Règne à Jamais !
« Le Christ est victorieux, il règne à Jamais » avons-nous chanté à pleine voix au début de cette messe… non mais vous la croyez celle-là ? Parce que niveau règne franchement, si le Christ était souverain de la terre du milieu au Risk… il tiendrait pas longtemps sur la carte. À l’heure qu’il est, une pandémie paralyse le monde et provoque la mort de millions de personnes, les guerres ravagent le continent africain, les perspectives économiques et géopolitiques sont pas franchement réjouissantes et j’en passe : le monde est gangrené par la pornographie à tous les âges, le mariage n’est plus vraiment reconnu, la pratique religieuse en Europe en berne… et alors vous me parlez du Règne du Christ ? Vous vous fichez un peu de moi, non ?
Certains diront aussi : « la royauté, c’est dépassé, pourquoi l’Église utilise-t-elle encore ce genre de qualificatif d’un autre âge ? »… d’autres rêveront plutôt d’un monde idéal, d’une chrétienté qui n’a jamais vraiment existé où le Christ régnait vraiment sur la France avec ses cohortes de catholiques… D’autres enfin aimeraient un Roi puissant à la manière du Palpatine de Star Wars ou de Sarouman du Seigneur des Anneaux… Mais cela nous ne nous aide guère à comprendre vraiment pourquoi le Christ est Roi et pourquoi nous le fêtons ainsi en ce dernier dimanche de l’année liturgique.
C’est sans doute que le Règne de Dieu, ce n’est pas exactement cela.
Le règne du don de soi et de la croix
Si le Christ est le roi du jugement comme nous le montre l’Évangile, il ne faudrait pas oublier que la véritable couronne du Christ, n’est pas faite d’or et de diamants comme pour une princesse de Walt Disney mais bien d’épines et de sang.
Le Siège royal du Christ n’est pas d’abord un siège lumineux et brillant de pierreries, mais bien un siège en forme de croix. Car si le Christ règne, c’est d’abord par le don de lui-même sur la croix. C’est d’abord par l’amour des pauvres et des petits.
Le premier qui est allé visiter les prisonniers de l’égoïsme que nous sommes, c’est lui. Le premier qui a donné une nourriture véritable à nous qui avions soif de Dieu, c’est lui. Le premier qui nous a donné à boire l’eau vive du salut, c’est lui.
Car c’est parce qu’il a donné sa vie sur la croix, parce qu’il a accepté d’être roi non pas à la manière des hommes mais à la manière de Dieu, en donnant sa vie.
Parce qu’il est victorieux en mourant sur la croix, n’oublions jamais, frères et sœurs bien aimés, que nous sommes disciples d’un roi crucifié, que le modèle qu’il nous offre est le modèle d’un Dieu qui s’abaisse, se fait le serviteur de tous, le plus petit, et accepte de mourir par amour.
Et c’est le chemin du règne qu’il propose à ses disciples : « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que l’on reconnaîtra que vous êtes mes disciples. » « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ».
Et une autre chose est sûre, frères et sœurs bien aimés, c’est que le Règne du Christ est une réalité profonde, spirituelle, certaine. Une réalité de foi. Oui, le Christ est Roi par la puissance du don de sa vie sur la croix. Le Christ est vainqueur du mal. Le démon n’a qu’à bien se tenir, et ceux qui parmi nos concitoyens voudraient réduire le Christ au silence aussi. Car oui le Christ est Roi de l’Univers, car la puissance de sa résurrection ne peut être arrêtée par aucune loi, aucune critique, aucun attentat. « Le Christ est victorieux ! Il règne à Jamais »
Les deux étendards : choisir le camp du Roi
Cependant chers amis, l’Évangile de ce dimanche nous demande de choisir notre camp dès maintenant. Sommes-nous plutôt bouc ou plutôt brebis ? Car ce qui nous attend à notre mort, c’est bien un roi qui juge et qui discerne, qui révèle les talents et les grâces comme les faiblesses et les misères. Pour rendre les choses plus concrètes, je vous propose de fermer les yeux et, avec Saint Ignace de Loyola, d’imaginer la chose suivante : d’un côté, le diable, « le chef de tous les ennemis comme si, dans ce vaste camp de Babylone, il était assis dans une grande chaire de feu et de fumée, d’un aspect horrible et terrifiant. Qui fait appel à d’innombrables démons… » ; de l’autre, « le souverain et vrai capitaine qu’est le Christ, notre Seigneur qui se tient dans un vaste camp de la région de Jérusalem, en un lieu humble, beau et gracieux. Du monde entier, il choisit un si grand nombre de personnes, apôtres, disciples, etc…, et les envoie dans le monde entier répandre sa sainte doctrine parmi les hommes de tout état et de toute Condition. »
