Statues de plâtre ?

Petit sondage de sortie de messe : « pour vous qu’est-ce qu’un saint » … « alors pour moi un saint bah c’est quelqu’un qui vécut, il y a très très longtemps, qui a connu Jésus de près, style Saint Pierre, et qui a fait des miracles. » « et pour vous madame » « ah bah, un saint c’est quelqu’un qu’on fête dans le calendrier et dont on a le temps à la météo, juste avant le journal de 20 h ». « et toi Kévin, c’est quoi un saint ? » « un saint c’est une statue dans une église ». 

Vous allez vous moquer de moi, mais en fait, je crois que ce n’est pas faux ! Une statue de plâtre, ça a deux caractéristiques principales (À laquelle personne, ou presque, ne veut ressembler) : une statue de plâtre, ça passe sa vie dans une église avec un air pieusard et compassé ; et ça, personne pas même le meilleur catholique ne voudrait y ressembler ou alors c’est pathologique (vous imaginez passer votre vie dans une église les mains jointes… surtout quand le chauffage ne fonctionne pas ! Ça va, c’est bon !) 

Deuxième caractéristique de la statue de plâtre, on ne peut pas l’atteindre : une statue, c’est toujours trop haut ! Comme si, perché à 4 m du sol, la statue avait meilleure allure. 

Une sainteté hors de portée ?

Comme la statue de plâtre, la sainteté nous paraît complètement hors de portée. Dans ses apologies, saint Paul raconte séjours en prison, naufrages, prédications infructueuses, insultes des juifs, trahison des faux frères, menace des bêtes sauvages, maladies, flagellations et lapidation… Ces perspectives – qui sont aussi celles des béatitudes que l’on a entendues dans l’Evangile – n’ont rien d’enthousiasmantes, quand on fait le compte de ses forces. Si, pour être saint, il faut accomplir chaque jour les Douze travaux d’Hercule, avoir la force d’Obélix et devenir un culturiste de la volonté, il y a de quoi renoncer!

Si on rajoute à cela les récits entendus ça et là à propos des saints : tel saint, dont on dit qu’il refusait le sein de sa mère, le vendredi … alors que  nous nous avons déjà du mal à jeuner le vendredi saint… que sainte Thérèse d’Avilla à 6 ans n’avait qu’un seul désir, qui était de partir en Afrique pour mourir martyr… alors qu’à 6 ans, nous étions plus concentrés par nos légos ou nos poupées. Ajoutez à cela que Saint Thomas d’Aquin à 9 ans lisait déjà Aristote dans le texte, et avait déjà traduit la Bible en cinq langues… Vous tombez bien naturellement dans une forme de désespérance. 

Si votre culture biblique va jusqu’à connaître les actes des Apôtres, vous vous souvenez peut-être que Saint Pierre ressuscite un mort et guéri un aveugle, tandis que Saint Paul se réjouit d’aller mourir pour le Christ…. Vous vous dites définitivement que cette affaire de sainteté n’est pas pour vous. 

SI j’étais un peu provoquant, je dirai même qu’il faudrait faire abattre dans certaines de nos églises toutes ces statues de style sulpicien, qui nous font croire que la sainteté est quelque chose d’inaccessible, de statique, de lointain. Au fond, les saints sont-ils bien humains? Ne sont-ils pas plus divins qu’humains? Et cela, qui en voudrait?

Regardez la vie des saints, leur vraie vie, pas leur statue, vous serez surpris de découvrir la vitalité qui s’en dégage : 

Il n’y a rien de plus vivant et de plus libre qu’un saint,
rien de moins sage et de moins compassé qu’un saint,
rien de plus fou et de plus dangereux qu’un saint,
rien de moins conformiste et de moins prévisible qu’un saint ! 

Un saint, c’est un chrétien accompli 

Le saint c’est le prototype même du catholique, le saint, c’est le catholique accompli. Et si l’Eglise nous les donne en exemple, c’est justement pour nous sortir de notre torpeur, pour nous sortir de notre tiédeur, celle dans laquelle nous nous laissons enfermer jour après jour, même le dimanche à la messe, même dans votre prière, la tiédeur peut nous gagner … On finit  par oublier ce que l’Evangile a de révolutionnaire ; à trop fréquenter des catholiques qui se sont habitués à l’évangile, qui le lisent depuis 50 ans comme s’il ne pouvait rien changer dans une vie, on finit par croire que c’est vrai, on finit par croire que lire l’évangile ou lire Paris match c’est le même effet ! Et bien non, il y a des hommes et des femmes pour qui, depuis 2000 ans, lire l’évangile, c’est du feu, il y a des hommes des femmes qui ne lisent pas l’évangile pour se faire plaisir ou pour tuer le temps, mais qui le lisent pour le vivre, ce sont les saints ! Ils sont la preuve vivante, la preuve de chair et de sang de la puissance de Dieu, comme dit l’apocalypse ils sont « marqués du Dieu vivant». 

Là, vous vous dites que le prêtre s’emballe un peu!  Que c’est bien joli tout cela, mais déjà il pleuvait et on est venu à la messe, c’est pas mal. Avec un peu de chance, je me confesse 2 fois par an et je fais pas de mal à mon voisin, c’est pas mal, non ? basta, je retourne devant ma cheminée regarder la TV.  

Cette fête de la Toussaint nous invite à prendre conscience d’une chose : Être catholique, c’est vouloir être saint, c’est-à-dire vouloir suivre Jésus Christ jour après jour sans se lasser, sans se décourager, le suivre d’un peu plus près chaque jour, s’engager tout entier dans cette aventure, pour tout donner car « tout ce qui n’est pas donné est perdu » : tout donner et pas seulement une heure le dimanche matin pour la messe. .

« Moi je ne peux pas mon père… regardez ma vie, regardez mes péchés, je suis tellement loin de la grande statue, qui est au-dessus de l’autel, là bas… ma vie est tellement différente et blessée, je n’ai aucune chance. Moi je vis au niveau du sol, quand je prie, je ne décolle pas au ciel, je n’ai pas du tout envie de mourir martyr demain… 

En fait les saints ne sont pas des surhommes, se sont des hommes et des femmes qui vivent leur humanité à fond, car ils vivent à la suite du Christ, dont l’Evangile nous dit « voici l’homme ». Le saint n’est pas un héros qui avance à la force de son poignet, le saint c’est celui qui sait qu’il ne réussira, que s’il s’appuie sur la grâce de Dieu.

Le saint, c’est celui qui se souvient qu’il ne peut rien faire sans l’amour de Dieu. Qui se sait pauvre, mais qui sait qu’il est aimé par Dieu dans sa pauvreté. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus le disait : « ma sainteté sera de croire en lui, se contenant de mes efforts, Dieu m’élèvera à lui ». 

Le saint, c’est celui qui laisse jaillir dans sa vie la grâce de son baptême, car depuis ce jour-là, il a été marqué du sceau de l’amour de Dieu. 

Le saint, c’est celui qui a fondé en Dieu son espérance et qui sait qu’elle ne faillira pas ;
Le saint, c’est celui qui se sait aimé par Dieu et qui aime en retour.

Le saint, c’est celui qui sait que la grâce de Dieu ne manque jamais à celui qui l’accueille,
le saint, c’est celui qui fort de cette foi veut résolument l’imiter dans toute sa vie.
Les saints, vous l’avez bien compris, ce ne sont pas des statues de plâtre dans les églises, les saints, ce sont des hommes de chair et de sang, des hommes debout dans le monde, pour servir.

Avec la grâce de Dieu, les saints que le monde attend : c’est vous !