Le dragon et la porte du ciel
Comment réveiller 100 hobbits qui ont dansé toute la nuit sur les meilleures musiques ? Voilà le défi du prédicateur du 15 août au matin. Pour cela, je vais vous raconter une histoire de dragon. Notre personnage est donc un dragon, ailé, de couleur rouge dorée. Il possède un odorat fort développé au point qu’il arrive à déterminer le nombre des personnes rien qu’à l’odeur (après une soirée à transpirer on peut le comprendre). Son poitrail est recouvert de gemmes et pierreries incrustées. Sa gueule crache du feu. Il est particulièrement méchant, avide et fort. Il est le plus puissant de son temps. J’ai nommé… Smaug ! Le dragon décrit par Tolkien. Eh bien voilà un bon support pour comprendre le combat qui se joue dans la première lecture que nous avons entendue et surtout pour déceler le sens spirituel de cette fête du 15 août qui ne sert pas que de prétexte à organiser une grosse fête amicale et familiale sous prétexte de fête religieuse…
Le dragon de nos vies depuis la chute
Pour comprendre donc ce que vient faire ce dragon de la première lecture il faut remonter un peu en arrière…. Au livre de la Genèse. Souvenons-nous, au début de la Bible, dans le livre de la Genèse, une histoire bucolique de pomme (enfin la Bible ne nous parle jamais de Pomme), de serpent et d’arbre… à laquelle nous ne comprenons souvent pas grand-chose. C’est en fait l’histoire d’une mise à la porte. L’homme et la femme, Adam et Ève pensent que Dieu ne veut pas leur bien véritable, ils choisissent librement de dire non à Dieu. En posant cet acte symbolique de manger le fruit, l’homme et la femme disent simplement : entre Dieu et ma propre existence, je choisis ma propre existence et Dieu peut aller voir ailleurs si j’y suis. C’est ce que nous faisons à chaque fois que nous faisons un péché : j’entre dans le jeu du dragon, je dis à Dieu “tu peux aller te faire voir, je préfère ma propre vie”. Et dès lors notre vie, et celle de nos premiers parents prend une orientation nouvelle, plus triste, marquée par la mort, marquée par l’égoïsme et le péché.
Et c’est notre quotidien : il nous est plus facile de faire le mal que de faire le bien, le mal ronge notre monde ; il est plus facile de perdre du temps sur insta que de prier, de boire un peu trop de bière que de prendre une Vittel, de coucher avec sa copine ou son copain que de vivre la chasteté jusqu’au mariage, de dire une saloperie sur son voisin que de bénir la réussite des autres !
Du coup Dieu avait pris les devants, puisque l’homme s’exclut de la vie divine, il ne fallait pas le forcer, il était libre. La porte du ciel s’était alors fermée. Et pourtant, déjà trouvait-on comme en filigrane, dès ces premières pages de la Bible, l’annonce d’une femme nouvelle, d’une nouvelle Ève, qui renverserait l’ordre des choses. Cette femme, c’est Marie, celle que l’on voit triompher du dragon dans la première lecture que nous venons d’entendre. Car avec Marie la porte s’est ouverte à nouveau.
Fêter aujourd’hui Marie, c’est donc entrer dans l’action de grâce car c’est par elle que le dragon du péché a pu être vaincu par la croix
En fait en cette fête de l’Assomption, nous anticipons ce que nous serons au terme. Marie, parce qu’elle a été préservée de ce péché « originel », a été capable d’entrer dans la plénitude du projet de Dieu. On se dit souvent : « franchement pour Marie c’était facile de dire oui à Dieu car elle était préservée du péché », « tu es bénie entre toutes les femmes »… c’était peut-être plus facile que pour nous mais n’empêche qu’elle a dit oui. Au jour de l’Annonciation, quand elle reçoit la visite de l’ange, elle nous offre le Serrurier, celui qui a le pouvoir d’ouvrir à nouveau les portes du ciel.
La sainteté de Marie
En cela la vie de Marie nous paraît souvent extraordinaire, inaccessible, et il est vrai qu’a priori aucun d’entre nous n’aura à accueillir un ange pour recevoir un enfant.