Frères et sœurs bien aimés, en ce dimanche du Christ Roi, il nous faut choisir qui nous voulons servir. Sous la bannière de quel roi voulons-nous nous enrôler ? Le roi de la consommation, de la jouissance ? Le roi de l’ambition, de la réussite humaine ? Le roi de la division et de la médisance ? Le roi de la paresse et de l’orgueil… Ou bien, comme nous l’entendions tout à l’heure dans la préface, voulons-nous vivre dans un règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne de justice d’amour et de paix ? Le seul roi véritable pour un chrétien, ce n’est pas l’argent, ni même le pouvoir, ni même le militantisme politique ou catholique, ni même le Pape… le seul Roi, c’est le Christ ! En ce dimanche, il faut nous résolument choisir le camp du Christ ! En tout temps, en tout lieu et en toutes circonstances. Chaque matin au réveil et chaque soir au coucher reprendre ces paroles : « Voici mon âme, règne à jamais. Voici ma vie, règne à jamais, Voici mon cœur, règne à jamais. Ma liberté, règne à jamais. Gouverne-moi, règne à jamais, conduis mes pas règne à jamais. » Ce ne sont pas que des mots, frères et sœurs bien aimés. C’est une réalité profonde : choisir que le Christ est mon roi, c’est soumettre toute ma vie à son pouvoir, toutes mes journées. C’est le choisir en toutes circonstances, à tout instant, dans tout discernement se poser la question “Que ferait Jésus à ma place ?” Est-ce que dans telle action, je me fais disciple du Christ crucifié ou que je suis la bannière du Seigneur des ténèbres ?
Avant de régner sur le monde, le Christ doit régner dans ton monde.
Car il faut bien le dire… avant de régner sur le monde visible et de manière éclatante comme nous le promet l’Écriture Sainte, le Christ doit régner dans nos vies à nous. Mais sur tous les champs de notre vie. Sur les plus beaux, à travers nos talents – c’était l’Évangile de dimanche dernier -, mais aussi dans nos misères, nos faiblesses. Nous sommes parfois comme saint Jérôme à qui Jésus apparaît en lui disant : « – Qu’as-tu à me donner, cher fils ? ». Et Jérôme de répondre : « – La solitude dans laquelle je me débats, Seigneur. » « – Bien, et qu’as-tu d’autre à me donner ? » « – Je te donne mes jeûnes, la faim, la soif : je ne mange qu’au coucher du soleil ! » « – Et qu’as-tu encore à me donner ? » Une nouvelle fois Jérôme songea à ce qu’il pourrait encore offrir à Jésus. Et le voilà à mentionner ses veilles, la longue récitation des psaumes, son étude assidue de la Bible, de jour comme de nuit… Mais Jésus finit par lui dire : « – As-tu quelque chose de plus à me donner ? » « – Seigneur, j’ai déjà tout donné, il ne me reste vraiment plus rien » « – Si Jérôme, tu as oublié une chose, donne-moi encore tes péchés afin que je puisse te les pardonner ».
Frères et sœurs, en cette fête du Christ Roi, si nous voulons vraiment faire du Christ notre roi, il nous faut aussi donner notre péché. Donner notre faiblesse, notre misère. Faire régner Jésus sur nos faiblesses. « Dans mes combats, règne à jamais… dans mes épreuves, règne à jamais, dans mes ténèbres… règne à jamais ». Notre vie changerait si nous osions vraiment laisser Jésus régner sur notre vie, pleinement dans tous les interstices de notre vie, même sur les éléments que nous voulons cacher et enfouir : notre histoire, notre passé, nos péchés, nos faiblesses ou nos addictions. Parfois il est plus dur de laisser Jésus nous guérir en profondeur que de pardonner en vérité à un ennemi. Pourtant Jésus ne peut rien faire sans notre consentement. Oui, Jésus règne sur ma vie. Sur mon histoire, sur mes blessures, sur mes faiblesses. Règne à jamais. Sur mes joies et mes peines. Règne à jamais.
Alors seulement, cher frères et sœurs, quand le Christ règnera sur notre vie personnelle avec ses ombres et ses lumières, quand nous aurons vraiment choisi d’être sous la bannière, nous pourrons transformer notre monde, pour faire « advenir le règne du Christ dans toute notre vie et dans le monde qui nous entoure » comme dit le cérémonial de la promesse scout. Alors, en acceptant qu’il soit notre berger, nous deviendrons les brebis de son royaume et pourrons, au jour venu entendre de sa bouche cette parole : « Venez les bénis de mon père ».