Le désert, la grâce, les fleurs.

Aujourd’hui encore nous avons un grand match. Non, ce n’est pas le PSG-Barça, prélude à une victoire de Paris pour la Ligue des champions. Ce n’est pas non plus un match politique entre Joe Biden et Xi Jinping sur les taxes d’importation… C’est une match spirituel entre le Christ et Satan. Et la bonne nouvelle, chers amis, c’est qu’il n’y aucun suspense. Chaque année, irrémédiablement, après 40 jours au désert voilà le démon KO, par terre, à plat. Jésus est vainqueur. Chez Saint Marc le moins que l’on puisse dire c’est que c’est court. En deux lignes à peine voilà expédiées 40 longues journées de tentation au désert. En ce début de carême j’aimerais réfléchir avec vous sur trois points essentiel de ce match. Le désert. La grâce. Les vertus !

Le désert

D’abord le désert. C’est le lieu de notre match du jour. En fait dans la Bible c’est le lieu de l’écoute de Dieu. On le comprend bien : seul dans le désert, je n’ai d’autre distraction que Dieu. Le désert c’est là que Dieu a conduit son peuple pendant 40 ans en le guidant. Le désert c’est ce lieu de calme extérieur où je peux écouter, comme Moïse, la voix du Père qui parle dans le buisson. En fait le désert c’est le lieu où je m’expose au soleil de Dieu. Aller au désert avec le Christ, c’est prendre le risque d’être touché. 

Aller au désert en ce temps de carême, c’est aussi apprendre à se regarder en vérité. À nu. Sans fard, sans faux semblant. Le temps du carême est un temps de vérité pour avancer. Revenir dans la simplicité nous permet certainement d’alléger notre marche vers la fête de Pâques, de revenir pendant quelques temps aux fondamentaux pour faire un peu de tri. 

La grâce

Ensuite, la grâce… C’est la force du Christ qui permet d’être vainqueur. Car lorsque l’on parle de tentation ou de combat spirituel, on peut vite être tenté (c’est le cas de le dire) de se reposer sur ses propres forces. De se dire que notre sainteté est dans notre main, qu’après tout le carême c’est surtout le temps pour être beaucoup plus fort. Et qu’il nous faut aller, tout seuls et avec courage sur le chemin de la musculation spirituelle. Alors, au début du carême on s’arme d’efforts nombreux et contraignants qu’on oublie vite. Pourtant la principale bonne nouvelle de ce dimanche c’est précisément la présence de Dieu. Noé s’en serait-il sorti seul sans Dieu ? Non, il aurait subi comme les autres le déluge en essayant de tenir sur un petit tronc de bois passé devant lui. Mais Dieu a choisi de donner sa grâce… car il constatait bien que l’homme dépourvu de cette grâce peinait vraiment à faire le bien. L’alliance entre Noé et Dieu, manifestée par un arc dans le ciel, est le signe de cette primauté de la grâce de Dieu. 

Si Jésus part au désert pour mettre KO Satan, c’est précisément pour cela. Pour manifester que la grâce est plus forte que la tentation. Pour manifester que la puissance de Dieu est plus grande que toutes les faiblesses de notre chair. Notre carême doit d’abord s’appuyer sur le Christ. Il n’a d’autre but que le Christ. Comme le dit une belle antienne de la liturgie : « Les yeux fixés sur Jésus-Christ entrons dans le combat de Dieu ». Stop donc au carême défi pour soi-même. Stop au carême héroïque solo. Mais oui au carême qui nous rapproche de Jésus et de sa grâce. Dans le combat contre l’Esprit du mal nous perdons souvent parce que nous ne restons pas assez connectés à Jésus. Nous oublions de rester cachés derrière Jésus et nous essayons d’y aller seuls. C’est l’échec assuré. 

Les fleurs

Enfin, j’aimerais vous parler du véritable but de ce match… Il n’est pas de faire mal… mais de permettre à de belles fleurs de grandir. 