En fait Marie est extraordinaire dans sa vie ordinaire. C’est ce que chante Sainte Thérèse de Lisieux : « j’ai choisi l’amour du Seigneur dans chaque chose ordinaire, alors je mettrai tant de cœur à la rendre extraordinaire ». En fait Marie ne s’est pas contentée d’accueillir la volonté de Dieu une fois dans sa vie lors de la visite de l’ange, mais elle l’a accomplie toute sa vie durant. En faisant grandir humblement son fils, en vivant la vie de la famille la plus ordinaire : l’amour de la cuisine, les conversation au coin du feu, le rangement, aller chercher de l’eau… tous ces services partagés en famille ont été le quotidien de la Vierge Marie.
À sa suite, nous sommes invités nous aussi à entrer dans la sainteté de l’ordinaire. À 18-20 ans, on est souvent idéaliste et rêveur. On veut changer le monde, et c’est bien. Avec un peu de chance on veut être saints, et de grands saints. Quand j’avais votre âge, nous avions une devise de copains : soyons saints, le reste on s’en fout… Eh bien la sainteté commence à l’école de Marie, par l’ordinaire, le quotidien, le devoir d’état. Voilà la sainteté de Marie. N’attends pas d’avoir des visions du Seigneur pour commencer à travailler ta sainteté. N’attends pas que ton prof de méca devienne croyant, n’attends pas que Marie-Ursule ou Charles-Alexandre esquisse un sourire à la sortie de ton amphi… Ta sainteté se joue aujourd’hui et maintenant. Hic et Nunc !
Fêter Marie aujourd’hui c’est accepter d’entrer dans la dynamique de la sainteté… du quotidien.
La porte du ciel
L’assomption de la Vierge Marie, c’est en réalité l’apéritif de notre sainteté définitive. Puisque le Christ a vaincu la mort, puisque le Dragon n’a pas résisté à la grâce de la sainteté de Marie, alors nous aussi, par la grâce du Sauveur, sommes appelés à entrer dans la gloire.
Notre vocation chers amis, c’est le ciel. St Cyr, HEC, l’ENS, Marie-Gwendoline ou Henri-Théobalde, les vacances entre potes à l’Ile de Ré, ou le WE d’inté… on s’en fiche. L’enjeu de notre vie, le seul qui compte, c’est la sainteté et le ciel. Le désires-tu vraiment ?
Parce qu’en fêtant aujourd’hui la Vierge Marie qui monte au ciel, nous regardons ce qui nous attend à notre tour. Je m’explique : Marie en étant préservée du péché des origines a vécu toute sa vie ordinaire unie au Christ. Ainsi donc, nous pouvons voir dans son entrée au ciel l’espérance de notre propre vie ! Un jour, quand nous serons morts, ce sera le jour de la rencontre. Nous serons conduits dans la salle du trône, avec le Roi, le Christ, et à sa droite sa mère, Marie. Et là ce que nous pouvons connaître de mieux sur la terre : cette soirée exceptionnelle, cette ascension en ballon avec les cousins, ce coucher de soleil en camp scout, cette rencontre amoureuse si forte… ne sera encore rien à côté de ce que nous serons appelés à vivre alors. Marie en ce jour nous montre une gloire, c’est à dire une joie rayonnante incomparable à ce que nous vivons sur la terre, que nous sommes appelés à partager. Une gloire que même Ève n’aurait jamais pu espérer dans le paradis des origines.
En ce matin du 15 août, le Seigneur toque à ta porte et te demande : qu’as-tu fait de Marie, ma Mère ? Elle est un rempart contre toute tentation : car le tentateur ne peut cohabiter dans une âme avec la Vierge Marie toute pure et toute belle. Un prêtre plus âgé me disait un jour avec humour que chaque Je vous salue Marie était un pétard envoyé au démon. L’expression n’est pas très théologique. Alors arme-toi de l’épée la plus tranchante contre toute tentation et contre tout mal, la protection de la Vierge Marie si pure en gardant une image de Marie sur toi, une médaille ou un chapelet.
En ce matin du 15 août, la Vierge Marie toque à la porte de notre cœur, pour nous dire « Suis-moi ». « Viens à la suite de mon fils, car moi sa mère, je suis devenue son disciple. Ouvre ton cœur, accueille mon fils. »
En ce matin du 15 août, la joie touche notre cœur lorsque nous entendons les paroles de Marie : « Le puissant fait pour moi des merveilles, saint est son nom ! »
Sainte Marie, toi qui aujourd’hui nous montres le chemin du ciel, donne nous de goûter dès cette messe à la joie du ciel en communiant à l’amour de ton Fils !
En ce matin du 15 août, le Dragon est définitivement renversé, et la main rivée sur le chapelet nous pourrons dire au démon, avec Marie pour Mère : « Vous ne passerez pas »