Libéré, Délivré !  

Il paraît que la Reine des Neiges a été un tel carton que, s’inspirant de l’Évangile d’aujourd’hui, Walt Disney songerait à faire une suite : c’est un gars mort qui, ressuscité, sort de son tombeau en chantant quelque chose du genre « Libéré, délivré, je ne mourrai plus jamais… » et qui se jette dans les bras de Jésus, son cher ami. Je vous rassure c’est une blague, mais n’empêche il en a de la chance, Lazare, d’avoir été réanimé par Jésus. On aimerait bien nous aussi que si jamais on meurt un peu trop tôt, Jésus nous ressuscite un peu comme dans les jeux vidéo : vous savez, le personnage à l’écran disparaît quelques instants et hop revient tout neuf prêt à repartir comme si de rien n’était.  N’est-ce pas un peu injuste ? Pourquoi Lazare et pourquoi pas moi ? En réalité Jésus ne nous invite pas à désirer devenir un maître en potion digne d’Harry Potter capable de créer un filtre de vie pour ramener les morts à la vie. Il nous invite plutôt à entrer dans la vie véritable.

Elle est pour la Gloire de Dieu ! 

Sur ce chemin de la vie véritable il est un verset tout de même un peu étrange : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu ». L’homme normal se dit que celui qui la prononce n’a pas toute sa tête, qu’il n’a jamais fait un tour dans un hôpital, et n’a pas vécu au temps du Covid. En premier lieu parce que Lazare est bien mort, au point qu’une odeur nauséabonde ait envahi le tombeau. En second lieu parce que nous nous faisons une autre image de la gloire que celle d’un homme qui pleure devant un tombeau et de deux femmes qui râlent contre leur ami. La gloire c’est le PSG qui gagne (enfin) la Ligue des champions, c’est Rihanna entouré de 40 danseurs dans un stade en délire. Normalement la gloire rime avec puissance, beauté, autographes, gardes du corps et compagnie. 

Et pourtant ici, dans l’Évangile, le Christ nous offre un chemin qui prépare à la Gloire véritable. Les larmes de Jésus c’est l’amour qui attend d’éclater, de se répandre, de vaincre. La prière de Marthe « je sais que Dieu t’accordera tout », c’est la foi qui demande, c’est la foi confiante et invincible. Le reproche de Marie « si tu avais été là mon frère ne serait pas mort », c’est l’espérance en la puissance infinie du Seigneur : j’espère que rien n’est impossible à Dieu. Tout cela prépare la Gloire divine. Et la gloire éclate dans la voix de Jésus qui s’approche de la mort : « Lazare, viens dehors ! » et Lazare sort de son tombeau. C’est ça, la gloire de Dieu. C’est quand la mort recule, quand l’homme est libéré, quand l’homme est délivré.

Le Seigneur de la vie 

Pendant ce temps de Carême, la liturgie nous donne de redécouvrir qui est le Christ comme pour que toute l’Église puisse revivre son catéchuménat.

Aujourd’hui la gloire du Christ c’est sa manifestation comme Seigneur de la vie. En ouvrant le tombeau de Lazare, juste avant de souffrir sa passion, il nous révèle qu’en lui et par lui, la vie est plus forte que la mort. « Je suis la résurrection et la vie ». Toutes les lectures nous le rappellent aujourd’hui : « Je mettrai en vous mon esprit et vous vivrez », « L’Esprit est votre vie ».

Chers catéchumènes, si depuis maintenant plusieurs années vous avez manifesté votre désir d’être baptisés, c’est sans doute que vous avez reconnu que le Christ était celui qui donnait la vie, et la vie en abondance, la vie véritable.

