Déconfiner l’Esprit !

Petit sondage de sortie de messe : pour vous, Monsieur, la Pentecôte c’est quoi ? « Alors, mon Père, vous voyez, la messe de la Pentecôte c’est un peu la tentative infructueuse des parisiens pour dresser des chiens. Ils achètent un petit canidé, ils le promènent au Luxembourg mais celui-ci n’en fait qu’à sa tête… alors ils ne cessent de crier « viens… viens… viens… » et le chien ne bouge pas. Vous voyez, mon Père, sauf votre respect, moi je trouve que la Pentecôte ça ne sert pas à grand-chose ; on appelle et l’Esprit Saint bah on ne le voit pas, il ne vient pas… » Et pour vous, madame ? « Oh, eh bien, vous savez moi, tous ces trucs d’Esprit Saint je trouve plutôt que c’est bien pour les charismatiques… » Et vous mon Père ? « Ah mais vous comprenez, moi je suis spécialiste de la périchorèse des personnes divines, mention « spiration de l’Esprit », donc… » Oui et vous ? « Ah vous croyez qu’il faudrait envoyer l’inspecteur Columbo pour savoir qui est vraiment l’Esprit Saint ? »… Bien, intéressant. Et pour vous, frères et sœurs, il faut avouer que ce n’est pas très simple de discerner qui est l’Esprit Saint. D’autant qu’on n’en parle pas souvent… 

L’Esprit, c’est la vie véritable 

On nous a beaucoup parlé, depuis plus d’un an maintenant, de la santé. Il fallait protéger la santé, soigner, guérir, vacciner… Nous prions d’ailleurs pour la santé des personnes malades et c’est bien ainsi. 

Pendant cette année, nos plateaux télévisés et les antennes des radios ne parlaient plus que de santé. On n’a jamais vu autant de médecins, d’épidémiologistes et autres spécialistes, nous prodiguer leurs bons conseils à longueur de journée. Tout le reste semblait éclipsé par cet impératif unique : la santé. La santé était devenue notre horizon indépassable, notre espérance. Bien sûr que nous avons besoin de la santé, bien sûr qu’elle est un bien. Oui, mais enfin, une fois que nous sommes en bonne santé ?

La santé n’est pas une fin en soi. Il y a un risque à ne réduire la vie qu’à la santé.

La santé, oui… mais pour quoi faire ?

Pour nous, disciples de Jésus, la santé, tout comme la richesse, la réussite, la liberté, nos projets, nos métiers, nos engagements… n’a qu’un but : la sainteté. Ces engagements ne trouvent leur sens qu’orientés vers la sainteté, subordonnés à elle. La sainteté, voilà la vie véritable. Et l’Esprit Saint en est l’acteur principal ! 

Qui pousse aujourd’hui des jeunes à consacrer leur vie dans le silence d’un monastère pour une vie plus intérieure ? L’Esprit Saint ! Qui pousse aujourd’hui des fiancés à s’engager sur le chemin du mariage chrétien et de la fidélité à contre-courant ? L’Esprit-Saint ! Qui donne aux mourants ou aux malades le réconfort de Dieu par le sacrement des malades ? L’Esprit Saint ! Qui a poussé 12 hommes apeurés dans une chambre haute à sortir annoncer l’Évangile, au péril de leur vie, à Jérusalem et par toute la terre ? L’Esprit Saint ! Qui permet que le pain devienne une nourriture de vie éternelle dans l’Eucharistie ? L’Esprit Saint ! Qui permet encore de comprendre la parole de Dieu et donne aux prêtres la science pour l’éclairer ? L’Esprit Saint ! Qui pousse les hommes à élaborer des initiatives nouvelles pour le soin des plus pauvres à travers le monde ? L’Esprit Saint ! Qui nous procure de l’aide pour rester fidèles à la loi de Dieu ? L’Esprit Saint !

