Libéré, Délivré !
Il paraît que la reine des neiges a été un tel carton que s’inspirant de l’Evangile d’aujourd’hui Walt Disney songerait à faire une suite : c’est un gars mort qui ressuscité sort de son tombeau en disant quelque chose du genre « Libéré, délivré, je ne mourrirai plus jamais… » et qui se jette dans les bras de Jésus, son cher ami. Je vous rassure c’est une blague mais n’empeche il en a de la chance Lazare d’avoir été réanimé par Jésus. On aimerait bien nous aussi que si jamais on meurt un peu trop tôt Jésus nous ressuscite pour nous donner un peu de rab, un peu comme dans les jeux vidéo : vous savez, le personnage à l’écran disparaît quelques instants et hop revient tout neuf prêt à repartir comme si de rien n’était. N’est-ce pas un peu injuste ? Pourquoi Lazare et pourquoi pas moi ? Peut-être qu’en fait Jésus veut nous parler d’une autre forme de mort et d’une autre forme de vie que celle à laquelle nous pensons de prime abord.
La véritable résurrection ?
Si Jésus prolonge la vie de Lazare par un acte de puissance extraordinaire c’est pour préfigurer sa propre résurrection au matin de Pâques (c’est pour cela que nous lisons cet Evangile à la fin du Carême) mais aussi pour nous montrer qu’il vient pour nous tirer de notre propre tombeau car il est le Seigneur de la vie. Et lorsque je parle de tombeau ce n’est pas d’abord d’un tombeau où le corps se décompose jusqu’à sentir comme le remarque justement Marthe : « Seigneur il sent déjà ».
En réalité, notre vie porte la marque d’une puanteur encore plus grande que celle de la mort physique, c’est la puanteur du péché. Le tombeau du mort Lazare, c’est la figure de notre péché qui nous enferme dans les liens de la mort. On s’émeut à juste titre de la mort physique de telle personne qui nous était chère et que la mort vient nous arracher, mais je suis étonné d’entendre parfois aucune émotion lorsque le petit cousin ne vient plus à la messe ou se perd dans une aventure sans lendemain « il fait ses choix vous savez…. Faut bien qu’il fasse ses expériences ». Et pourtant la puanteur du péché est bien plus grande et bien plus forte que la blessure physique. Quand le pèche ou quand je suis complice du péché d’autrui, je coupe le lien vital qui existe entre Dieu et moi. Je me détourne de ce pour quoi je suis fait, je quitte la lumière pour entrer volontairement dans les ténèbres du tombeau et je referme la porte derrière moi.
La vie avant la mort !
Pour sortir du tombeau le Christ nous invite pendant tout le carême à prendre ou reprendre le chemin du baptême. Je ne sais pas si vous avez remarqué mais en réalité le carême est un temps de catéchuménat accéléré pour les baptisés. Un peu comme quand on fait un rappel de vaccins : une petite piqure pour être sûr que la grâce divine soit bien active en nous.
Au premier dimanche de Carême Jésus affrontait les tentations, il combattait le malin avec les armes de Dieu. En ce cinquième dimanche de Carême Jésus affronte le dernier ennemi qui sera mis sous ses pieds[1] : la mort. Entre les deux, la transfiguration, au 2ème dimanche, nous a fait voir quelque chose de ce qu’est la vie avec Dieu que nous pouvons déjà goûter dans la foi, la rencontre de Jésus avec le samaritaine, au 3ème dimanche, nous a montré que la relation à Jésus dans la foi était le seul amour capable de combler véritablement nos vies, celle avec l’Aveugle né, dimanche dernier, nous a invité à ouvrir les yeux de l’âme sur la réalité de nos vies . Enfin, dans l’Evangile d’aujourd’hui le Christ apparaît comme le seul Sauveur face au scandale de la mort du corps et de celle de l’âme.
En effet, si nous marchons vers Pâques pour célébrer la victoire définitive de Jésus-Christ sur la mort, la liturgie, fidèle à la pédagogie du Sauveur (qui préapre ses disciples à accueillir sa propre résurrection par le signe du retour à la vie de Lazare) attire notre attention sur une victoire plus immédiate dont il faudrait profiter de toute urgence.
Elle consiste à choisir la vie divine ici et maintenant, autrement dit à quitter sans plus attendre l’ombre de la mort, le tombeau de notre médiocrité, le sépulcre de notre paresse et la puanteur de notre péché ! Pourquoi ? Parce qu’en vérité, chers amis, nous sommes tous en sursis !
Attention, tout comme vous, je suis profondément bouleversé par l’annonce, presque hebdomadaire, d’un nouveau cancer, d’une dépression soudaine ou de tel accident mortel parmi nos proches ! Ouvrir une boite de concentré de tomate, traverser la rue, prendre son vélo, se rendre à la plage à Magaud à pied depuis chez soi, ou confier son enfant au groupe scouts sont autant d’occasions de risquer sa vie et celle de ses proches. La multiplication des normes et des lois en tout genre est comme un pauvre palliatif pour une société qui n’ayant plus d’espérance n’accepte plus le risque. Personnellement je pense que l’on peut comprendre le fait que Jésus n’accoure pas à la rencontre de son ami malade comme une manière pour lui de nous montrer ce que serait le monde sans lui, sans sa providence, sans la vie qu’il nous donne.
