Le Signe de la croix

« Alors écoute Jésus vraiment là çà ne va pas » déclare Jacques en privé. « Tu as vu comment tu as répondu à Pierre : Pierre, c’est ton poulain, ton fils spirituel, ton successeur. Et puis dans le monde moderne on ne peut pas traiter ainsi ses collaborateurs, tu vas finir aux Prud’hommes à dire des choses pareilles. ». Jésus se terre dans le silence et continue d’écouter. C’est Jean qui vient alors vers lui pour lui dire à l’oreille : « Maître mais qu’est-ce qui t’a pris ? Non et puis comment veux tu attirer les foules à la bonne nouvelle si tu commences par leur dire qu’il faut mourir ? »

Ils ont raison les Apôtres parce que la croix c’est un peu l’anti-symbole marketing. Une victoire à la coupe du monde de foot, çà fait vendre. Multiplier les pains ou faire des promos dans les supermarchés çà c’est top… mais la croix franchement… la croix. C’est un peu le signe de la défaite. Le sauveur, le roi du Ciel qui se retrouve sur la croix.

Alors c’est sûr si la croix, comme Pierre la voit, est le signe de la défaite, il convient tout de suite de la retirer de votre cou, de la décrocher du mur du salon ou de la chambre. Si vous pensez, comme certains chanteurs que la croix est un décoration : « ah trop sympa, tu l’as acheté où ?» il est temps de la retirer.

Le paradoxe de la Croix

Souvent, comme Pierre nous avons du mal à comprendre le mystère de la croix. « J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. » Quelle idée saugrenue. Pour comprendre le mystère de la croix, il faut sortir de la logique du monde.  Jusqu’au Christ, la croix était un instrument de torture mais le Christ renverse tout, le Christ transforme tout: du signe de la défaite il fait un signe de victoire. Mais plus encore, car la croix est glorieuse, la croix est le signe de la victoire, de la victoire définitive, car aujourd’hui la croix est vide et le Christ est ressuscité, vainqueur du mal.

La croix, c’est aussi un choix délibéré du Christ. Il serait erroné de penser que le Christ meurt en croix sans le savoir. Et les prophéties du livre d’Isaïe nous le redisent clairement lorsqu’elles évoquent la figure d’un mystérieux serviteur souffrant, homme de douleur, familier de la souffrance. Il ne serait pas juste de dire que Jésus serait une sorte de masochiste qui part à la mort sans rien dire. Mais il a conscience que l’amour pour nous passera par la souffrance et par la mort.

Mais la croix, c’est aussi le signe de l’amour, celui de l’amour qui se donne et c’est en ça qu’elle est glorieuse. La croix comme signe de l’amour qui va jusqu’au bout. Alors bien sûr, si tu crois que l’amour c’est juste des sentiments, ton cœur qui bat la chamade, des frissons dans le dos… en fait si tu crois à l’amour comme une collégienne, alors reste à l’âge du collège et ne grandis pas, continue à écrire le nom de celle que tu aimes sur ton agenda avec des petits cœurs en rose, tout doux, tout mièvre. Ce que la croix te révèle c’est que l’amour est rouge, rouge feu, rouge sang, que l’amour c’est un cœur certainement mais avec une croix plantée dedans. Que l’amour va jusqu’au bout, que l’amour donne tout. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.

Prendre sa croix

Pierre en fait nous ressemble. Qui d’entre nous à l’annonce d’une souffrance irait conforter son maître, son parent, son enfant. Personne. Pourtant le Christ nous invite à « prendre notre croix ». Porter sa croix à la suite du Christ ne signifie pas franchement aller dans un magasin de bijou et choisir une belle croix dorée en disant : désormais j’aurai la croix du Christ autour du cou. Les plus anciens d’entre nous le savent : nous ne choisissons jamais nos épreuves et nos croix. Etre chrétien n’est pas une sorte d’assurance antidouleur, une sorte de doliprane géant. Etre chrétien c’est avoir l’assurance qu’au cœur de toutes nos souffrances, jamais le Seigneur ne nous laisse seul.

C’est ce que Pierre n’a pas bien compris. Pierre est resté au sens ancien de la souffrance, qui nous fait souvent crier, à juste titre : pourquoi ? pourquoi moi ? pourquoi ceci ? (nb : si vous êtes comme moi on aimerait toujours troquer sa croix avec celle des autres…).

« Celui qui veut être mon disciple, qu’il renonce à lui même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ».

L’avantage de la croix c’est qu’il ne faut pas aller la chercher très loin. Le Christ nous ne nous demande pas d’inventer des croix, mais de les supporter avec la grâce qu’il nous donne.

Ce n’est pas une réalité facile et pourtant il est présent. Vous connaissez peut être cette histoire d’un homme sur la plage qui voit deux traces de pas. Il comprend que ce sont les siennes et celle de Dieu et qu’à travers ces marques il revoit tout sa vie. Au moment les plus douloureux de son existence il constate qu’il n’y a qu’une seule trace de pas et revolte contre Dieu :  « Seigneur au cœur de mes souffrances tu m’as abandonné ». Mais le Seigneur de lui répondre « Mon fils tu es tellement précieux et je t’aime. Je ne t’aurai jamais abandonné même une minute. Les jours où tu ne vois qu’une seule trace de pas, ces jours d’épreuves, et bien c’était moi qui te portais »

Un signe pour se laisser aimer et porter

A Pierre qui s’offusque et à Jacques  qui sermonne, à tous ceux qui souffrent et à ceux qui souffriront. A ceux qui veulent aimer, et se laisser aimer.  Jésus a laissé un signe, celui de la croix.

Chaque fois que je commence à prier je trace le signe du salut, le signe de l’amour sur mon propre corps. Signe de la victoire : Dieu m’a aimé, Dieu me porte dans la souffrance, Dieu m’aime jusqu’à l’extrême. Peut être, êtes-vous déjà allés à l’Ile bouchard, où la voyante des apparitions, Jacqueline faisait le signe de la croix avec une lenteur extrême et dans un grand silence. Peut-être que cette messe pourrait être pour nous l’occasion de faire ce geste avec une conscience nouvelle : d’en faire une affirmation de Foi : Oui Seigneur tu es celui qui me sauve, le Christ le Fils du Vivant. Oui Seigneur tu es mort sur la croix par amour pour moi. Oui Seigneur chaque fois que je souffre je sais que tu es proche de moi, que tu me portes car tu m’aimes.

Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit

Amen !