La lumière est au bout du tunnel !

Connaissez-vous le tunnel routier le plus long du monde ? Il n’est pas en Chine ou au Japon mais bien sur le vieux continent, en Norvège précisément. Il fait 24 km de long. Ceux d’entre nous qui ont déjà eu l’occasion de parcourir ces genres de long tunnel qui traversent, par exemple, les Alpes, le savent : on est heureux de voir le bout du tunnel tant l’obscurité et le caractère confiné de l’endroit peut affecter le conducteur. Les ingénieurs norvégiens ayant conscience de cela ont même prévu des sortes de « cavernes » éclairées à intervalles réguliers pour reposer le conducteur. 

Notre vie ressemble parfois à ces longs tunnels dont on ignore la fin. En allumant une télévision, ou en faisant défiler un fil d’actualité sur les réseaux sociaux, on peut légitimement se demander : quand cela se terminera-t-il enfin ? Quand arrêtera-t-on de parler de confinement ? De mort et de covid ? Ou bien sur le plan personnel : quand cette épreuve sera-t-elle enfin du passé ? Le Carême aussi ressemble parfois à un long tunnel et l’Évangile d’aujourd’hui se présente comme une de ces cavernes, une pause ressourçante sur le chemin de Pâques. 

La promesse du Salut 

Dans l’Évangile cette scène se situe juste après que Jésus a annoncé à ses disciples qu’il devait souffrir : « Il faut que le Fils de l’Homme souffre beaucoup ». Et comme cela n’était pas suffisant, il vient de déclarer : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ». Souffrance, croix, renoncement : le programme pour les disciples était particulièrement joyeux. Le moral des troupes n’est pas franchement au top. Quand le patron vous annonce la souffrance et la mort… j’imagine le froid que cela a dû jeter dans l’assemblée. Un peu comme à l’annonce d’une maladie grave ou d’un décès dans une famille. Ainsi donc Jésus a-t-il besoin de faire comprendre à ses disciples, et finalement à nous tous après eux, qu’au-delà de toute souffrance une joie sans fin les attend, nous attend. Que dans la vie avec lui, la croix, la souffrance, n’a pas le dernier mot. 

En se montrant en gloire, avec Moïse et Élie, il offre à Pierre, Jacques et Jean la perspective de la résurrection. Il ne dit pas « non, je ne vais pas souffrir », il n’annonce pas le monde des bisounours, mais il leur laisse apercevoir que cette souffrance n’aura pas le dernier mot. Il annonce un salut. Il leur fait goûter à quelque chose d’une promesse divine, pour leur donner la force de tenir le coup.

Le geste fou d’Abraham prêt à sacrifier son fils unique, ou plutôt l’exercice possessif d’une paternité a le même sens. Abraham fait confiance à Dieu, il croit, même au cœur de l’épreuve, que tout cela aura un sens. La foi illumine tellement son cœur que le cœur de Dieu en est touché, que Dieu lui re-confirme sa promesse de vie : « Je te comblerai de bénédictions,
je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer » ! Folie de la confiance de l’homme en face du Dieu d’amour.

La promesse de Dieu, frères et sœurs bien aimés, c’est bien ce qu’ont aperçu Pierre, Jacques, Jean. La promesse de Dieu, Abraham l’a crue. Il a choisi de faire confiance, alors qu’il était au cœur du tunnel. Il a percu, au fond de son cœur, que, s’il s’appuyait sur Dieu, Dieu pouvait faire quelque chose au milieu de sa détresse. Abraham comme les disciples sont un peu dans le tunnel, et Dieu leur offre un petit havre de paix, une promesse, qui leur donne la force de ne pas caler en route, de continuer le chemin. De continuer à espérer. De faire confiance. 

Le carême : désir du salut 

Frères et sœurs bien aimés, c’est cela le sens du carême. Désirer le salut, faire confiance à Dieu, espérer la nuit de Pâques. Je vais vous faire une confidence : pendant longtemps je n’ai pas aimé le temps du Carême. Pour moi il ressemblait à un ramassis d’effort, de privation, et à de longues prédications des prêtres sur la conversion et sur le péché… En fait j’étais un peu comme les disciples avant la transfiguration : je ne voyais que la perspective de la mort, du péché, du mal. Eh bien, chers frères et sœurs, petit à petit je découvre une autre manière de vivre le Carême. 

