voisins, il décide alors d’installer ses machines partout sur son terrain au mépris même du potager de sa femme. Car une fois la maison saturée de machines, il simule une fuite de pétrole sur le potager de sa femme pour sacrifier celui-ci et étendre son usine… Bref, Louis de Funès n’est pas vraiment bon jardinier. Et Dieu, quant à lui ? 

Parce que l’Évangile d’aujourd’hui, c’est un cours d’horticulture à lui tout seul. Je voudrais relever trois points qui montrent que Dieu et le chrétien sont meilleurs que Louis de Funès en horticulture. 

La bonne nouvelle : Dieu sème

Le première bonne nouvelle de Dieu horticulteur, c’est qu’il sème. Le royaume est semblable à une graine semée… c’est-à-dire que le boulot de base est déjà fait. C’est d’ailleurs ce qui est fascinant dans le vivant : la plante a en elle-même tout ce qu’il faut pour se développer. Il en est de même dans notre vie. Depuis notre baptême, Dieu a déposé dans notre âme tout ce qu’il faut pour être saint. La grâce sanctifiante, la grâce actuelle et la grâce prévenante. Bref, le kit complet. C’est Dieu le Semeur, et quand il donne rien ne manque. Il ne faudrait pas croire que certains ont reçu la dose et pas d’autres. Depuis votre baptême, frères et sœurs, vous êtes le temple de l’Esprit, vous avez reçu tout ce qu’il faut. La graine de moutarde, hormis un peu de terre et un peu d’eau, a déjà en elle tout ce qu’il faut pour devenir une grande plante. Cessons donc de nous lamenter sur ce que nous n’avons pas reçu. Nous avons reçu ce qu’il faut pour devenir ce vrai cèdre du Liban auquel fait allusion la première lecture. Nous avons par la grâce du baptême tout reçu… Savons-nous en profiter ? Confiance : c’est Lui qui sème. Confiance : c’est Lui qui fait grandir. Confiance : c’est Lui le jardinier. 

Patience : ça pousse 

La seconde bonne nouvelle, c’est que Dieu est patient. Bien plus patient que nous. J’ai découvert un truc génial dimanche dernier. J’étais de passage à la campagne chez un oncle et il m’expliquait quelques éléments de la pousse des carottes. Il paraît que les carottes ne se voient pas : on les sème souvent avec le radis pour savoir qu’on en a semé et puis un beau jour, d’un coup, elles sortent et c’est le signe qu’il faut les arracher pour les consommer. Voyez-vous, c’est un peu cela la vie chrétienne : il faut parfois attendre longtemps avant de voir sortir des feuilles et des fruits.

Je vois des enfants qui à 10 ans aimeraient être déjà grands et forts… et des jeunes filles de 18 ans qui voudraient déjà se marier avec leur prince charmant, et des gens qui voudraient s’être déjà sortis de tel combat spirituel.

En fait, la vie spirituelle et chrétienne, tout comme l’horticulture, demande de la patience. Vous aurez beau tirer sur la plante, elle ne poussera pas plus vite. « Le temps ne respecte pas ce que l’on fait sans lui » dit souvent un bon père spirituel. Le temps est notre allié. Dans la vie chrétienne il faut du temps. On voudrait déjà être arrivé, avoir parcouru toutes les étapes du chemin spirituel. On veut tout tout de suite. On oublie que Jésus lui-même a attendu 30 ans avant de passer à l’action. 30 ans de vie cachée. Et nous voudrions que notre vie spi porte du fruit en une semaine là où à Jésus, il aura fallu trente ans de maturation spirituelle et humaine ? 

Dans la vie chrétienne comme dans la vie d’une plante il y a des temps variés. Au printemps les choses poussent rapidement, on peut quasiment voir l’herbe se développer, alors qu’en hiver tout semble dormir. Et pourtant chacune des deux saisons est nécessaire à la plante. Pendant des JMJ ou tel pélé, on a l’impression que notre vie chrétienne grandit hyper vite. Et puis on retombe dans la banalité du quotidien en se disant que ça ne sert à rien, en rêvant parfois même du séminaire ou du convent. De la même manière que l’amour a besoin de temps pour mûrir et que se précipiter sous l’effet d’une passion ne mène en général pas à grand-chose. Donc patience et durée valent mieux que force et rage ! La patience, c’est accepter que le rythme de Dieu n’est pas le nôtre. C’est accepter aussi que notre progrès spirituel n’est pas toujours constitué de chose qui se voient. Qu’il nous faudra parfois lutter toute notre vie contre tel ou tel penchant mauvais.

Le plus petit deviendra le plus grand : humilité chrétienne 

La troisième bonne nouvelle de ce jour, c’est qu’avec Dieu ce qui est petit peut devenir grand ! C’est l’inverse de la logique du monde. L’équipe qui vaut le plus cher à l’Euro de football a toutes les chances de le remporter, celui qui est le plus riche a toutes les chances de devenir encore plus riche, celui qui est le plus fort a toutes les chances de le rester… La logique de Dieu, c’est celle de la Croix : celui qui offre sa vie par amour, celui qui meurt par amour, fait en réalité triompher la vie ! Il nous faut vraiment vivre une conversion intérieure : entrer dans la logique de Dieu, dans la logique de la fécondité de Dieu. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus l’avait bien compris. Elle écrit : « J’ai toujours désiré d’être une sainte, mais, hélas ! j’ai toujours constaté, lorsque je me suis comparée aux saints, qu’il y a entre eux et moi la même différence qu’il existe entre une montagne dont le sommet se perd dans les cieux et le grain de sable obscur foulé sous les pieds des passants ; au lieu de me décourager, je me suis dit : Le Bon Dieu ne saurait inspirer des désirs irréalisables, je puis donc malgré ma petitesse aspirer à la sainteté ; me grandir, c’est impossible, je dois me supporter telle que je suis avec toutes mes imperfections. » Et sainte Thérèse de poursuivre un peu plus loin : « La sainteté c’est la force de Dieu dans la faiblesse de l’homme ». Si Dieu est capable de faire d’une petite graine de moutarde une belle plante, il est aussi capable de faire de ma pauvre vie chrétienne une véritable sainteté. Voilà notre espérance. Quel encouragement !

Confiance, Patience et Sainteté : voilà les 3 mots clés du jardinier divin en ce dimanche. Et en cette fin d’année scolaire, avant l’inévitable dispersion de l’été et les vacances méritées, il nous faut nous poser la question : qu’est-ce qui a grandi pendant cette année ? Dans notre vie paroissiale ? Dans nos amitiés ? Dans notre travail ou nos études ? Dans la vie spirituelle ? Dit autrement, quelle branche s’est développée de notre personne ? 

Ce petit « bilan » nous aidera certainement à prendre conscience de la présence de Dieu au cœur de nos vies, c’est Lui qui est le véritable jardinier de nos âmes. Bien meilleur que Louis de Funès. Puissions-nous en prendre conscience et rendre grâce. Amen !