Sel et Lumière

Frères et sœurs bien aimés,

 

Le sel et la lumière sont au menu de notre festin de la parole de Dieu en ce dimanche ils sont deux ingrédients indispensables de la vie quotidienne.

Le sel de la terre

Arrêtons-nous au sel… Un peu paradoxal le sel : si atroce à prendre dans la bouche comme cela, à vous faire cracher au sol même, mais pourtant  si nécessaire à donner du goût à nos aliments. Et c’est sa vocation au sel : relever le plat, déployer le meilleur, réveiller les papilles qui sans lui s’ennuieraient bien au fond de notre bouche ! Nous sommes donc, nous explique Jésus en ce dimanche, ceux qui donnent du goût à ce monde… Vous savez ces quelques frites qui nous donnent tant de joie sur la table dominicale et qui révèlent leur saveur lorsqu’on y dépose une petite couche de sel. Encore faut-il que, comme le Seigneur le précise, nous ne perdions pas la qualité de salaison du sel. Le sel a en effet cette propriété étonnante : il disparaît en produisant son effet. Vous qui habitez Toulon depuis plus ou moins longtemps, je suis sûr que vous savez apprécier les fameuses Herbes de Provence : celle qu’on ajoute dans le plat… mais qui font la planche au-dessus de la marmite… le sel lui se fond totalement pour révéler le meilleur du plat préparé.

Alors frères et sœurs bien aimés ? Sommes-nous vraiment cette sorte de sel qui sale encore quelque chose, qui donne de la valeur au monde ? Ou bien sommes-nous des chrétiens qui n’ont de chrétiens que le nom et la pratique dominicale ?

La lumière du monde

La lumière maintenant… la lumière ne fait pas de bruit et ne craint pas le vent, les courants d’air n’ont aucun effet sur elle. Elle illumine, elle irradie. Elle doit briller devant le homme. Elle sert de point de repère, comme le phare sert à repérer la côte lorsque l’on arrive en bateau.

Encore faut il bien comprendre ce que veut dire pour un chrétien être lumière du monde, alors regardons Jésus : « le Verbe était la vraie lumière qui éclaire tout homme en venant dans le monde » nous dit St Jean. Comment dans l’Evangile Jésus est-il la lumière de ceux qu’il rencontre ? en assénant des vérités de manière doctorale : « oui moi Jésus, je sais…. Et toi pauvre homme… tu ne sais pas… » certainement pas. En se révélant de manière écrasante aux autres et en laissant éclater sa divinité ? non plus. Jésus sait que nous sommes faibles et petits, et Jésus est d’une immense délicatesse. Lorsqu’il projette la lumière de la vérité sur ceux qu’il rencontre, il offre toujours un amour et un salut. Avec la samaritaine par exemple : Jésus aurait pu lui dire : « femme de mauvaise vie, tu vis dans le péché…. Convertis-toi ou meurs… » et Jésus choisit de distiller avec douceur et bienveillance la lumière du salut sur la vie de cette femme. Autrement dit : la lumière doit aussi s’adapter à ce que l’autre peut recevoir. Je sais que certains d’entre vous font de la photographie. En photo si j’ouvre trop mon obturateur au moment de la prise de vue d’un ciel bleu magnifique (comme chaque jour de l’année dans cette belle ville) alors ma photo sera surexposée et je ne verrai rien au final de ce beau paysage. Être la lumière du monde suppose beaucoup de douceur et de délicatesse. Dans le scoutisme, chez les routiers (la branche des jeunes de 17 ans et plus) il est une petite phrase qui résume bien cette attitude chrétienne : « veux-tu rechercher librement la vérité… sans écraser les autres sous le poids de ta découverte ». Le Seigneur m’invite à doser la lumière pour éclairer, mettre en valeur… mais pas surexposer ni écraser les autres.

Alors comment faire ? En faisant le bien : Jésus le précise : « que votre lumière brille devant les hommes : alors voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père ».  C’est le « voyez comme ils s’aiment » qui sort de la bouche des habitants de Jérusalem en voyant les apôtres. Être la lumière du monde ce n’est pas se perdre en débats interminables avec tel ou tel voisin ou collègue, tel ou tel camarade de classe en restant bien au chaud les bras croisés dans son fauteuil. . Le bien que tu fais renverra tôt ou tard au bien que l’autre, ton frère, ne fait pas. Il commencera alors, peut-être, par devenir un peu plus modeste, contesté moins par ce que tu dis que par ce que tu fais d’indéniable.

