A nos souvenirs…
Pour une nouvelle année ce 4èmedimanche de l’Avent ressemble au dimanche de la dinde… Dans les chaumières, les questions existentielles fusent : as-tu bien acheté la dinde ? Au fait, chéri, tu as pris des huîtres pour tante gertrude ? Les enfants, de leur coté, ne tiennent plus en place et scrutent le moindre bruissement de porte de placard pour espérer découvrir les précieux cadeaux avec quelques heures d’avance. Alphonse Daudet avec son génie littéraire raconte même qu’un bon vieux curé de campagne rêvait tellement des dindes qu’il pourrait en engloutir après les messes de Noël qu’il bâcla… au point qu’arrivé à table, en mangeant la dinde il mourut !
Bref, à quelques encablure de la fête, la tension dans la vie de famille, et les détails de l’organisation envahissent nos vies. Au point que nous risquerions de rater le dernier épisode de notre série d’Avent. Rassurez vous, pour cette série là, nul besoin d’un abonnement à Netflix : il nous suffit d’ouvrir l’Evangile, et c’est gratuit !
Car l’Avent est un chemin. Un chemin de vie dont il nous faut souvent faire mémoire. Vous avez certainement comme moi entendu cette chanson « à nos souvenirs » du groupe « trois cafés gourmands » qui commence ainsi : « comment puis-je oublier ce coin de paradis, ce petit bout de terre où vit encore mon père ? Comment pourrais-je faire pour me séparer d’elle, oubliez qu’on est frère, belle Corrèze charnelle ». Si l’on est capable de chanter cela, pour l’attachement, ô combien noble à la douce terre de notre naissance, combien plus devrions-nous le faire pour l’attachement de notre âme à Dieu. Mais il faut avouer que nous avons souvent la mémoire spirituelle un peu courte. Alors pour vous aider, petit résumé des épisodes de l’Avent précédent… car après tout aujourd’hui on a beau être à 45840 secondes du coup d’envoi de la messe de minuit… c’est encore l’Avent ! Ne brûlons pas les étapes.
Résumé des épisodes précédents… Au premier épisode, ou devrais-je dire, dimanche, nous avons rencontré Isaïe qui nous promettait un salut, un sauveur et une terre nouvelle. Depuis ce dimanche-là, qu’en est-il de notre désir d’être sauveur. Attendons-nous vraiment un Sauveur à Noël ?
Au second épisode, c’était Jean-Baptiste, l’extravagant en peau de chameaux qui nous exhortait à être des prophètes. A annoncer l’Évangile à temps et à contre temps, car si nous ne le faisons pas… personne le fera pour nous. Avons-nous osé suivre Jean sur le chemin du désert pour annoncer dans nos villes, qui sont des déserts spirituels, la victoire du Christ et la joie de Noël ? Ai-je donné à un voisin, un collège ou une personne dans la rue une invitation à une messe de Noël ?
La semaine dernière, troisième épisode de cette série à succès, nous avons vu la vie en rose. Nous avons rencontré un nouveau personnage, Saint Paul, qui nous parlait de la vraie joie : pas l’hilarité, mais la joie profonde, la joie de savoir que Dieu vient pour nous sauver. Mais aussi, plus hardiment, nous découvrions que nous pouvions faire la joie de Dieu. Dieu se réjouit de notre présence dans cette église, si nous parcourons fidèlement ce chemin d’Avent, nous faisons vraiment la joie de Dieu !
Ces trois attitudes, frères et sœurs bien aimés, se retrouvent dans l’épisode de cette semaine. Comme dans toute bonne série, le scénario est bien écrit et les 3 premiers dimanches ont préparé celui-ci. Marie et Élisabeth ont elles-mêmes fait leur chemin d’Avent. Chacune d’entre-elles attendait un Sauveur, désirait au plus profond vivre du salut de Dieu. Toutes les deux ont prophétisé sous l’action de l’Esprit Saint. Elles ont annoncé à l’autre la bonne nouvelle du salut : elles ont osé sortir et se bouger. Enfin, toutes deux vivent de la joie profonde de Dieu « comment ai-je le bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi » : elle ont mis leur confiance en Dieu, dans le roc inébranlable, malgré les épreuves -qui ne leur ont pas manqué. Imaginez une fille de 15 ans qui tombe enceinte d’une manière mystérieuse et une vieille dame de 60 ans, stérile, avec un mari devenu muet qui vit la même chose.
