La Trinité : j’y comprends rien !

En cette fin d’année il y a des jeunes qui tremblent pour leurs admissions en master… d’autres pour les résultats de Parcoursup fraîchement tombés. Et si vous vous souvenez bien, pour ceux qui sont parents de grands enfants, ce n’est pas toujours simple de gérer cette période. Mais imaginez quelle ne dût pas être la réaction de sainte Marie et de saint Joseph à l’arrivée du bulletin de leur petit Jésus et surtout des appréciations qui l’accompagnaient. Le prof de maths écrivait  : « Ne sait quasiment rien faire, à part multiplier les pains et les poissons. Ne sait pas faire la distinction dans le calcul d’un salaire entre une heure, et une journée travaillée ». Et enfin, pour couronner le tout « n’a pas encore acquis les bases de l’addition : affirme que son Père et lui ne font qu’un ». Alors oui, Joseph et Marie auraient de quoi être furieux ! Et puis l’Église aussi, parce que bon, enseigner que trois Dieux ne font qu’un mais en même temps sont trois… à croire que tous ces cathos ont un problème avec les maths. Comment voulez-vous qu’on puisse annoncer l’évangile, nous, dans ces conditions ? 

On n’y comprend rien ! 

Face à ce problème de mathématiques insoluble, le bon paroissien a donc plusieurs solutions : capituler en se disant que décidément c’était trop compliqué à comprendre, et renoncer à réfléchir : ok la logique de Dieu n’est pas celle des maths… bon alors voilà, c’est tout. Ou bien essayer de comprendre ce que ce beau mystère de la Trinité signifie pour nous.

Pour ce faire, j’aurais pu vous donner un grand cours de théologie, dans le genre : « La Trinité consubstantielle est réellement une par nature et trine par les personnes qui se distinguent par leur relation d’origine tout en possédant une égale dignité ». Mais sans doute n’y auriez-vous rien compris. Je vous rassure, même les plus grands théologiens se sont arraché les cheveux sur le sujet. Ainsi saint Augustin trouvait-il aussi difficile de comprendre la Trinité que de vider la mer avec une cuillère. Et pourtant, il a écrit plusieurs centaines de pages sur le sujet. Pourquoi cette folie ? Parce que la Trinité est un mystère central dans notre foi qui vient bien souvent percuter les images un peu désuètes que nous avons de Dieu dans notre tête. Je vous fais le best of des fausses images de Dieu : 

  • Le vieux barbu (façon Michel-Ange), assis sur son petit nuage, et qui nous regarde en souriant et en attendant que cela passe… 
  • Le grand noir en costume blanc, à la manière du film Bruce tout-puissant, qui utilise sa force pour intervenir à tort et à travers
  • L’architecte créateur qui, une fois les plans du monde tracés et la création effectuée, s’en retire dans un paradis céleste pour laisser la création à sa propre perte…

J’ai le regret de vous annoncer, chers amis, que ce n’est pas ainsi que Dieu se révèle à nous. Que ces images d’un Dieu lointain et ineccessible sont fausses ! Le mystère de la Trinité est un mystère dynamique, et un mystère d’Amour qui concerne notre vie quotidienne bien plus qu’on ne veut le croire. Un mystère, dans la théologie ce n’est ni une glace à la vanille ni un secret gardé par un petit groupe sectaire, mais c’est un élement dont ne peut saisir qu’une seule face à la fois. Un peu comme une boule à facettes. Quoi que vous fassiez, vous ne verrez jamais qu’une seule face de votre boule à facettes ! Il en est de même pour la Trinité. Je vous propose donc de vous arrêter ce soir sur une facette de ce grand mystère : le don.

Le don : logique de l’amour divin 

Car Dieu n’est pas un solitaire qui jouerait sur son iPhone 12 Pro Max toute la journée, assis sur un joli nuage. La Trinité, c’est la révélation d’un amour dynamique. Pourquoi donc être trois ? Pour aimer ! Parce, comme le dit saint Jean, « Dieu est Amour ». Pour aimer vraiment, je ne peux aimer que quelqu’un d’autre que moi, quelqu’un de différent à qui je peux donner mon amour. Parce que l’amour ne permet pas de se regarder perpétuellement le nombril. Parce qu’aimer c’est donner, aimer c’est choisir que l’autre prenne la première place !

Dans le mystère de la Trinité, le Père aime le Fils d’un amour absolu. Il prend tout ce qui est en lui-même pour le donner au Fils : il se donne à lui. Le Fils, lui, reçoit tout du Père, mais lui redonne en entier, en lui offrant tout son amour. L’Esprit, lui… eh bien c’est tout simplement le lien d’amour mutuel des deux. 

Pour mieux comprendre cela, postons-nous à la sortie d’une célébration de mariage (c’est la saison !) : ils sont deux, l’homme et la femme, à s’aimer tendrement… Cet amour peut porter un fruit de vie, un troisième : l’enfant. Aucune des trois personnes n’est identique, et pourtant ils sont unis par un même amour : l’amour des deux parents ensemble et le fruit de cet amour, l’enfant. Ce qui fera dire à saint Jean-Paul II que les époux chrétiens, lorsqu’ils s’unissent dans la chair, sont « icônes de la communion des personnes divines ». 

Ce n’est qu’une comparaison mais elle peut nous aider à comprendre quelque chose de la Trinité.

Communion de l’Amour 

Si Dieu est un circulation, une communion d’amour, voilà quelque chose qui devrait nous concerner tous au plus haut point. La Trinité n’est pas un problème de mathématiques de plus, insoluble au premier abord mais elle est plutôt une dynamique de l’amour. Non pas un amour digne des séries télévisées du style Les Feux de l’amour (aux 11500 épisodes) ou un amour vécu sur Tinder, mais un amour solide un amour qui est un don. Aimer pour le Père c’est tout donner à son Fils Jésus. Aimer, pour le Fils, c’est tout rendre au Père, tout redonner au Père. L’Esprit Saint n’est autre que ce don est tellement grand et tellement fort qu’il est une personne. Et ce n’est pas une parole en l’air : la preuve s’en trouve dans le mystère de la Croix, où le Christ a tout donné. Tout, sans réserve. 

La fête de la sainte Trinité c’est donc l’occasion de faire le point sur sa vie d’amour et d’amitié. Est-ce que j’aime à la manière de la Trinité : en donnant, en m’oubliant moi-même pour que l’autre ait sa place ? Ou bien est-ce que je cherche dans mes relations à prendre pour moi. Est-ce que je veux le meilleur job pour moi, la meilleure séance de sport pour moi, le meilleur plaisir dans la relation ? Ou bien est-ce que je veux aimer, c’est-à-dire vouloir que l’autre soit avant moi : que l’autre s’épanouisse, devienne meilleur, plus fort, plus beau, plus grand, plus saint.

Notre joie de chrétiens, en contemplant le mystère de la Trinité, c’est de donner, de donner sans compter et de donner notre vie par amour. Oui chers amis, nous avons la chance d’avoir un Dieu qui nous apprend le chemin de la joie véritable et de l’amour : en nous donnant en vérité, en aimant en vérité, nous prenons le chemin pour ressembler avec Dieu Trinité. 

Puisse cette messe de la Trinité nous offrir un voyage vers les rives de l’amour véritable, non pas celles de l’Île de Trinité dans le Caraïbes, mais celles de la Trinité bienheureuse, modèle de tout amour véritable.