Re-connexion

De nos jours on parle beaucoup de déconnexion. On développe des concepts de séminaire sans numérique dans les entreprises pour revenir aux véritables relations humaines. On inscrit dans la loi un « droit à la déconnexion » pour que les employeurs ou les clients ne vous persécutent pas (trop) à la maison. Et l’avènement des cours à distance réveille des pensées insoupçonnées dans le cœur des nombreux étudiants : à quand le retour au présentiel ? Quand aurons-nous le droit de nous déconnecter de Zoom, de Teams ou de Google Meet ? Eh bien chers amis, moi, en bon informaticien, j’aimerais vous parler au contraire de reconnexion. Fidèle à mes habitudes, je ne résiste  pas au plaisir vous citer un film. Dans Astérix Mission Cléopâtre, une scène mérite notre attention. Les ouvriers du chantier, menés par Isabelle Nanty alias Itinéris, viennent manifester pour demander un changement de conditions de travail. La discussion est menée par Itinéris qui a du mal à s’exprimer, comme si son téléphone ne passait pas bien au point qu’avec un belle pointe d’humour, Numérobis répond : Itinéris, je n’te capte plus… 

Cette expérience, vous l’avez déjà faite dans le train : pester parce que vous ne pouvez plus continuer votre conversation téléphonique, parce « ça ne capte plus »… et rappeler 10 fois chacun. 

En fait l’Évangile de ce dimanche n’est pas loin de cette réalité-là. Il s’agit de rester connecté, de se reconnecter, non pas à la 5G, mais bien au Christ. 

Il est la vigne, nous sommes les sarments

Pour nous le faire comprendre, Jésus nous offre une nouvelle comparaison agricole (après le Berger de la semaine dernière). Il nous dit qu’il est la vigne : attention, il ne nous dit pas qu’il est le tronc ou les racines, il nous dit « je suis la vigne ». Il est donc l’ensemble dans lequel nous, les sarments, sommes inclus. 

D’ailleurs, vous noterez que l’on ne parle de vigne que pour une plante vivante. Autrement on parlera de bois. 

Le Christ est une vigne vivante, c’est une certitude. La question qui se pose, c’est de savoir si nous sommes, nous, des sarments vivants. Un sarment a la vie car il est connecté sur la vigne. 

Si vous prenez une tronçonneuse pour le couper, votre sarment va durcir et ne sera plus bon qu’à allumer le barbecue du dimanche… Sympa mais pas très vivant : « Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent ». Ce sont les branches mortes de nos vies personnelles. Ces sujets sur lesquels la vie du Christ n’a plus de prise. Et nous en avons tous un peu, hélas, des sarments secs et cassants. Ce sont les péchés de nos vies par lesquels nous nous déconnectons de Dieu. 

Heureusement tout n’est pas sec sur la vigne. Il y a d’autres sarments, et ceux-là ont des feuilles. Mais ils ne rapportent pas grand-chose. Ils prennent de la sève mais n’en profitent pas à 100%. Alors ils ont des feuilles, ils ont souvent une belle apparence… mais le vrai vigneron ne se laisse pas tromper, ces sarments-là ne font pas beaucoup de grappes au moment de la vendange car, dans la vigne, plus une vigne est chargée et touffue… et moins elle produit de fruit. Dans chacune de nos vies, il y a de ces sarments-là, de ces moments où je choisis l’apparence plutôt que la vérité. Où j’embrasse la croix avec ferveur ou me mets à genoux le dimanche à la messe, mais ne me convertis pas sur tel point sur lequel je sais que je suis pas en accord avec le Seigneur. Où je dis bien à tout le monde que je suis chrétien mais suis malhonnête sur ma déclaration d’impôts… Ce sont nos sarments 3G… par desquels nous ne sommes qu’à moitié connectés. 

Porter du fruit de grâce 

L’enjeu pour nous, c’est donc d’abord de porter du fruit. « On reconnaît l’arbre à ses fruits », dit-on. Un bon informaticien commence par faire un test de débit quand il reçoit une nouvelle machine pour son réseau.

