Ma puissance se déploie dans ta faiblesse

Pendant les vacances d’été, j’ai souvent l’occasion de voir mes adorables petits neveux et nièces. Ils ont tous moins de 8 ans. Et j’ai constaté une chose tout à fait remarquable qui peut nous aider à comprendre la deuxième lecture de ce jour. Quand les enfants ne parviennent pas à faire quelque chose, ils demandent de l’aide : « dis, dis, Raphaël est-ce que tu peux m’aider à … » et ils n’en ont pas honte, l’adulte non plus ne s’inquiète pas d’avoir été sollicité.  Un peu plus grand, parvenu à l’âge du collège ou lycée, ils demanderont à leur amis ou à leur parents de les aider pour tel ou tel devoir scolaire. Voilà une belle leçon de la vie spirituelle . En effet,  dans la vie de la grâce, dans la vie avec Dieu il n’en est pas différemment. Nous avons besoin de l’aide de Dieu.

Le pélagianisme contemporain

Nous sommes dans une société où compte quasiment exclusivement la réussite personnelle. Combien de fois à la télévision entendons-nous : « j’ai réussi uniquement par moi même, cette success-story je l’ai acquise à la force du poignet » ou plus proche de nous :  « mon bac, je ne le dois qu’à mon travail acharné de l’année ». Loin de moi l’idée que notre travail personnel n’a aucune valeur… bien au contraire, même Jésus a travaillé. Mais Dieu n’est pas absent de notre réussite personnelle. Nous voilà alors plongés dans un débat théologique qui a fait couler beaucoup beaucoup d’encre depuis des centaines d’années : la nature et la grâce. Alors rassurez-vous, début juillet sous la chaleur je vais vous épargner une fastidieuse conférence de théologie sur le sujet (au séminaire nous avions des dizaines d’heures de cours là-dessus) pour pointer simplement l’excès de notre société actuelle. J’ai nommé le pélagianisme.

Derrière ce nom barbare se cache la pensée d’un homme, Pélage, qui vivait au 4èmesiècle en grande Bretagne. Ermite, il n’avait pas une vie très amusante, mais il a professé toute sa vie la contingence de la grâce de Dieu. Dit plus simplement que je peux être sauvé, je peux faire le bien, je peux pratiquer la vertus… sans que Dieu n’y soit pour rien : je peux vivre en chrétien par mes propres forces. Cette position a été condamnée par l’Église parce qu’elle vient nier quelque chose de fondamental que Jésus nous dit dans l’Évangile : « sans moi vous ne pouvez rien faire » ou encore « si vous ne devenez pas comme des enfants vous ne pourrez pas entrer dans le royaume de Dieu ».

L’articulation de ma liberté personnelle et de l’œuvre de Dieu dans ma vie est quelque chose de délicat. Et l’adage populaire « aide-toi, le ciel t’aidera » n’est pas si faux que cela. Imaginez un jeune lycéen qui passe son bac : s’il n’ouvre jamais un cahier de maths ou d’anglais… il aura bien du mal à obtenir le précieux sésame.

Ma grâce te suffit

Face à nos péchés récurrents, nos addictions ou nos faiblesses il arrive tellement souvent que nous nous désespérions. Que nous tombions dans « l’aquabonite » : à quoi bon … de toutes façons je retomberai demain dans la même chose, autant céder dès maintenant à la tentation.  Et bien notre ami Saint Paul a vécu la même tentation, et il aurait bien aimé être débarrassé de ce qu’il appelle « une épine dans la chair » et à laquelle nous pouvons identifier toutes nos tentations récurrentes, ces petits grains de sable qui nous empêchent d’être des saints. Mais nos pensées ne sont pas celles de Dieu. Saint Paul aurait pu se croire arrivé : il est apôtre, il donne toute sa vie pour Dieu, il annonce l’Evangile il vit plutôt la sainteté… bref comme tous les bons paroissiens de Melun. On pourrait se croire arrivé, après tout je suis un gars bien, une fille bien, je ne fais pas de gros péchés… en fait je pourrai presque vivre en chrétien sans Dieu. Et bien grâce à Saint Paul nous pouvons comprendre qu’en fait non seulement Dieu est plus grand que notre faiblesse… mais plus encore que Dieu passe par nos faiblesses pour nous donner sa grâce. Il ne s’agit pas de se complaire dans nos faiblesses mais humblement de se tourner vers Dieu.

Peut-être avez-vous en tête la phrase de Jésus : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait », et au moment où vous prenez conscience de ce que signifie cette phrase, si vous êtes normaux, vous pensez que c’est déjà foutu, que vous avez déjà raté le coche, à cause de vos imperfections, de vos blessures, de vos péchés. Mais le Seigneur ne vous demande pas d’être parfaits au sens d’un modèle à atteindre, au sens d’une pureté à préserver, au sens d’une élite à laquelle il faudrait appartenir. Il vous demande d’être parfaits au sens d’un participe passé. C’est la grâce de Dieu qui me perfectionne. « Ma grâce te suffit car ma puissance se déploie dans ta faiblesse ». Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus avait vivement conscience de cela et elle déclare souvent dans ses écrits : « Si Dieu avait trouvé quelqu’un de plus petit que moi… il l’aurait choisi ». En fait, être saint et être un grand saint c’est l’inverse du pélagianisme dont je vous parlais tout à l’heure, c’est se laisser tout entier travailler par la grâce de Dieu.

Ma faiblesse n’est pas un problème pour Dieu

On se dit parfois que, dans notre vie, notre faiblesse est un problème, qu’avec ce que nous sommes Dieu ne pourra rien faire avec nous ou que tout est foutu. Écoutons Saint Paul : « C’est donc très volontiers que je mettrai plutôt ma fierté dans mes faiblesses,  afin que la puissance du Christ fasse en moi sa demeure.     C’est pourquoi j’accepte de grand cœur pour le Christ les faiblesses, les insultes, les contraintes,  les persécutions et les situations angoissantes.  Car, lorsque je suis faible,  c’est alors que je suis fort. ». La faiblesse n’est pas un problème pour Dieu. Regardez un instant l’histoire sainte : Abraham était âgé, Jacob était en danger, Joseph a été injustement traité, Moïse bégayait, Gédéon était pauvre, Samson dépendait trop de sa femme, Rahab se prostituait, David a eu une relation extraconjugale et de nombreux problèmes de famille, Elie avait des tendances suicidaires, Jérémie était dépressif, Naomi était veuve et Jean-Baptiste un peu original… Pierre était irréfléchi et colérique, Marthe trop exigeante, la samaritaine avait eu plusieurs maris, Thomas avait des doutes et Zaché était impopulaire, Paul avait des problèmes de santé et Timothée était timide… c’est un échantillon impressionnant de handicap et de pauvreté, et pourtant le Seigneur a su les employer pour la Gloire de Dieu et le Salut du monde.

N’ayons pas peur de nos faiblesses, elles sont le chemin par lequel Dieu veut entrer dans nos vies pour faire de nous des saints… à condition que nous lui fassions confiance.
« Ma grâce te suffit, car ma puissance se déploie dans ta faiblesse »

Amen !