À vous qui êtes baptisés depuis longtemps, on vous a dit à longueur de publicités qu’il fallait profiter de la vie. Que la vie c’était une bière, un canapé et un match. On vous a menti. (Bon sauf la bière à l’apéro paroissial du dimanche soir !) On vous a aussi dit que la vie, c’était une belle carrière et une assurance vie. On vous a menti. Que la vie c’était une tranquillité. On vous a menti. Que la vie c’était tout essayer car le temps est court. On vous a menti.  Cette pseudo-vie là ressemble plutôt à une mort lente. Parce que dans tout cela il y a une chose dont on ne parvient pas à se débarrasser véritablement, c’est notre péché. Le Christ nous annonce en ce dimanche une bonne nouvelle : « Moi je suis la résurrection et la vie ». Non pas la tranquillité, mais la vie véritable, la vie qui ne finit pas, la vie qui ne s’arrête pas à la première contradiction, la vie qui n’est pas suspendue au fil de la télévision ou de l’internet. Tout l’Évangile est cette révélation : « Je suis venu pour que vous ayez la vie et la vie en abondance ». Face à une culture de mort où la seule perspective semble le tombeau dont il faudrait repousser l’échéance en zappant et en s’enivrant, le Christ debout, maître de la vie face au tombeau de Lazare, nous dit : la mort n’a pas le dernier mot. La mort n’est pas un point final… Je suis venu te le dire : tu es fait pour la vie et la vie véritable. Pour Jésus, sortir Lazare de son tombeau, c’est nous dire à tous : tu es fait pour la vie, mais la vie véritable. Tu es fait pour vivre pleinement, largement. « Moi je suis la résurrection et la vie ». Le crois tu vraiment ?

Il est donc temps de quitter vos tombeaux

Il est donc temps de quitter nos tombeaux. En effet, nous sommes souvent plus du côté de Lazare que de celui de Marthe ou de Jésus. Car la mort touche d’abord notre propre vie. Quand il est question de mort ici, il serait faux de penser qu’il ne s’agit que de la mort du corps et vain d’imaginer que, si la science le permettait, nous serions promis à une vie sans fin digne des Elfes du Seigneur des Anneaux. Comme si notre vie importait si peu qu’au terme le corps revivrait. Le tombeau dont il est question en ce dimanche, frères et sœurs bien aimés, c’est aussi celui de notre cœur enfermé dans le péché. Le péché nous laisse dans le noir, il roule la pierre, fait que notre âme se met à sentir l’odeur de la mort et nous empêche de goûter à la vie véritable. Souvent nous sommes comme ce Lazare pris dans les bandelettes de la mort. Les bandelettes de nos égoïsmes, les bandelettes de nos ambitions purement terrestres. Les bandelettes de nos errements. 

Jésus, non sans émotion, en pleurant, fait sortir Lazare de son tombeau en l’appelant par son nom. Et toi ? Sais-tu entendre l’appel du Christ ? « Éveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts et le Christ t’illuminera ! » Pourra-t-on entendre dans la liturgie du Samedi Saint ? Savons-nous entendre l’appel du Christ à quitter nos médiocrités ? À choisir la vie et la vie véritable, la vie qui vaut le coup ? « Si l’on ne peut pas ajouter de jours à la vie, il faut ajouter de la vie aux jours » écrivait Anne-Dauphine Julliand, dans Deux petits pas sur le sable mouillé, alors qu’elle était au cœur du temps de la Souffrance. 

Comment cette semaine vas-tu choisir la vie avec Dieu ? En sortant de ton tombeau par la confession ? En ouvrant ton âme à son amour ? En choisissant le chemin du Christ ? 

En ce dimanche, en entourant nos catéchumènes de notre amitié et de notre prière, ne rêvons pas d’une vie magique, d’une potion de résurrection, mais faisons confiance au Maitre de la Vie, à l’ami fidèle qui pleure sur nos morts intérieures, pour goûter par les sacrements à la Gloire véritable du Seigneur de la Vie. Choisissons la vie. Ouvrons nos cœurs au don de Dieu. Soyons des vivants pour le Seigneur, laissons-nous appeler par lui ! Viens dehors !