Un grand champ à moissonner

Quand j’étais plus jeune, nous chantions dans la petite église de campagne près de chez ma grand-mère, ce cantique « Un grand champ à moissonner, une vigne à vendanger, Dieu invite maintenant pour sa récolte »… bon il faut l’avouer il a très mal vieilli, ce chant, mais ce souvenir dans ma tête est associé à la vue des moissonneuses et des tracteurs sillonnant la campagne pour récolter le grain dans les champs. L’Évangile d’aujourd’hui, s’il tombe à pic pour les cultivateurs de la région, nous concerne en fait tous de manière particulière. J’aimerais avec vous, relever 3 points essentiels. 

L’envoi ! 

La première chose remarquable, c’est que Jésus est un très mauvais formateur. Ou au contraire un audacieux pédagogue. Car ses disciples ne le suivent pas depuis si longtemps que cela, ils n’ont pas fait de Bac + 12 en théologie, et n’ont pas non plus leur PCSI, leur BAFD, leur bac ou leur permis de conduire … Non.  « le Seigneur en désigna encore 72, et il les envoya deux par deux, en avant de lui, en toute ville et localité, où lui-même allait se rendre. ». Pas d’assurance, par d’Europ-assistance, et surtout une destination inconnue. Ce qui est remarquable, c’est que les disciples ne rechignent pas à partir. Ils y vont. Ils ont la foi.

La foi, c’est cette folie de l’amour divin qui nous permet d’aller là, où on ne serait pas allé.

Il me semble l’avoir déjà dit dans cette église, mais je ne serai pas ici en train de précher dans cet église, sans la foi en Dieu et sans l’envoi de l’Eglise. 

L’envoi des disciples est donc premier. « Allez… ». Vous remarquerez peut être que cet envoi, nous le vivons aussi dans la liturgie : « allez dans la paix du Christ » se traduit hélas souvent dans les faits de nos vies par « Allez bien tranquille chez vous !  ». Alors que dans ce « allez » il y a l’envoi des disciples en mission. Avons-nous autant de foi, que ces 72 disciples de Jésus ? 

Le dépouillement

Le deuxième point, que j’aimerais relever, c’est que les disciples partent sans rien : «  Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales, et ne saluez personne en chemin ! »…

Pas très réjouissant comme programme. N’importe quel enfant qui connait les fables de la Fontaine en entendant cet Evangile se rappelle du loup et l’Agneau… et dans la fable, l’Agneau ne finit pas en bon état. 

Vu du plan humain, ce n’est pas prudent. Une bonne mère de famille prévoyante dit toujours à son petit rejeton, avant de partir en camp scout ou avant de partir en vacances : « As-tu bien pris telle chose… et telle autre ? … On ne sait jamais ».

Pourquoi une telle prudence, car on a peur d’être en insécurité. Du coup, on s’assure de toute part : on a la prévoyance santé, la prévoyage retraite, l’assurance scolaire, l’assurance emprunteur, l’assurance voiture, l’assurance dommage corporel, l’individuelle accident… Pourquoi ? parce qu’on accepte plus de risques. On se « couvre », on se « blinde »…

 Ici les disciples sont envoyés avec pour seule assurance, non pas un contrat, mais la foi et la confiance en Dieu. La foi, c’est un risque. La foi comme l’amour, c’est de risquer d’être mis à nu par Dieu. Mais les disciples partent avec la confiance dans le Maître, qui ne les abandonne pas. 

Donc pas question d’avoir repéré le logement avant, pas question d’avoir 25 tenues de rechange et 12 jours de vivre. Pourquoi une telle confiance ? Tout simplement car la mission des apôtres les dépasse. Ils sont envoyés par le Christ et c’est lui qui féconde leur effort. 

« Notre confiance est dans Ton nom très saint » aime-t-on chanter dans le chant « Que ma bouche chante ta louange ». Est-ce que notre confiance est vraiment en Dieu ou dans toutes nos assurances terrestes ? 

La moisson et les ouvriers

Enfin un troisième point mérite notre attention en ce dimanche. C’est la fameuse phrase de Jésus : «La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux ». Le paroissien moyen, lorsqu’il entend cette belle phrase se dit : « ah oui tiens, je vais prier pour qu’il y ait des prêtres, enfin oui bon, mais des prêtres dans les autres familles. Pas mon petit Côme, de toute facon je suis tranquille il est amoureux. Oui, par contre l’autre-là, le petit de la famille bidule, je le verrai bien ».

Vous souriez peut-être, mais ça n’empêche que c’est une réalité. On veut des prêtres, mais surtout pas chez soi. Alors loin l’idée pour moi de vous dissuader de prier pour les prêtres, au contraire faites-le… souvent ! Demandez avec ardeur des ouvriers pour la moisson !

Mais c’est un peu facile de demander des ouvriers, sans se poser la question pour soi-même : n’est ce pas moi, que le Seigneur appelle à sa moisson ? Parce que les disciples, les 72, ils n’étaient pas tellement différents de nous. Ils avaient un job, une maison, des enfants, une épouse, un mari… Ils vivaient leur petite vie. 

Deux manières concrètes de se poser la question : quelle est la dernière fois ou contrairement j’ai parlé à quelqu’un, que je connaissais de la foi, de l’amour de Dieu ? Par exemple au travail ? Dans la rue ? 

Une autre manière c’est de ce dire : l’an prochain, comment vais-je contribuer à la mission de l’Eglise selon mes talents ? Etre chrétien, ce n’est pas simplement faire du tourisme dominical. Mais c’est aussi se laisser envoyer par Jésus. Contribuer à la mission de l’Eglise. Pour que le « allez dans la paix du Christ » ait un vrai sens. « Ah bah, mon père, moi j’ai la trouille d’aller faire le KT à des gamins… » « et si vous faisiez la cuisine ou le bricolage  plutôt » ?

La mission de l’église est vaste et chaque année, c’est à chaque chrétien de réfléchir à la question : comment est-ce que je me laisse envoyer en mission par le Christ ?

Concrètement, c’est très simple : si vous n’avez aucun engagement dans l’Eglise même minime, laissez-vous interpeller par cet Evangile : « La moisson est abondante mais les ouvriers sont peu nombreux ». Il y a des services pour chacun dans l’Eglise des plus simples comme faire de la cuisine, passer le balais, aux plus compliqués. Des services très ponctuels aux choses plus régulière. Je Vous le demande, vivement et humblement à vous qui venez à la messe chaque dimanche : comment allez vous vous engager pour le service de la moisson du Seigneur à la rentrée prochaine ?  

Puisse donc, frères et sœurs bien aimés, avec la force l’Esprit, ne pas avoir peur de partir moissonner pour le Seigneur. Le champ est vaste ! Partez, sans autre assurance que la foi. Vous manquez de compétence, très bien ! Le Seigneur s’en accommodera il se contentera de votre bonne volonté ! N’oubliez pas ! La mission de l’Église est dans vos mains ! Soyez sans peur ! et sans reproche ! le Seigneur vous le rendra au centuple !