Être la lumière du monde c’est donc retrousser ses manches et témoigner du Christ par la charité. Au collège porter le sac de ce lui qui s’est cassé le bras pendant les vacances ; à la maison appeler cette vieille tante qui est bien seule ; sourire à la pharmacienne ; saluer cordialement mon voisin avec qui j’ai un différend…

Bon c’est bien joli monsieur le diacre « être lumière du monde »… mais autour de nous, dans le monde, ça brille au-dehors. Comment nos petites actions pourraient-elles illuminer le monde ? Le WE à Mayol les projecteurs illuminent les parties de Rugby, les grandes surfaces du côté de Grand Var débordent et les lumières de la télévision fascinent nos contemporains ? Il me semble que c’est un peu facile de jeter l’anathème sur la consommation, la science ou le sport… l’enjeu pour nous n’est pas d’éteindre la lumière à d’autres étages pour que seule notre lumière brille. Pensez-vous donc : « Débranchez vos sports et vos néons, vous verrez comme brille notre lampe à pétrole ! Ôtez vos casques et écoutez-nous prêchez ! ». Eh bien non, même si c’est peut-être un peu douloureux à entendre, la lumière du Christ n’est pas la seule qui brillera dans le monde. Elle est cependant la seule vraie lumière, celle à laquelle toutes les autres consciemment ou non prennent leurs sources. La lumière de l’Évangile ne doit pas briller au détriment d’une autre, le sel ne doit pas anéantir les autres saveurs… au contraire il les relève.

Le Christ unique sel et unique lumière

Sel de la Terre… Lumière du monde… ok mais comment faire ? Je crois que nous pouvons nous appuyer avec confiance sur la Parole de Jésus : « vous êtes la lumière du monde, vous êtes le sel de la terre ». Jésus ne dit pas : « vous devez l’être si vous faites des efforts » ou bien « vous le serez dans les années à venir »… non non, vous êtes. C’est une première bonne nouvelle frères et sœurs bien aimés, les lectures de ce jour ne vont pas à l’encontre de ce que nous sommes, mais nous demande de révéler ce que nous avons de meilleur en nous.  Et ce que nous avons de meilleure : c’est la grâce du Christ en nous !

Sans lui rien n’est fort et rien n’est vrai. Sans lui le sel n’a de goût et la lumière aucun éclat.

La saveur du chrétien c’est son lien au Christ, sa puissance de salaison c’est le Christ. Hors de sa connaissance, hors de lui, hors de son Évangile, nous retombons comme un soufflet qu’on a sorti du four trop tôt ! On peut se perdre si facilement « après tout… tout le monde fait comme cela… pourquoi pas nous aussi » « vous savez ce n’est pas si grave que cela » « bon aujourd’hui je ne prie pas il est trop tard … mais promis dimanche j’irai à la l’adoration »…  Et petit à petit notre lien au Christ se distend… et notre puissance de salaison avec… nous devenons des chrétiens fades. Mais se garder en soi frotté au Christ, uni à l’Evangile, dans un combat parfois difficile pour se convertir, voilà qui nous évite de nous transformer en petite soupe inoffensive et un peu fade.

De même, « Jésus est la lumière qui éclaire tout homme en venant dans le monde. » Il m’appelle à être lumière comme le vitrail est lumière ou plutôt comme il laisse passer la lumière. C’est beau un vitrail : ça colore de sa couleur propre  et adoucit une lumière toute blanche qui le frappe. Sans la lumière qui vient d’en dehors de lui il n’est rien… et sans lui la lumière paraît un peu fade. Alors, frères et sœurs, laissez-vous illuminer par l’enseignement de Jésus, par la présence de Jésus en ses sacrements, et tout particulièrement en son eucharistie, pour que votre lumière vienne de lui et non de notre petite personne.

Sel ou lumière ? Sel et lumière !

Pour conclure, certains d’entre nous se sentent sans doute plus sel. Le sel est discret, et s’il est de bonne qualité il donne du goût à la vie des hommes. Le chrétien montre alors que là où il y a de l’amour il y a Dieu même si autour de lui on ne sait pas forcément le nommer. C’est le chrétien qui agit de manière large en ajoutant à son propre bien le bien d’autrui, il est invisible, mais indispensable.

D’autres se sentent peut être plus lumière : ils ont le souci d’attirer, attirer vers leur Église, attirer vers Dieu. Ils sont prêts à aller faire une journée d’Évangélisation, à parler plus explicitement de Dieu dans la cour de récré ou dans l’entreprise.

Mais Jésus nous demande-t-il de choisir ? Non ! Il affirme « vous êtes le sel de la terre » « vous êtes la lumière du monde ». L’un et l’autre. Bien sûr chacun de nous a des qualités, des dispositions personnelles qui le rende plus sel ou plus lumière, mais cette eucharistie peut être pour nous l’occasion de demander au Seigneur de développer en nous la qualité qui nous manque un peu et surtout d’affermir le coté qui est déjà fort.

Pour récapituler, réjouissons-nous frères et sœurs bien aimé car depuis notre baptême, et si nous y restons fidèles, nous sommes sel de la terre et lumière du monde. N’ayons pas peur des autres lumières qui semblent aveugler le monde, mais témoignons humblement en faisant le bien autour de nous de la joie d’être chrétiens sans écraser les autres sous le poids de nos certitudes ou de nos découvertes. Soyons de ces hommes qui donnent du goût à la vie des hommes.

Seigneur, sans toi, nous ne pouvons pas être sel et lumière, accorde-nous en cette nouvelle semaine de te choisir à nouveau pleinement, de nous unir davantage à toi pour que ton nom soit connu et aimé !

Amen !