Car il y a deux façons de faire, dans un jardin. Il y a ceux qui sont obsédés par les mauvaises herbes. Ils passent leur temps à essayer de les éradiquer. Au bout du compte, les meilleurs obtiennent un jardin impeccable – et ils en sont très fiers. Tout est au cordeau, sans une seule herbe sauvage, rien ne dépasse ni à gauche ni à droite. Mais il n’y a pas une fleur : ils n’ont pas eu le temps de s’en occuper.

Et puis il y a ceux qui sont passionnés de fleurs. Ils passent leur vie à les soigner. Au passage, ils arrachent une mauvaise herbe,  bien sûr. Mais ils n’en font que faire : ce qui les intéresse, c’est de faire fleurir les massifs et de faire porter du fruit aux arbres du jardin. Et au bout du compte, il y a tellement de fleurs qu’il n’y a plus de place pour les mauvaises herbes.

J’en ai assez de ces carêmes qui ne servent à rien. Tout y est négatif : on passe la première moitié du carême à détecter son défaut dominant (vous ne le savez pas encore, depuis le temps ?), et l’autre moitié à essayer de l’éradiquer. Peine perdue : nous mourrons tous avec notre défaut dominant ! Les défauts ne diminuent pas avec l’âge, ils augmentent. Heureusement, c’est la même chose pour les qualités. La question est donc de savoir si les qualités vont croître plus vite que les défauts. Voilà la vraie question… C’est une affaire de tactique et de regard. « Il y a un temps pour arracher et un temps pour planter », dit Qohéleth (Qo 3,2), mais le plus important, c’est la récolte ! « C’est moi qui vous ai choisis et établis, dit Jésus, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. » (Jn 15,16).

Ainsi donc, frères et sœurs bien aimés, il faut cultiver notre jardin personnel pendant ce temps du carême pour lui faire porter de belles fleurs. Il faut se lancer dans le carême, et dans la lutte contre les tentations avec le regard fixé sur l’alléluia de Pâques : comment vais-je le chanter cette année ? Et la question devient : quelle qualité spirituelle et humaine vais-je faire pousser pendant ce carême ? Imaginez que vous ayez de l’appétence pour servir les plus pauvres… servez-les avec plus d’ardeur. Vous aimez l’adoration ? Si vous y alliez chaque jour ? Vous êtes un homme ou une femme de l’écoute… prenez le temps de développer ce qu’il y a de meilleur, de faire pousser de belles fleurs de la grâce. Bien sûr vous aurez un peu de désherbage à faire, un peu d’arrachage ça et là. Mais si vous mettiez un peu d’engrais sur vos points forts ? Chacun d’entre nous a été voulu, créé par Dieu avec des qualités, des appétences naturelles ou acquises… Formidable : voilà le terreau de votre sainteté ! Ces qualités sont une de vos armes dans le combat spirituel contre la tentation : plus je les développe, plus je les fais pousser en moi avec la grâce de Dieu… et moins le tentateur n’a de prise. 

Cette année notre conversion du carême, à laquelle nous invite l’Évangile, pourrait être celle-là : faire pousser dans mon âme les plus belles vertus et leur donner des soins adaptés. La patience, la douceur, la patience, l’écoute, l’enthousiasme, la joie, la charité, la chasteté, la délicatesse, l’attention aux autres… quelles fleurs vais-je cultiver dans mon jardin pendant ce carême… qui viendra prendre tellement de place que la mauvaise herbe de Satan sera vaincue. Car le seul engrais qui compte véritablement c’est l’Esprit-Saint… prions-le pour découvrir nos qualités, ces fleurs en germe qui sont dans nos âmes… et prenons la ferme résolution de les faire croître pour la Gloire de Dieu et le Salut du Monde… Nous serons vainqueur avec Jésus. Le match sera un succès. Amen.