Hommes de la Parole

Quel est le point commun entre Jésus-Christ assis sur la montagne, Franjo lorsqu’il fait un sketch sur le coronavirus, Éric Dupont-Moretti lorsqu’il plaide aux assises, et Winston Churchill quand il promet à son peuple « du sang, de la sueur et des larmes »… ? Vous ne voyez pas ? Ce sont tous les 4 des hommes de la parole. Toutefois, est-il raisonnable de traiter de la parole de Dieu comme on traite d’un discours politique ou d’une analyse littéraire ? Faudrait-il seulement que ce soit « joli » ?

La parole du Christ : « suis-moi » 

Pourtant la parole du Christ est forte ! Lorsqu’il passe près d’André et de Simon, Jésus les regarde et les interpelle par la parole. Cela tient en quelque mots : « venez à ma suite ». Et ça change leur vie. Leur monde était centré sur leur pêche, ce qu’ils savaient faire, leurs petites activités à eux, leur vision du monde. Et voici qu’a surgi de l’extérieur une parole qui les a interpellés. « Suis-moi ». Cette parole va changer leur vie, car « aussitôt laissant leur filet, il le suivirent ». C’est que cette parole n’est pas un simple discours rhétorique ou sympathique.  C’est que cette parole, c’est une personne même : Jésus. 

N’avez pas remarqué qu’à la messe, à la fin de l’Évangile, nous disons : « Acclamons la Parole de Dieu : louange à toi Seigneur Jésus ». Cela devient mécanique à force, c’est automatique. Mais a-t-on un jour pris conscience de ce que nous disons là ? L’Évangile n’est pas d’abord une belle morale ou une jolie histoire pour grands enfants. L’Évangile, c’est Jésus Lui-même qui se donne.

Saint Jérôme disait, dans une formule lapidaire mais très juste : « ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ ». Eh bien, chers amis, sommes-nous de ceux qui ignorent le Christ car ils sont des ignares des Écritures ? Avez-vous déjà rencontré des évangéliques ? Ou des témoins de Jéhovah ? Eux connaissent très bien la parole de Dieu. Et nous ? Chers amis si je demandais combien, parmi vous, ont lu un évangile en entier ? Le nouveau testament en entier ? Un livre de l’ancien testament en entier ? C’est si peu… Si cette parole est une parole qui a de la valeur, car c’est une parole qui a changé la vie de Simon et d’André, de Jacques et de Jean et de tant d’autres… oserions-nous l’ignorer plus longtemps ?

Le prêtre, porteur de la parole du Christ 

Si Jésus a interpellé les premiers disciples c’est pour en faire des porteurs de sa parole. Les apôtres, et à leur suite les évêques et les prêtres, sont les porteurs de la parole du Christ. C’est d’ailleurs à eux que revient la charge de proclamer l’Évangile à la messe. Il revient donc au prêtre la charge de transmettre cette parole de Dieu. C’est une lourde responsabilité : le prêtre doit porter la parole d’un autre, en l’occurrence celle du Christ. La parole du Christ qui n’est pas toujours un bonbon sucré, qui est parfois mordante pour chacun de nous.

