La porte du Royaume

Si on écoute bien l’Evangile, on est tenté de dire que les portes du Royaume des cieux ressemblent un peu à celle de la Moria dans le Seigneur des anneaux. En effet, dans le saga de Tolkien nos héros empêchés de passer par le Col montagneux pris dans la neige, se voient réduit à traverser les mines de la Moria. Encore faudrait-il parvenir à y entrer. Une porte de pierre aux mystérieuses inscriptions les empêche d’entrer pendant plusieurs heures. Serons-nous de ceux-là à l’avènement du Royaume ? resterons-nous coincés à la porte tel que Jésus le dit :  « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et n’y parviendront pas. ». Dans la vie chrétienne nul besoin de formule magique pour pénétrer les portes du Royaume. 

Mais au fait quel est la nature du Royaume des cieux ? 

Le royaume des cieux dépasse souvent notre imagination. Lorsque nous sommes enfants nous avons souvent une vision du paradis sous forme de nuage sur lequel trônerait le Seigneur tout puissant. En grandissant notre image du Royaume évolue. Mais une chose est certaine : notre vision, notre imagination n’est que partielle, elle n’est pas une réalité pleine et entière. Car le Royaume de Dieu n’est pas une réalité comme celles que nous pouvons goûter sur la terre. Si les écritures nous parlent de pays où ruisselle le lait et le miel c’est pour nous aider à prendre conscience, pour nous permettre d’apercevoir quelque chose de la joie de cet état là. S’il est semblable à un festin, c’est d’abord en raison de la joie qui caractérise un repas de fête, un repas de noces. Ceux qui y prendront part seront comblés au-delà de toute mesure. Ce qu’ils recevront, c’est l’Amour même de Dieu qui leur sera donné, puisé à sa source. Dès lors, nous serons libérés de tout mal, de toute souffrance, il n’y aura plus ni cris ni larmes, mais seulement la paix et l’amour. Tout ce qui est si éphémère et imparfait sur la terre sera pleinement accompli. Dans ce Royaume nous contemplerons Dieu qui se donne à tous et à chacun, nous verrons Dieu face à face tel qu’il est et nous nous réjouirons de sa présence et de son amour sans limite. Autrement dit, si chacun d’entre nous imagine le meilleur moment, le plus profond, le plus grand, le plus intense de sa vie personnelle… et bien c’est encore de la nioniote, l’expression n’est pas très théologique, à coté de la réalité divine qui nous sera offerte. 

Le royaume de Dieu c’est notre but. Saint Augustin le dira à sa manière : notre cité se trouve dans les cieux. Est-ce que nous désirons aller au ciel autant que nous désirons un verre d’eau fraiche après un effort considérable ?

Le chemin du Royaume : la vie de la grâce 

Vivons-nous vraiment avec cette perspective ? Est-ce que la perspective de ma vie quand je me lève le matin c’est de désirer le Royaume ou simplement de m’occuper de mes petites affaires ? Jésus a des paroles rude dans l’Evangile et finalement elles s’appliquent bien à nous : nous passons des heures et des heures de notre journées à construire une carrière, à optimiser notre argent, à faire des achats ou à s’occuper de nous-même plutôt qu’à nous occuper du royaume. Pourtant Jésus nous avertit : « efforcez-vous d’entrez par le porte étroite ». Que désigne donc cette porte ? faudrait-il comme Gandalf prononcer des incantations en elféique pour y pénétrer. Non bien sûr. Le porte étroite désigne comme une attitude du cœur. Jésus attend de nous que nous soyons humbles, ni distants, ni arrogants, mais aussi que nous manifestions un vrai désir, une volonté empressée. C’est pourquoi il précise bien: efforcez-vous, luttez pour entrer par la porte étroite. Pourquoi lutter? Parce que notre volonté est souvent soumise au relâchement, au découragement. Parce que nous peinons à suivre Jésus, à nous convertir sincèrement et profondément. Alors n’attendons pas davantage. C’est maintenant le jour du Salut ! 

Le porte étroite c’est aussi le chemin de l’humilité. Nous avons dans la vie chrétienne de multiples tentations mais il en est une qui est une arme redoutable du démon : vouloir s’en sortir tout seul. Comme nous sommes des « gens biens », comme nous voulons être de bons chrétiens, nous voulons viser la perfection, nous voulons être « parfaits ». Et quand nous disons « parfaits » nous pensons au blanc immaculé de la publicité pour « Omo » qui lave plus blanc que blanc. Du coup à la force de poignet, nous faisons des efforts, nous nous raidissons… et souvent nous désespérons de ne pas y arriver. Et nous pouvons finir par être atteints pas l’aquabonite : à quoi bon chercher à être gentil avec les parents puisque au bout d’un moment je finirai pas m’énerver, à quoi bon chercher à être généreux car tout le monde est égoïste dans mon entreprise, à quoi bon chercher à vivre de belles relations amicales puisque tous autour de moi vivent n’importe comment et parce que je n’y arrive pas moi-même. La porte étroite de l’Evangile, Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus la décrit à sa manière : « Je puis malgré ma petitesse aspirer à la sainteté ; Se contentant de mes efforts, Dieu m’élèvera à lui il sera ma sainteté » et le Bx Marie-Eugène : « la sainteté c’est la force de Dieu dans la faiblesse des hommes, la sainteté c’est d’être mu par l’Esprit Saint, car c’est Dieu seul qui fait les saints ». Le chemin de la sainteté, le chemin de la perfection, c’est d’abord un petit chemin d’humilité, un chemin où je suis uni à Dieu chaque jour, avec ma faiblesse… et avec la force de Dieu. Ai-je le désir de suivre ce chemin-là ? de simplicité, d’humilité, ou j’accepte humblement de ne pas être parfait mais où je demande la grâce de Dieu souvent  ? où Dieu m’élève. C’est le sens de la dernière phrase de l’Evangile : « des derniers seront premiers, des premiers seront derniers ».

Le royaume de Dieu, c’est ici et maintenant

Bon c’est bien gentil mon père tout cela, c’est bien beau, mais en attendant dans 1 semaine c’est la rentrée des classes, il faut retourner au boulot, gagner de l’argent, parler à ses potes, jouer au rugby ou au foot en club … le royaume des cieux, c’est lointain, c’est plus tard, c’est quand on sera mort. Et bien non chers amis, l’Evangile d’aujorud’hui nous parle justement de ce qui se passe maintenant. Car Dieu ne se contente pas de nous promettre un Royaume des cieux lointain qui ressemblerait à la gare de King Cross illuminée comme dans Harry Potter sept. Le Royaume des cieux c’est hic et nunc, aujourd’hui et maintenant. Car depuis la venue du Christ, le Seigneur nous a offert les armes du salut : les sacrements et la grâce de Dieu. Chaque fois que je vais à la messe, chaque fois que pose un acte de charité, chaque fois que je vis la douceur avec mes frères et sœurs, chaque fois que je vis la patience avec mes enfants, chaque fois que le prie de tout mon cœur, chaque fois que je communie avec un cœur ouvert et que je me confesse en vérité : je fais avancer le Royaume sur la terre. Mon âme, ma famille, mon groupe d’amis deviennent comme un anticipation du Royaume sur la terre. 

Puissions nous, pendant ce temps de vacances bretonnes, demander à Dieu de grandir dans l’humilité, et d’avancer, ensemble sur le chemin de la porte étroite .