L’Esprit Saint, c’est le coach de la vie chrétienne 

Alors oui l’Esprit Saint agit et ne cesse d’agir au cœur du monde. La Pentecôte ce n’est pas un anniversaire d’un évènement lointain où les gentils apôtres auraient eu bien de la chance d’être touchés au bon moment. « Coup de bol », « tant mieux pour eux et nous, nous galérons péniblement dans la vie chrétienne ». Non, en réalité la vie chrétienne est une Pentecôte permanente. « Tout ceux qui se laissent conduire par l’Esprit, ceux-là sont fils de Dieu », dit saint Paul dans la Lettre aux Romains. Saint Paul reformule cela dans sa Lettre aux Galates, lue aujourd’hui : « marchez sous la conduite de l’Esprit Saint ». C’est un impératif de la vie chrétienne. L’Esprit Saint n’est pas un côté pour les chrétiens, un bonus ; c’est le cœur, la source de toute grâce. Se laisser conduire par l’Esprit Saint c’est comme pour un sportif écouter son coach. Imaginez un instant que vous êtes champion de tennis à Roland Garros. Vous avez derrière vous votre coach : c’est lui qui vous dira, attaque-le sur son coup droit, avance plus en profondeur, déborde-le à droite. L’Esprit Saint, c’est comme le coach, il ne fait rien à ta place mais sans lui, tu ne fais rien d’efficace. C’est pas lui qui frappe la petite balle jaune mais sans ses conseils, tu te démoralises et tu tombes si vite dans l’échec. Encore faut-il toutefois écouter le bon coach. Si tu écoute le coach adverse il te dira sous des airs très inspirés : « tu devrais plutôt faire cela »… mais ce ne sera pas pour t’aider mais pour te faire tomber. Comment donc savoir quel coach écouter ? Il suffit de relire saint Paul : si ta vie est remplie d’amour, de joie, de paix, de patience, de bonté, de bienveillance, de fidélité, de douceur, et de maîtrise de soi, c’est certainement là l’œuvre de l’Esprit-Saint. Si ta vie est marquée par l’impureté, la débauche, la jalousie, les rivalités, les emportements, les intrigues, les divisions, le sectarisme, la haine et toutes ces choses-là, c’est sans doute que tu écoutes le mauvais coach. 

Notre vie chrétienne, frères et sœurs, ce n’est rien d’autre que de se laisser conduire par l’Esprit Saint. Car c’est lui le guide sûr vers la sainteté. C’est l’hôte intérieur qui inspire nos désirs et les conduit sur le chemin du ciel. En réalité chers amis, l’Esprit Saint ne doit pas être notre compagnon en ces quelques jours avant la Pentecôte, mais bien notre compagnon de chaque jour. 

Demander à nouveau l’Esprit Saint 

Alors en ce jour de Pentecôte, en cette messe de Pentecôte, il nous faut déconfiner l’Esprit. Je vous invite à demander à l’Esprit Saint de descendre en chacun de nos cœurs, sur notre assemblée, sur notre ville. Invoquons-le avec foi. Qu’il descende comme il est venu au jour de la Pentecôte ; qu’il descende comme il est venu au jour de notre baptême, de notre confirmation ; qu’il descende aujourd’hui ; qu’il descende et renouvelle la face de la terre ; qu’il descende et fasse son œuvre en nous, car nos cœurs ont besoin d’être renouvelés.

Viens Esprit consolateur, viens sécher nos larmes, viens guérir nos cœurs meurtris par ces temps de confinements et par l’incertitude qu’ils engendrent, viens soigner nos blessures les plus profondes, les plus secrètes, les plus silencieuses, les plus honteuses.

Viens Esprit Saint, Esprit qui chasses la peur, viens, et de même que tu as donné aux apôtres de dépasser la peur qui les tenait enfermés au Cénacle, de même brise nos verrous, éloigne nos peurs, donne-nous l’esprit d’audace.

Viens Esprit qui transformes, viens changer nos cœurs de pierre en cœurs de chair, viens renouveler nos vies.

Viens Esprit conseiller, donne-nous de te prier en premier, de te demander conseil en toutes choses, d’attendre ta lumière pour ne pas nous jeter trop vite dans l’activisme ou de tout recommencer à l’identique, viens et éclaire nos choix, fais qu’ils soient selon le cœur de Dieu, viens habiter, guider chacune de nos décisions.

Viens Esprit Saint pour assouplir ce qui en nous est trop raide, et pour affermir ce qui en nous est trop mou.

Viens Esprit Saint et rebâtis patiemment ce qui est brisé.

Viens Esprit d’unité, viens faire l’unité dans nos cœurs et garde-nous du diviseur, viens faire l’unité dans nos vies et garde-nous de nous éparpiller, viens faire l’unité dans nos familles, dans notre société, fais de nous des artisans d’unité.

Viens Esprit de charité, amour même du Père et du Fils, viens et inscris en nous l’amour de Dieu et de nos frères.

Viens et guéris nos amours blessées.

Viens et apprends-nous à davantage aimer.

Viens en nous afin que le premier témoignage que nous rendions dans ce monde où tu nous envoies soit cet amour débordant et convaincant, lumineux et contagieux.

Viens Esprit Saint, viens.

            Amen.