Être aimé, avoir confiance, être libre !

En entendant les lectures de ce jour, on pourrait se prendre à chanter avec Céline Dion : S’il suffisait qu’on s’aime, s’il suffisait d’aimer, je ferais de ce rêve un monde, une éternité. Et se projeter dans la pensée d’une messe de mariage où l’amour coulerait à flots, avec bisous et robe de mariée… Le rêve quoi. Bon, c’est peut-être sans compter la petite phrase de l’Évangile : « à ces mots tous devinrent furieux, ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline où leur ville est construite, pour le précipiter en bas ». Car visiblement tout le monde ne semble pas vraiment aimer les paroles du Christ. 

En ce dimanche, nous lisons la suite de l’Évangile de dimanche dernier et je crois que les lectures dessinent pour nous trois traits caractéristiques du Christ : l’amour, la confiance, la liberté. 

La confiance 

D’abord la confiance. Dieu nous fait confiance. Quelle belle nouvelle ! Dans notre société moderne souvent culpabilisatrice, la confiance est une notion rare. À l’heure des fakes news on découvre dans les journaux des « fact checker », des gens chargés de vérifier les informations. On se méfie de tout le monde. À la moindre suspicion on dénonce. Il paraît que pendant les différents confinements, la police était submergée d’appels de délation. On se croirait revenu au temps de Monsieur Ramirez dans Papy fait de la résistance. Mais la question de la confiance n’est pas que dans nos relations interpersonnelles. Elle vaut aussi pour nous-mêmes. Nous sommes souvent un peu comme Jérémie dans la première lecture. Jérémie le prophète est appelé par Dieu mais il manque de confiance en lui. En même temps, il sent bien que la parole de Dieu ne fait pas toujours plaisir à ses contemporains. Il ne sait pas trop comment s’y prendre, où aller, que dire, comment faire. Alors Dieu se révèle à lui, Dieu lui redit des paroles essentielles. Ses paroles, il faut les entendre pour nous-mêmes car elles révèlent le cœur du mystère de Dieu : « Avant même de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais ; avant que tu viennes au jour, je t’ai consacré ; … ne tremble pas devant eux … moi je fais de toi une ville fortifiée ». Dit autrement à Jérémie qui manque de confiance en lui, Dieu redit : « moi, le Seigneur tout puissant, je te fais confiance et je compte sur toi ». « Tu as du prix à mes yeux et je t’aime ». Qui ne voudrait pas entendre cette parole de la bouche du Seigneur ? C’est une parole rare : même nos parents ou nos enfants ont parfois du mal à la prononcer. L’inouï de la foi chrétienne c’est cela : être choisi par Dieu, aimé, d’un amour personnel. Dieu compte sur toi. Dieu te fait confiance. Dieu te fortifie. Ne crains pas. Dans un monde de méfiance, Dieu te fait confiance !

L’amour du Christ pour nous, notre amour pour les autres 

Ensuite, l’amour du Christ pour nous. La seconde lecture que nous avons entendue, c’est le best of du mariage catho… On se dit c’est tellement beau « l’amour prend patience, l’amour rend service… » on se croirait dans une chanson de Jacques Brel, quand on a que l’amour. À y regarder de plus près, cette lecture nous parle du Christ. Qui donc prend patience vis-à-vis de nous quand nous avons du mal à aimer ? Jésus ! Qui donc nous a montré le chemin du service la veille de sa passion ? Jésus ! Qui donc ne se gonfle pas d’orgueil ? Jésus qui donne sa vie humiliée et raillée. On pourrait continuer la liste longtemps. Car celui qui nous aime c’est le Christ. N’oublions jamais cela. « La preuve que Dieu nous aime c’est qu’il a envoyé son fils », dira saint Paul dans une autre épître. As-tu conscience de cela ? As-tu conscience que Dieu t’aime concrètement, en te pardonnant, en prenant patience ?

Mais cette lecture a un autre pendant. Oui, nous sommes aimés de Dieu. Mais Dieu nous invite aussi à aimer à sa manière. Et saint Paul nous offre ici une très bonne vérification de notre amour pour les autres. Bien sûr cela marche dans le couple, mais plus généralement dans notre vie amicale, fraternelle, dans l’entreprise ou les études. « Aimer les autres », ce n’est pas d’abord une idée ou des paroles, c’est un ensemble d’actes concrets. Prendre patience, rendre service, ne pas tenir rancune, ne pas jalouser, ne pas rechercher son intérêt, se réjouir de tout, supporter toute maladresse… Tout cela c’est la déclinaison concrète de l’amour. C’est surtout un bon moyen pour nous de vérifier la qualité de notre amour. Si vous voulez savoir si vous aimez les autres, regardez très concrètement tous les critères de saint Paul et vous aurez une bonne idée !

La liberté du Christ 

Enfin, le Christ est libre ! Car il est une chose incompatible avec l’amour, c’est de vouloir posséder. Combien de fois en préparation au mariage je rappelle cette norme personnaliste, dont Jean-Paul II s’est fait le chantre : dès lors que tu prends l’autre pour un objet tu n’es plus dans l’amour. On ne compte plus les drames où des anciens amants se sont sentis utilisés. L’autre était devenu un objet d’affection quand ce n’était pas un objet sexuel. C’est exactement ce qui se passe ici avec les habitants de Nazareth : ils « réduisent » Jésus au fils de charpentier avec lequel ils ont joué au foot, ils réduisent aussi Jésus à celui qui est thaumaturge, faiseur de miracle… Ils le veulent pour eux. C’est parfois notre tentation vis-à-vis du Christ : vouloir qu’il soit notre doudou spirituel qui exauce à loisir nos envies ou nos besoins. Eh bien face à ceux qui veulent le prendre pour l’aduler ou pour le persécuter Jésus, souverainement libre « passe son chemin ». Au moment de sa passion, on verra la même attitude : « ma vie, nul ne la prend mais c’est moi qui la donne ». Le regard des autres, la pression sociale, n’ont pas de prise sur lui. Jésus ne cherche pas à paraître. Le Christ ne nous utilise pas, et ne veut pas non plus être utilisé par nous. Jésus n’est pas un objet que l’on peut prendre comme un génie de la lampe d’Aladin et qui exauce nos vœux à loisir. Le Christ s’offre à nous dans une amitié personnelle, une relation libre. De la même manière la foi chrétienne est d’abord une adhésion libre à la suite du Christ et non pas une longue suite d’obligations ou d’interdits, ni une longue liste de doléances ou de besoins. 

Ainsi donc, en ce dimanche, l’amour du Christ se déploie pour nous montrer ce que veut dire aimer. D’abord parce qu’il nous fait confiance, parce que nous avons du prix à ses yeux, parce qu’il nous aime. Ensuite parce qu’il nous montre dans sa vie que cet amour, ce ne sont pas seulement des mots mais aussi des actes concrets : la patience, la bienveillance, le service. Enfin, le Christ souverainement libre nous rappelle que l’amour n’utilise jamais l’autre, et que nous ne pouvons utiliser le Christ non plus.