Un gendre idéal ?
Dans l’Evangile d’aujourd’hui il est un homme, un jeune homme qui n’a pas bonne presse en raison de son départ dans la tristesse. Mais en fait il est tout de même pas mal ce jeune homme. Au début de la rencontre, il se jette au pied de Jésus avec un empressement que nous avons rarement pour aller prier, et il demande « que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ». Il se préoccupe de la vie éternelle. Il ne se demande pas chez quel concessionnaire la prime à la conversion est la plus rentable, ou à quel endroit je puis acheter mes tomates au meilleur prix. Et l’héritage qui l’intéresse semble bien plus spirituel que celui qui nous occupe après un décès dans notre famille.
Par ailleurs, il semble avoir tout pour lui : c’est un « notable » de son époque, il n’a pas une vie dissolue, il observe les commandements… et dans la vie juive ce n’est pas une mince affaire ! Qui plus est, il est riche, ce qui ne gâche rien. Vraiment c’est le gendre idéal, c’est le fiancé dont rêvent chaque nuit les jeunes filles dans leur chambre. Même Jésus reconnaît ses immenses qualités intérieures. Il a tout pour lui sauf une chose… tout quitter pour suivre le Christ.
Si souvent nous voudrions avoir le Christ en plus du reste. Être des gens biens, généreux, dignes, riches si possible, et chrétiens en plus. Nous voudrions faire de la danse, du bricolage, être membre de telle association… et en plus être chrétien. Nous voudrions que le Christ soit dans notre vie un bien parmi d’autres, le plus beau sans doute, mais un en plus des autres. Mais cela ne marche pas : il nous demande d’être prêts à tout laisser pour lui. Il est le bien que l’on ne peut pas posséder si on n’est pas prêt à lui sacrifier tous les autres. Voilà l’enseignement de cet évangile.
Le Christ en fait nous parle de notre baptême. Le baptême ce n’est pas une surcouche supplémentaire. Je travaille à tel endroit, j’ai une femme et des enfants, je suis passionné d’automobile… et au fait en plus je suis baptisé. Saint Benoit le dit dans sa règle comme le slogan d’un baptisé : « ne rien préférer à l’amour du Christ ». Etre chrétien ce n’est pas vivre d’une morale ou de valeur supérieure mais de suivre le Christ. Jésus ne veut pas la première place parmi d’autres éléments il veut toute la place. Pourtant, me direz-vous, le Christ ne nous appelle pas à quitter tout, à la manière de François d’Assise, à renier sa famille pour embrasser d’un coup la vie religieuse, mais il nous demande de l’aimer en premier et par-dessus tout.
Ce n’est pas toujours facile de l’aimer en premier et par-dessus tout. Au fil de notre vie, au gré des tempêtes et des contradictions, dans l’angoisse ou la persécution, parfois mystérieusement lorsque les événements de la vie nous dépouillent de toute sécurité, nous prenons mieux conscience de cette réalité. Ma vie chrétienne et ma vie humaine sont d’abord dans les mains de Dieu. Je veux le croire. Même si pour l’heure je suis perdu, même si pour l’heure le chemin reste obscur. Même si pour l’heure au plan humain les choses semblent difficiles et douloureuses.
Le jeune homme de l’Évangile a eu peur, dans un premier temps au moins, car on ne connaît pas la suite. Il n’a peut-être pas entendu la bonne nouvelle de la fin de l’Evangile : « car tout est possible à Dieu ». Il n’a pas compris que dans la vie chrétienne ce n’était pas sur sa propre sécurité qu’il fallait s’appuyer mais sur la force de Dieu. Oui j’aimerai que nous puissions le croire vraiment en ce jour : En s’appuyant plus profondément sur le Seigneur tout est possible. C’est le sens du baptême qui sera célébré dans quelques minutes. Baptiser un enfant, c’est lui faire le cadeau le plus excellent : non pas des valeurs, mais la possibilité de suivre le Christ pour qui rien est impossible. Amen !