Ceci est mon corps livré pour vous ! [Jeudi Saint]

Tout à l’heure, au moment de la consécration, et à comme à chaque messe nous entendrons ces paroles : « Ceci est mon corps livré pour vous ».

En ce jour béni du jeudi saint, elles prennent une dimension singulière sur laquelle j’aimerai méditer avec vous par 3 étapes.

Le Christ livre sa vie sur la croix et à chaque messe

Je suis parfois étonné de constater combien peu de chrétiens ont conscience qu’il existe un lien intime entre la célébration de ce soir, la Cène du Seigneur, et le mystère de la croix que nous célébrerons demain. En réalité, les 3 jours saints du Triduum pascal : du jeudi saint au soir au jour de Pâques forme un tout inséparable où l’Église célèbre le mystère du Christ mort et ressuscité. C’est un temps béni où il nous est donné de méditer plus profondément ce que nous entendions au début de l’Évangile : « Jésus, ayant aimé les siens qui était dans le monde, les aima jusqu’au bout ».  Ce jusqu’au bout de l’amour nous le savons bien c’est la croix : par amour pour nous, pour nous délivrer de la mort et du péché, Jésus livre sa vie gratuitement et librement : « ma vie nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne » et comme pour attester de  sa liberté, la veille de sa passion il choisit de donner par avance son corps et son sang à ses disciples sous les espèces du pains et du vin.

Nous entendons bien facilement ces paroles de la messe : ceci est mon corps livré pour vous, ceci est mon sang. Et pourtant nul besoin de s’appeler l’inspecteur Colombo ou Julie Lescaut pour comprendre que lorsqu’un homme parle d’un corps d’un coté et du sang de l’autre… il y a un problème. La messe c’est en fait la croix qui s’avance dans l’histoire. Parce Dieu est Dieu et parce que c’est par le moyen de la croix qu’il veut nous donner son salut et sa grâce, il fallait qu’il nous donne un moyen de toucher, d’être en contact avec la croix. Ce moyen c’est la messe. À chaque messe, au moment précis de la consécration, 2000 ans d’histoire sont balayés et nous sommes projetés avec Jean et Marie au pied de la croix du sauveur au Golgotha. C’est le même Christ , la même Hostie qui est offerte, le même corps sur l’autel de la croix et sur l’autel de nos églises. À chaque messe le Christ s’offre pour notre salut.

Ainsi donc, lorsque le prêtre élève l’hostie entre ciel et terre, je peux lever les yeux vers mon Seigneur et mon Maitre, vers mon Dieu et mon tout, vers le Christ élevé sur la croix pour me sauver de la mort et du péché.

« Ceci est mon corps livré pour vous » c’est donc d’abord le corps de Jésus offert sur l’autel de la croix et auquel nous pouvons communier dans chaque messe.

Le prêtre : un homme qui donne sa vie au service du peuple de Dieu

« Ceci c’est mon corps livré pour vous » c’est le chemin du Christ d’abord, c’est donc le chemin de ceux, prêtres et diacres qui sont consacrés au Christ et qui en partagent son sacerdoce. Le soir de la Cène il a plu à Jésus de faire de ses apôtres des prêtres et des amis. Chacun d’entre eux a été appelé, choisis pour suivre Jésus Serviteur et Jésus Bon Pasteur. Au jour de leur ordination ils ont donné toute leur vie pour le bien du peuple de Dieu. Chaque fois qu’il célèbre la messe, le prêtre offre sa vie avec celle de Jésus sur l’autel. Mais Jésus s’est bien gardé de les ordonner à un sacerdoce brillant de paillettes, il leur a offert la croix en partage. Être prêtre aujourd’hui comme hier, c’est choisir de donner sa vie comme le Christ sur la Croix, de la donner « pour la gloire de Dieu et le salut du monde ».

C’est le sens du geste que dans quelques instants nous referons ensemble : le lavement des pieds. Lorsque le prêtre ou le diacre lave les pieds des chrétiens qui lui sont confiés, il signifie par son geste, le sens et l’esprit de sa mission : servir le peuple de Dieu pour le faire croître. Lorsque le prêtre se met à genoux devant vous, il montre par son geste le sens de son célibat et de sa consécration : il offre son corps, pour que par lui la grâce du Seigneur puisse irradier le monde.

Notre époque critique beaucoup le célibat des prêtres, dans les médias, mais aussi au sein même de nos assemblés : « c’est une pratique désuette, on le voit bien avec les scandales… tout serait plus simple sans cette maudite règle ». Si elles blessent le corps de l’Eglise, ces critiques oublient surtout que le célibat sacerdotal, dans lequel je me suis moi même engagé il y a quelque mois, est un signe pour le monde. Je le vois presque chaque jour dans les cités de Toulon où je travaille cette année. Mon habit, ma présence et mon célibat sont pour ces jeunes et ces familles  musulmanes en majorité un signe de la présence chrétienne, un signe qui interpelle, un signe du Christ qui donne sa vie sur la croix.

Alors en ce jeudi saint, j’aimerais vous exhorter à prier pour vos prêtres et vos diacres, à les aimer, à les choyer. Nous sommes souvent reconnaissants quand un prêtre fait du bien à notre famille, quand il prépare le petit dernier à la première communion ou quand il accompagne nos parents ou grands-parents jusqu’à la mort. Mais avez-vous pensé à lui témoigner votre amitié, à l’assurer de votre prière ? La vie des ministres consacrés trouve son sens dans le don qu’ils font d’eux même au peuple de Dieu. Et je crois que l’attention du peuple de Dieu envers ses prêtres et diacres est un très bel acte de charité et un soutien indispensable. Sans les prêtres pas de messe, pas de baptême, pas de réconciliation et sans peuple de Dieu pas de prêtre !

Dans nos communautés paroissiales il est un mal qui détruit l’amour de Dieu dans nos cœurs c’est la critique : à peine la messe terminée que le petit refrain commence :  « il a encore dit cela… de toute façon il est trop progressiste… c’est un tradi… vous avez vu comment il est habillé… je n’aime pas sa manière de faire… ». Au lieu de cela, demandons au Seigneur la grâce de voir à travers les faiblesses des hommes, le don du Christ au monde. Les prêtres ont donné leur vie pour nous. Alors, prions pour eux !

J’aimerais également que l’on prie en ce soir pour que dans nos familles, chez nos amis les plus proches, dans nos écoles ou nos aumôneries naissent les vocations de demain. Demandons au Seigneur, frères et sœurs bien aimés de pouvoir avoir la grâce de devenir un jour « mère de prêtre », « père de prêtre » , « oncle de prêtre », « sœur de prêtre »      ou pourquoi pas prêtre soit même… si Dieu le veut. Parce que si aujourd’hui vous vous êtes pardonné, si en ce soir vous pouvez communier c’est parce qu’un jour, un père, une mère, ont accepté de laisser partir  leur fils pour qu’il ne soit plus tout à fait à eux, mais qu’il soit tout à tous, ils ont accepté de le donner pour l’Église et pour le monde. Parce qu’un jour un jeune homme a décidé de renoncer à une carrière et un mariage pour être tout à tous.  Prions pour ceux qui déjà engagé au séminaire poursuivre leur chemin et leur discernement. Prions pour ces jeunes, et j’en connais de nombreux, qui se posent ou se sont posés la question du sacerdoce pour qu’ils trouvent dans leur famille et dans notre paroisse un soutien, un appui, pour choisir de devenir « serviteur de Dieu » et de pouvoir dire en s’engageant au célibat pour le Royaume : « Ceci est mon corps livré pour vous. »

La vocation de tout homme est de donner sa vie

« Ceci est mon corps livré pour vous »… c’est l’affaire du Christ sur la Croix, c’est l’affaire du prêtre vis-à-vis du peuple de Dieu. Mais c’est surtout l’affaire de chacun d’entre nous ! Pourquoi ? Parce que le modèle de l’homme c’est le Christ qui donne sa vie. Nous le savons bien notre vie trouve sa plénitude que lorsqu’elle est donné offerte. Lorsque j’étais ados le Seigneur a mi sur ma route à la fois des fiancés rayonnant, des scouts épanouis et des séminaristes attentifs. L’exemple du don de leur vie a été contagieux et m’a donné envie de suivre plus profondément le Christ dans le don de moi même jusqu’à, des années plus tard, entrer au séminaire, j’aimerai en rendre grâce aujourd’hui.

Mais le don de sa vie, c’est aussi la vocation des époux. Le jour du mariage les époux se disent l’un à l’autre : « je me donne à toi pour t’aimer fidèlement ». « Je me donne à toi » ou dit encore autrement « ceci est mon corps livré pour toi ». Le mystère du mariage et de la vie de famille ne se déploiement ultimement qu’en lien avec l’Eucharistie. Dans l’Eucharistie je puise la force de me donner en vérité à mon époux à mon épouse sans chercher à jouir de l’autre. Dans l’Eucharistie, je reçois de Dieu la grâce d’aimer à la mesure de Dieu… c’est-à-dire sans mesure. Dans l’Eucharistie, je reçois de devenir serviteur du prochain, serviteur de mes frères.

Comme Jésus nous le montre ce soir, prenons résolument ce chemin de service et de don de nous même. Lorsque je change les couches de mon bébé j’accomplis un acte d’offrande de moi même, je communie à l’acte du Christ sur la croix. Lorsque je me mets à ma table de travail pour faire les exercices que ma prof de maths m’a donnés, je communie à l’acte de Jésus sur la croix. Lorsque je soigne les blessures du pauvre qui est devant chez moi, je communie à l’acte de Jésus sur la croix.

En cette nuit sainte frères et sœurs bien aimé, demandons au Seigneur la grâce de mieux pénétrer le mystère de la croix. Prions, supplions le Seigneur pour que se lèvent des prêtres et des diacres dans nos familles, dans nos communautés, chez nos enfants ou petits enfants pour que toujours nous puissions recevoir les grâces du salut. Prions enfin, pour que notre vie trouve une véritable dimension d’offrande de nous même dans le service de ceux qui nous sont proches et de ceux qui sont plus lointains nous souvenant que chaque fois que nous le faisons nous leur disons par nos actes : « Ceci est mon corps livré pour toi »

Amen !