Pourtant, ces attitudes spirituelles préparent dans le cœur de Marie et dans celui d’Élisabeth la grâce d’une rencontre. À peine Marie a-t-elle reçu la visite de l’ange que la voici déjà sur les routes, par délicatesse et charité pour aider sa vieille cousine, pour la secourir. Ignorant tous des dangers, s’oubliant elle-même par amour. A l’arrivée, imprévue de sa jeune cousine, Elisabeth comprend mystérieusement -au tressaillement de son enfant- que Marie porte le Sauveur du monde. Que son espérance trouve un accomplissement.
Que se passe-t-il dans les cœurs ? Depuis des années, Marie et Élisabeth ont leurs sens spirituels en éveil. Elles n’ont pas l’esprit encombré d’huitres, de foie gras ou de bouteilles de parfum à offrir. Elles savent reconnaitre que ce petit événement de la vie -un enfant qui bouge dans le sein de sa mère- est le signe d’une grâce bien plus grande.
Chrétiens, mes amis, sommes-nous capables de discerner au delà des apparences les signes de Dieu ? Combien de fois ai-je entendu des jeunes me dire : « mon père, je me pose la question d’être prêtre mais bon tant que j’aurai pas un signe évident je n’irai pas ». J’ai le regret de vous annoncer que si l’on attendait une apparition angélique pour rentrer au séminaire, nous pourrions mettre la clef sous la porte rapidement et fermer cette église, faute de prêtre !
Pensez-vous qu’Élisabeth ait eu un signe évident pour discerner que l’enfant dans le sein de Marie était Dieu fait homme ? Simplement elle était attentive à l’œuvre de Dieu dans sa vie. En cette fin d’Avent il est bon pour nous de faire mémoire des visites de Dieu dans notre vie. « Mon père, je n’ai jamais reçu la visite de Dieu ! » Si c’est difficile, c’est que nos yeux sont obscurcis : nous ressemblons souvent au bon vieux français râleur campé par Louis de Funès dans ses films qui voit le mauvais côté des choses. J’ai une bonne nouvelle frères et sœurs : cela s’éduque ! Nous sommes capables de nous souvenir de la date des premiers gazouillements de nos enfants et c’est beau, de nos premières vacances à la montagne ou du jour de notre bac … pourquoi ne travaillerions-nous pas la mémoire spirituelle. Dieu ne cesse de vous visiter à chaque messe, dans chaque sacrement. Il n’est pas moins présent que dans le sein de Marie. Il nous faut ouvrir notre sens de la foi à sa présence.
En réalité c’est essentiel. Sinon Noël restera, dans le meilleur des cas, une jolie fête familiale et sympathique. Rien de mal là-dedans. Mais l’enjeu de Noël, c’est de nous laisser visiter par Dieu. Voici un petit exercice concret pour vous rendre compte que Dieu agit dans votre vie. Dans les 45800 secondes qui vous séparent de la messe de Noël, prenez 10 min sur votre lit pour vous souvenir des visites et des grâces que Dieu a fait dans votre vie. Laisser monter dans votre cœur ce tressaillement d’allégresse. Oui, Dieu vous a visité hier. Pourquoi il ne continuerait pas aujourd’hui ? Oui, Dieu vous aime d’un amour tout particulier, au point de vouloir vous donner à Noël une grâce spéciale. Quelle grâce allez-vous lui demander ? Car après avoir laissé monter à votre mémoire ces visites de Dieu, profitez en pour lui demander une joie spirituelle nouvelle. Une grâce dont vous avez besoin pour maintenant. Un cadeau de Noël, qui soit le plus beau, le plus excellent et le plus durable, car il sera une grâce pour la vie éternelle.
N’ayons pas peur et ne gâchons pas le temps qu’il nous reste, afin que notre âme soit plus belle encore que notre table de fête.