C’est la question qu’il nous faut nous poser lucidement, spécialement lorsque nous nous tournons vers lui pour la prière, et lorsque nous venons le recevoir dans l’Eucharistie. Question qui se répercute, et qu’il faut répercuter, dans notre vie de famille ou de communauté : que faisons‑nous de la sève du Christ ? De la verdure inutile ? Des vrilles qui s’accrochent un peu partout ? Des grappes fluettes qui essaient de mûrir de façon anarchique, chacune dans son coin ? Du bois qui, chaque automne, va rallonger la vigne sans l’enrichir ? Ou bien du fruit véritable ? 

Ou, dit encore autrement, que faisons-nous des grâces que le Seigneur nous accorde ? Nous aimons prier, pour obtenir des grâces : guérison, réconcilation, paix, joie, protection divine… Nous aimons bénir nos objets. Mais que faisons-nous des grâces que le Seigneur nous donne ? Toute cette sève que le Seigneur nous accorde. Sommes-nous comme un smartphone vieillot connecté à un réseau 5G, qui ne tire pas profit de la connexion ? 

Que serait donc une vigne sans raisin ? C’est comme un smartphone hors ligne… ça ne sert pas à grand-chose. Un objet de décoration, une vigne vierge, bonne pour décorer nos façades. Mais a-Dieu le bon vin et les fêtes entre amis. L’enjeu c’est de porter du fruit : « N’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité » entendions-nous dans la 2ème lecture. De la même manière Saint Paul est reconnu à ses fruits, lui l’inconnu des Apôtres, appelé par le Seigneur Lui-même, prenant sa place parmi les Apôtres grâce aux fruits de grâces et de prédications.

Vivre de la parole de Dieu, ou comment faire porter du fruit à la sève 

Et pour nous alors, quels peuvent être les fruits ? Eh bien regardons nos aînés dans la foi, les saints. Ce sont « juste » des hommes et des femmes comme vous et moi qui ont su faire porter du fruit au petit cep qu’ils étaient, en restant bien connectés, reliés à la vigne. La sève de la grâce c’est aussi la parole de Dieu. Nous disons que cette parole de Dieu est une parole de vie, une parole qui nourrit… c’est-à-dire une parole qui peut nous faire porter du fruit, et du fruit en abondance. À chaque époque de l’histoire le Seigneur a suscité des saints pour nous montrer ce que veut dire « demeurer avec le Seigneur ». À chaque époque de l’histoire le Seigneur a offert en exemples des hommes et des femmes bien connectés à la sève véritable.  

Alors pour ne pas perdre le réseau, pour ne pas risquer d’être déconnecté comme Itinéris dans le film d’Alain Chabat, cette semaine je vous propose un petit exercice spirituel concret pour les semaines à venir : vous choisissez une parole de Dieu dans les lectures de chaque dimanche, vous la notez dans votre téléphone, sur un carnet, un post-it…  Et vous choisissez de faire un effort concret auquel vous appelle cette parole, pour lequel le Seigneur va vous donner une grâce. Vous recevez la sève de Dieu à chaque messe, dans chaque parole de Dieu. Eh bien je vais porter un fruit cette semaine. La laisser grandir en moi et agir. Car le vrai fruit de notre dynamique spirituelle c’est un acte d’amour. Chaque semaine à la messe je peux décider d’un acte de bonté, chaque soir à la prière pour le lendemain. Porter du fruit. 

C’est difficile ? Oui, mais vous n’êtes pas seuls « celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là portera beaucoup de fruit ». Faites-lui confiance ! C’est lui qui fournit la sève, vous il s’agit juste de lui faire porter du fruit… laissez-vous faire ! il est meilleur qu’une antenne 5G… si vous vous tournez vers lui vous vous êtes sûrs de rester connectés… à l’essentiel !