Je constate de nos jours, avec l’avènement des réseaux sociaux et la poly-information, que les fidèles (et même les prêtres) ont tendance à faire leur marché en fonction de ce qui nous plaît ou de ce que l’on pense. L’abbé truc a prêché sur tel sujet dimanche : « Ah oui, c’est un bon prêtre… Un prêtre comme on les aime » (sous-entendu : un prêtre qui pense comme moi) ; par contre le Père machin, lui… oh là là son sermon c’était tellement progressiste (ou tellement désuet… selon votre point de vue). En fait on tend à sélectionner ce qui nous plaît : je choisis ce qui est conforme à l’idée que je me fais, moi, de l’Église. Donc dans l’enseignement de l’Église, des papes, ou du prêtre de ma paroisse, je prends ce qui me va bien à moi, et je jette le reste, en disant qu’il se trompe, que ce n’est pas vraiment cela… Pourtant, chers amis, la parole de Dieu est un glaive ! La parole de Dieu est exigeante et enthousiasmante à la fois. Et le rôle du prêtre n’est pas simplement de dire ce qui fait plaisir au fidèle mais d’annoncer la parole de Dieu. Bien sûr que, selon votre « sensibilité » ecclésiale, vous serez plus heureux d’entendre « Tu honoreras l’immigré qui est chez toi car tu as été immigré au pays d’Égypte » ou « Je suis le chemin, la vérité et la vie » ou « Malheur à vous, les riches »… Et pourtant toutes ces paroles sont des paroles de Dieu qui s’adressent à moi aujourd’hui. Et je n’ai le droit de faire l’économie d’aucune, et le prêtre se doit de prêcher sur les deux. Un homme a essayé de faire du tri dans la parole de Dieu, en disant que telle parole n’était pas vraiment de Dieu… il s’appelait Marcion et sélectionnait les passages de l’Écriture qu’il considérait comme vrais, jetant les autres. Il a blessé l’Église et la Révélation. Il a été excommunié et condamné avec force par l’Église.

Rendre la parole de Dieu vivante : se laisser saisir et transformer par la parole de Dieu 

Si cette parole est si importante, c’est qu’elle est appelée à être une parole vivante. La différence entre la Sainte Écriture et les fables de La Fontaine, c’est que les fables de La Fontaine ne vous donneront jamais la vie éternelle. « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle ? ». Mais pour que cette parole soit vivante en nous, il faut aussi que nous lui laissions une chance d’être vivante. Trop de chrétiens aujourd’hui prennent l’Évangile pour une jolie histoire. C’est le fameux « non mais mon Père, c’est bon cet évangile-là, je le connais par cœur… Je l’ai déjà entendu 234 fois »… Peut-être que votre intelligence l’a déjà entendu de nombreuses fois, mais votre âme ? Quelle est la parole que le Seigneur veut me dire aujourd’hui ? Dans la situation dans laquelle je suis maintenant. 

Il me semble, et la tradition chrétienne avec moi, qu’une authentique prière se nourrit de la parole de Dieu. Chaque office de la liturgie des heures par exemple. Les sacrements. Mais aussi notre prière personnelle. Pour cela j’aimerais vous donner deux petites astuces.

  • La première : lisez la Bible ! Certains me disent « mon Père, Dieu ne me parle pas… », mais ils n’ouvrent jamais la Bible. C’est un peu comme si un gars me dit « ma copine ne m’envoie jamais de SMS » mais que son portable est simplement éteint. Tous les fiancés que je prépare au mariage, je les invite à lire l’Évangile. Alors, tous ceux d’entre nous qui n’ont jamais lu un Évangile en entier… c’est le moment ! L’heure est venue de sortir de votre tombeau d’ignorance ! Et ceux qui ont déjà lu … il vous reste quelques autres livres à attaquer.
  • La seconde : prier avec la Bible. Un peu chaque jour. Je vous donne une méthode toute simple. Vous allumez une bougie, vous vous asseyez devant. Vous faites silence et lisez tranquillement l’Évangile du jour sur votre téléphone, magnificat ou autre. Et vous laissez raisonner en vous cette parole. Vous pouvez imaginer ce que fait Jésus, à qui il parle. Vous glissez dans la scène comme une caméra. Vous pouvez aussi vous souvenir de ce que cela évoque dans votre vie. Puis au bout de quelque temps, vous parlez au Seigneur : « Seigneur, dans l’Évangile, tu appelles tes disciples et ils te suivent sans hésiter… Aide-moi à suivre tes appels sans hésiter ». 

Ainsi donc, en ce dimanche de la Parole de Dieu, nous allons maintenant chacun recevoir une parole du Christ pour nous. Prenons un moment pour la méditer dans notre cœur. À travers l’Esprit Saint et par la communion, le Seigneur veut nous dire quelque chose aujourd’hui. Ouvrons lui notre cœur et nos âmes. « Seigneur, à qui irions nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle ».