Un mariage pour l’éternité ?

C’est à rien n’y comprendre mon père, ne voyez vous pas dans l’Evangile d’aujourd’hui l’Eglise autorise le divorce… après le mort… alors faudrait savoir, quand on se marie, c’est pour toujours ou pas pour toujours ? Si l’on dit qu’au ciel, on retrouve tout, qu’en sera-t-il des femmes esseulées, des maris délaissés, des veuves épleurées, et des époux trompés ?  Et puis, entre nous, ça peut nous valoir des scènes cocasses, arrivées au ciel : « tu es là toi aussi ? » « ah oui, ça va ? » … pour le meilleur ou pour le pire ! Imaginez que la maitresse rencontre l’épouse et soit l’une à coté de l’autre… pour toute l’éternité. 

Tu nous as fait pour toi, Seigneur 

Réfléchir comme cela, réfléchir comme les sadducéens qui veulent tromper Jésus, c’est se tromper. C’est prendre le problème à l’envers. Le temps de la résurrection n’est pas le nôtre. Et c’est toujours un piège d’essayer de plaquer nos réalités terrestres sur la vie divine. 

Un jour, quand nous serons morts, ce sera le jour de la rencontre. Nous serons conduits, sans artifice devant Dieu. Il y aura le Trône, l’Agneau. Toutes ces images sont dans l’Apocalypte.

Saint Jean ajoute dans cette même phrase : « Mes petits-enfants, voyez quel grand amour nous a été donné, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu. Pour le moment, nous ne Le connaissons qu’imparfaitement, nous ne Le connaissons que dans la Foi, mais ce jour-là, nous deviendrons semblables à Lui, parce que nous le verrons tel qu’Il est ». Je Le verrai face-à-face. Un jour j’entrerai dans Le Face-à-Face d’Amour avec Dieu et ce sera pour toujours. Dieu m’a créé pour ça. Dieu m’a créé parce qu’Il m’aime, Il m’a aimé avant même que mes parents ne me conçoivent. Il m’a créé parce qu’Il voulait me faire entrer au-dedans de son amour pour me regarder face-à-face éternellement. Ça ne dure pas longtemps éternellement, il n’y a pas d’avant, pas d’après, c’est un instant fixé. Je Le verrai, tel qu’Il est.

De temps en temps quand on vit un moment extraordinaire, on a envie de dire : « Oh là là, je voudrai que ça dure toujours ».
Ne vous en faites pas, ça viendra un jour, ça durera toujours !

Imaginez le moment le plus beau, le plus intense, le plus extraordinaire que vous pouvez connaître, ce n’est encore rien, mais rien : Saint Paul nous dit que c’est de la gnognote, à côté de ce qu’on connaîtra, quand nous Le verrons tel qu’Il est !

Saint Augustin le dit à sa manière en s’exclamant : « Tu nous as fait pour toi et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en toi ». 

S’entrainer 

Alors qu’est-ce à dire ? Que nos amours de la terre n’ont aucun sens puisqu’ils ne durent pas ? Que le seul vrai amour aura lieu au ciel ? Dans ce cas-là, à quoi bon être amoureux ? à quoi bon se marier ? c’est la faillite assurée des weeding planners jusqu’à la fin des siècles ?  En fait, nos amours de la terre sont comme un entrainement. Un entrainement à aimer. Même Florent Pagny, le chanteur à succès, reconnaît qu’il faut « ne rien faire qu’apprendre, apprendre à aimer ». Pour remporter la coupe du monde ou les jeux olympiques, les athlètes s’entrainent des mois, des années pour une compétition qui aura lieu parfois des années après. Je voyais l’autre jour à la télévision un apprenti de 19 ans, désirant devenir Meilleur Ouvrier de France… concours qu’il ne pourra passer que dans 4 ans. Pendant 4 ans, il va donc s’entrainer. 

Nos amours de la terre sont donc comme un prélude, un entrainement. Un bel entrainement ! Mais un entrainement. Le temps de nos amours de la terre, c’est ce temps où nous goûtons encore un amour imparfait, un amour fait de notre patte d’homme et de femme. Où nous balbutions, où nous avons du mal à nous donner vraiment. Où notre égoïsme prend parfois encore le dessus… sinon aucun couple ne battrait de l’aile ! 

Car aimer, ça veut dire « se donner », ca veut dire préférer l’autre à moi-même, ca veut dire vouloir d’abord le bien d’autrui. 

Et qui est celui qui s’est donné parfaitement ? qui est celui dont le mouvement intérieur n’est qu’un don ? Et bien, c’est Dieu lui même. 

Le mouvement intérieur de la Trinité n’est qu’un échange de don : Le Père se donne au fils, le Fils se donne au Père, et leur amour est tellement fort qu’il est une personne : qu’il est l’Esprit Saint. Et bien chers amis, voilà à quoi nous devons nous entrainer : à aimer comme Dieu aime, à aimer de don. A aimer gratuitement.
A aimer généreusement. 

Appelés à goûter en plénitude : bienheureux les invités aux noces de l’Agneau

Cet entrainement a un objectif : être prêt à aimer pleinement et à être aimé pleinement.

Dans la joie du Ciel, nous serons tellement pris dans l’amour de Dieu, tellement remplis et comblés de la puissance de Dieu, que cela nous comblera pleinement. En fait, nous n’avons pas idée de l’amour de Dieu et du face à face de l’Amour. La foi nous le dit : au ciel, l’amour de Dieu nous prend entièrement, puisque la charité est désormais plénière, sans voile. Le but est atteint, Dieu nous comble. Si le désir est le signe d’un manque à aimer, au ciel, il n’y a plus de désir. Ainsi comblés, nous n’avons plus besoin des autres amours. Tous nos amours étaient des préparations à cet amour divin, qui nous suffit. Elles préparaient. Maintenant, elles s’effacent, au titre qui était le leur, de recherche de l’absolu. Est-ce à dire qu’au Ciel, à force d’Aimer Dieu, on vient mépriser sa femme de la terre ? Non, bien au contraire. Nos amours mutuels sont en leur plénitude. C’est la communion des saints. Nous ne nous aimerons jamais autant qu’au ciel, si nous disons oui sur la terre. Car en nous aimant les uns les autres sur la terre, nous aimions déjà Dieu. 

En fait, frères et sœurs bien aimés, quand nous arrivons au ciel, ce qui restera de nos épousailles c’est la substance même du mariage. En nous aimant l’un l’autre, on s’aimait comme le Christ aime l’Église. Ce qui ne restera pas, c’est la manière. La manière, ce sont nos étapes terrestres, celles qui passent avec le temps. Au ciel, on arrivera avec une alliance au doigt de son âme. Elle ne saurait s’effacer. 

Cette réalité de la vie du ciel, ces noces éternelles, nous y sommes invités chaque dimanche. Il est possible de dire pour le prêtre juste avant la communion « Bienheureux les invités aux festins des noces de l’Agneau ». La messe c’est la célébration des épousailles éternelles du Christ et de l’Eglise. C’est la célébration de l’Amour qui se donne en plénitude, sans retenue, sans écueil, sans erreur. Dans chaque messe, nous vivons déjà un avant-goût de l’amour qui se donne, de l’amour qui nous comblera pleinement.

Que le Seigneur nous donne, en cette Eucharistie, la grâce d’y goûter intensément.