En réalité la vie qui nous est donné sur cette terre est un cadeau immense. Respirer, manger, dormir, être en bonne santé sont pour nous des choses d’une banalité extrême. Pensons-nous parfois à rendre grâce au Seigneur pour la vie toute simple qu’il nous donne ? Sans doute certains d’entre vous ont il lu ou entendu parlé du livre « Les petits pas sur le sable mouillé ». Au-delà de l’épreuve terrible que traverse cette famille, j’aimerai relever la devise que c’était fixé ce couple face à la mort inéluctable de leur petite fille : « si l’on ne peut pas ajouter des jours à la vie, il faut ajouter de la vie au jour ». J’imagine combien Lazare, providentiellement réanimé par Jésus a –t-il dû goûter d’une manière nouvelle les jours de la vie sur la terre. Ceux d’entre nous qui sont déjà passés, au gré des épreuves de la vie, par la proximité de leur propre mort le savent : leur vie a une saveur nouvelle.
Karen notre catéchumène, que nous encourageons de notre prière et de notre amitié, se prépare à recevoir en plénitude la vie de Dieu, elle pressent déjà combien la grâce de Dieu va donner une plénitude neuve à sa vie. Et nous les « vieux baptisés », qu’allons nous demander au Seigneur pendant cette fin de carême et ces fêtes de Pâques ? De quelle grâce ai-je besoin pour ajouter de la vie à mes jours ? De quoi dois-je être « libéré, délivré » ? Le chemin des catéchumènes, et leur histoire doit être pour nous un signe en ce temps de carême : ravive en toi le don De Dieu. Choisis la vie. Convertis toi !
Viens dehors : La grâce de Pâques pour vivre vraiment de la vie de Dieu
Ainsi donc, comme le personnage central de l’histoire du jour ce n’est pas tant Lazare, qui n’a pas le droit à la parole…que Jésus qui libère et délivre ! C’est à lui que nous pouvons nous adresser comme le fait Marthe pleine de confiance. Pensez vous donc, n’est-ce pas un peu inouïe de demander la résurrection de son frère ?
Est-ce que nous aussi nous ne pourrions pas entendre dans la nuit de Pâques, un appel à une vie plus grande « viens dehors », « je te sors de ton tombeau » « je veux te délivrer de ta puanteur », « je veux te libérer de ta vie d’avant ! »
Frères et sœurs, osons nous vraiment demander à Jésus de nous sortir de nos tombeaux ? de nos habitudes de péchés ? de notre petit confort ? Je pense à ces jeunes chrétiens enfermés dans le tombeau de d’amour de l’argent pour qui dans les études le critère de réussite numéro 1 reste la bonne situation, le bon salaire. Je pense à ces familles déchirées dans le tombeau des rancœurs anciennes sur fond d’héritage ou de jalousie. Je pense à ces jeunes enfermés dans le tombeau de l’addiction à l’alcool, à la pornographie ou aux relations sexuelles faciles. Je pense à ces travailleurs rongés par l’ambition ou la désir de se servir des richesses de leur entreprise pour leur propre bien. Je pense aussi à tous nos petits péchés mignon du quotidien, tous ces petits grains de sable qui reviennent sans cesse dans nos confessions.
Osons nous vraiment venir supplier Jésus comme le fait Marthe en ce jour ? Osons nous vraiment entendre l’appel de Jésus à sortir « viens dehors ! » ? « En ce Carême je veux te délivrer ! ». Osons nous supplier pour nous même et pour tous ceux qui, enfermés dans les tombeaux du péchés, ne demanderons pas. La guerre contre le péché se joue à genoux devant le prêtre qui confesse, devant le Saint Sacrement exposé ou le chapelet à la main.
Par chaque Eucharistie, par chaque confession, par chaque temps de prière, le Seigneur me donne la vie nouvelle, le Seigneur me converti, le Seigneur me guéri, me Seigneur m’appelle. Alors oui, frères et sœurs bien aimé, demandons au Seigneur toutes ces grâces qui nous semble impossibles à obtenir pour nous même… ou comme Marthe pour ceux que nous connaissons et qui sont pris dans les filets de la mort spirituelle. L’expérience de Sainte Thérèse devrait nous y encourager, elle qui a prié, elle a jeûné, elle a supplié le Seigneur pour Pranzini cet homme condamné pour un triple meurtre et que Thérèse voulait arracher aux griffeq de l’enfer. Au moment de mourir il a embrassé par 3 fois la croix du Sauveur.
L’Evangile de ce jour, frères et sœurs bien aimé, nous invite donc non pas à rêver d’une nouvelle vie « magique », mais plutôt à choisir délibérément de quitter nos tombeaux. A la fois en rendant grâce pour l’immense cadeau de la vie que Dieu nous fait et en nous détournant des péchés et des complicités avec le mal. Ainsi pourra raisonner en nos cœurs l’appel du Christ à Lazare : « viens dehors » ! Pour nous même et pour tous ceux qui ont besoin de la grâce de Dieu pour changer leur cœur être véritablement « libéré, délivré » !
[1] Cf. 1 Co 15,26