Ce temps de carême c’est un temps pour approfondir notre désir d’être sauvés. Ou, pour le dire autrement : de quel tunnel ai-je vraiment besoin de voir le bout ? Le risque parfois, c’est d’espérer des saluts trop extérieurs à nous-mêmes, qui ne nous engagent pas beaucoup ou qui concernent les autres. “Seigneur, fais que mon fils réussisse son bac et arrête cette galère.” “Seigneur, donne à mon collègue d’être plus sympa avec moi.” “Seigneur délivre les pauvres dans la ville”… La conversion du carême c’est de voir où est-ce que j’ai besoin d’être sauvé : où dois-je me convertir ? Qu’est-ce qui en moi résiste encore à la grâce de Dieu ? C’est aussi ce que dit notre curé dans le « tous frères » de cette semaine.

Souvent nous manquons d’audace et nous manquons de foi. Nous croyons que tout est foutu, que le tunnel n’aura pas de bout. Et nous n’osons demander à Dieu, de tout notre être, de tout notre désir, telle grâce dont on a besoin. Désirer le salut, c’est une attitude profondément chrétienne. C’est comprendre que je ne m’en sortirai pas seul. Que ma vie a besoin du secours de Dieu, de la paix de Dieu, de la vie de Dieu. C’est croire aussi que Dieu est capable de cela. Que rien ne lui est impossible. Il est celui qui est ressuscité d’entre les morts, il est celui qui dit « Voici que je fais toutes choses nouvelles » ! Il est tout-puissant et miséricordieux, et il veut m’offrir un chemin de salut. Osons le croire ! Oui, Jésus en sa mort et sa résurrection me sauve réellement.

Comme j’aime le cinéma, je ne résiste pas à illustrer cela par un exemple tiré du second opus du Seigneur des Anneaux. Alors que la forteresse d’Helm tombe, que la bataille tourne à l’avantage de l’ennemi, les hommes semblent terrassés, le roi désemparé. Il en est un qui se souvient de la promesse de Gandalf : « attendez ma venue aux premières lueurs du cinquième jour, à l’aube regardez à l’Est ». Confiants dans les paroles du Magicien, ils se lancent dans la bataille, et paraît alors dans la lumière naissante la magicien venu soutenir les assiégés. Dans cette scène, le désir d’être sauvé, d’être libéré, est bien réel. Du côté du soleil levant, dans une grande lumière, apparaît celui qui, pour toute la cité assiégée va devenir un vrai libérateur. 

Au-delà du bon moment de cinéma, il me semble donc important que chacun d’entre nous puisse demander une grâce, et la demander avec autant de désir que ces hommes avaient de recevoir de l’aide, la grâce d’être sauvé de quelque chose. Et qu’il le demande avec foi, et de tout son cœur, ardemment, pendant tout le temps du carême. Chacun sait au fond de son être ce qu’il doit demander. Demander cette grâce pendant le carême c’est aussi se préparer à la recevoir dans le temps de Pâques. Confiance mes amis, confiance, « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés ».

Faire confiance à Dieu et recevoir sa lumière

En ce dimanche la lueur de la résurrection transparaît dans le visage de Jésus sur la montagne. Et en nous offrant les figures de Moïse et d’Élie, Jésus nous rappelle que la véritable sainteté, que la vraie lumière de l’Évangile, c’est de faire confiance à Dieu même quand on n’y voit pas très clair. Élie a vécu ce grand tunnel, allant jusqu’à vouloir mourir sur place ; Moïse a conduit, parfois dans l’obscurité, le peuple dans le désert pendant 40 ans. La sainteté de tant de héros de la foi peut se résumer à la confiance qu’ils ont eue dans le fait que Dieu était capable de les sauver, de transfigurer leur vie, de leur faire toucher le bout du tunnel. Les saints sont nos alliés dans ces ténèbres de nos vies. Ils sont comme des lumières qui, sur le bord du chemin, nous disent que le véritable but c’est la lumière du Christ. « Le Seigneur est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je crainte ? Le Seigneur est le rempart de ma vie, devant qui tremblerais-je ? » Oui Seigneur, toi qui es capable de transformer nos pauvres corps à l’image de ton corps glorieux, en ce temps de Carême, viens changer les ténèbres de nos vies, donne-nous ta lumière et ta joie !