Sacrée pauvreté …

Décidement Jésus est un étrange personnage et il semblerait bien que ses valeurs ne soient pas vraiment les nôtres. Que nous n’ayons pas vraiment la même approche des problématiques de ce monde. « Qui s’abaisse sera élevé, qui s’élève sera abaissé »… 

Le plus souvent, quand nous considérons notre vie chrétienne, notre vie spirituelle, nous trouvons que nous ressemblons tout de même pas mal au Publicain de l’Evangile. D’abord, si nous sommes dans cette église ce soir, c’est que nous ne sommes pas devant notre télévision, ni en train de faire du sport ou de nous balader en forêt … Et puis, après tout, nous faisons déjà de notre mieux pour être de bons chrétiens : c’est pas mal ! « Vous savez mon père, quand je vois mes collègues ou mes voisins, je me dis que je suis tout de même un gars bien : je ne trompe pas ma femme, je paye mes impôts, et je suis gentil avec la voisine… » 

C’est sans doute vrai. Mais ce que nous montrent les lectures d’aujourd’hui, c’est que ce qui intéresse Jésus, ce sont nos faiblesses, nos pauvretés, nos douleurs et nos souffrances. 

Deux personnes, deux désirs, deux attitudes 

Pour comprendre le problème du pharisien de l’Évangile, il nous faut revoir ensemble une scène mythique du cinéma français : La Grande Vadrouille. Souvenez-vous que lorsque de Funès et Bourvil sont faits prisonniers par les Allemands, Bourvil affirme : 

« Ils pourront me faire tout ce qu’ils veulent, me torturer, je ne parlerai pas » 

  • Moi aussi, renchérit de Funès 
  • Vous aussi ? interroge Bourvil, touché de cette solidarité. 
  • Oui, explique de Funès. Ils pourront vous faire tout ce qu’ils veulent, vous torturer, je ne parlerai pas.

Malgré l’humour de la scène, la réalité décrite est dramatique : le personnage campé par Louis de Funes est parfaitement égocentrique. Il ramène toute chose à lui même, il est le centre du monde. Notre brave pharisien est convaincu d’être juste par lui même. En fait, sa sécurité repose entièrement sur lui-même et ses bonnes œuvres, c’est un homme en règle, qui verse sa dime (son denier) et qui se sent tranquille, pour user du reste comme bon lui semble. On pourrait même dire qu’il a mis Dieu à son service. Comme  j’ai fait toutes ses choses bonnes, Dieu doit quand même bien me justifier. Non content d’introduire dans sa prière le mépris des autres, il s’imagine que Dieu l’aurait choisi seul à l’exclusion des autres, comme si le cœur de Dieu était à l’image de notre cœur, un peu étroit et que, s’il aime Pierre… Il ne peut pas aimer aussi Paul ! 

Le publicain, lui, a vivement conscience de sa faiblesse, de son péché. Il sait qu’il n’est pas parfait mais il fait confiance à Dieu. Il s’appuie sur la miséricorde de Dieu. Il pourrait dire, comme le disent les scouts « je suis faible, tu m’aimes, je maintiendrai ». Je suis faible. C’est terrible cela de prendre conscience que nous sommes faibles. J’aimerai tellement être parfait. Notre société nous invite à l’excellence, à la perfection sans cesse : il faut être le plus beau, le plus fort, le plus riche. On ne se laisse droit à aucun écart, aucune faute, aucun raté. 

Ma pauvreté : chemin par lequel le Christ me sauve 

La pauvreté du publicain en réalité est le chemin de sa justification. C’est parce qu’il est pauvre, parce qu’il n’est pas parfait, qu’il est justifié. Non pas qu’il se complaise de sa misère, mais que sa misère est une occasion de grandir dans l’humilité et de voir le Seigneur comme un Sauveur. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus le disait elle même : «J’arriverai au ciel les mains vides et c’est Dieu qui les remplira ». Elle ne parlait pas d’argent, elle parlait de ses qualités et ses vertus. Oui, il faut le reconnaître nous sommes petits, faibles, nous avons du mal à vivre la vie chrétienne.  

Et bien, frères et sœurs bien aimés, c’est précisement par ces imperfections, par ces blessures, par ces pauvretés que Jésus veut passer. S’il a pris chair d’une femme, si lui, le Dieu éternel et tout puissant a pris la faiblesse de la chair humaine, c’est précisement pour cela : pour nous en délivrer, pour nous sauver de l’intérieur.

Chacune de nos blessures, chacun de nos péchés, chacune de nos faiblesses, chacune de nos pauvretés, si elles sont offertes à Dieu, présentées à Dieu dans l’humilité, sont pour nous un chemin de salut. Oui, je reconnais que j’ai besoin d’un Sauveur. Que par moi-même, je n’y parviens pas. Oui seul je ne peut pas m’en sortir. 

Qu’en ce dimanche le Seigneur nous aide donc, non pas à nous complaire de nos pauvretés mais à crier vers le Seigneur, avec humilité, car lui seul peut nous sauver véritablement.