Vous êtes dans le monde mais vous n’êtes pas du monde

Nous voici entre l’Ascension et la Pentecôte. Il est parti… et l’Esprit Saint n’est pas encore venu.  Les apôtres se sentent un peu seul en ce dimanche.

Et l’Evangile nous offre un véritable numéro d’équilibriste. Avez-vous déjà vu des vidéos de ces hommes, un petit peu fou, tout de même , qui se baladent sur un fil tendu entre deux buildings de New York ou des plus grandes capitales des émirats. Comment font-ils pour réussir une telle performance souvent sans filet ? Ils se concentrent et regardent devant eux. Surtout, il ne faut dévier ni d’un coté, ni de l’autre.

Deux excès

En ce dimanche le Christ nous dit en subtance : « vous êtes dans le monde… mais vous n’êtes pas du monde ». Par là, il nous montre que la route du Chrétien, suit celle de Jésus et est comme une ligne de crête entre deux versants dangereux.

D’un coté « être trop dans le monde ». Disons que je réduis la vie chrétienne à ce que tout le monde fait. C’est le christianisme où surtout il ne faut pas faire de vague. Faisons comme tout le monde, pour s’intégrer le plus possible. Pour les plus jeunes, en soirée je fume n’importe quoi parce que de toutes façons tout le monde le fait et que faudrait pas que je me démarque. Ou encore la Foi est une affaire privée, cela ne doit pas ce voir, je vais faire comme tout le monde. Ou encore « après tout, tout le monde fait comme cela. Y a pas de raison de faire autrement ». Ou enfin se dire que de toutes façons le monde n’étant plus chrétien autant en profiter.

Et d’un autre coté : « être trop en dehors du monde ». Penser que pour être chrétien, il faut vivre dans un cercle fermé, que nos enfants ne doivent rencontrer que des chrétiens pratiquants, que tout ce qui n’est pas catholique est nécessairement mauvais voire une œuvre du démon. Qu’il faut refuser toute télévision ou tout internet en bloc. C’est parfois la tentation du « c’était mieux avant ».

L’articulation des deux

Mais le Seigneur dans l’Évangile ne tombe dans aucun des deux excès. « Je ne te demande pas de les retirer du monde » « ils ne sont pas du monde ».

En fait il nous faut faire un peu de grammaire en ce dimanche pour bien comprendre. Lorsque Jésus dit « vous êtes dans le monde » : il désigne notre présence dans le monde.  Nous sommes bien appelés à vivre ici et maintenant. Sans rêver d’un monde parfait qui n’existe pas dans la vraie vie.

C’est ce que vit le Christ dans l’Evangile : il est dans le monde de son temps, il rencontre des centurions romains, subit l’occupation, participe aux rites juifs et aux coutumes de son époque. Il ne se dit pas « allez, vu que je suis Dieu je vais revenir en mode « Adam et Eve » au milieu du jardin ».

Lorsqu’il dit vous n’êtes pas « du monde », il pointe notre origine profonde. La provenance. Il nous dit ce qui t’anime en profondeur, ce qui est ta source, ton point d’origine c’est Dieu et ce ne sont pas les réalités du monde. Et c’est aussi ce que vit Jésus. « Ma nourriture c’est de faire la volonté de mon Père » « l’homme ne vit pas seulement de paix et d’eau mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ». Et à St Pierre qui voulait faire de lui un sauveur politique Jésus rétorque violemment « tes pensées ne sont pas celle de Dieu ».

L’Esprit Saint nous permet de tenir la crête

Il nous faut nous l’avouer, nous sommes souvent, parfois successivement dans l’un ou l’autre excès. Tantôt nous nous disons : « allez c’est pas bien grave tout le monde le fait, il faut vivre avec son temps, je peux bien aller profiter de telle soirée, avoir une relation avec telle personne, l’Eglise est en retard là dessus… » bref nous entrons un peu trop dans l’Esprit du monde au point de nous éloigner du Christ. Et parfois nous sommes dans la situation inverse : « je ne parle pas à Mme Michu parce que elle est ceci ou cela » « il faut nous protéger… » « c’était mieux avant » « le monde est mauvais » « sauve qui peut ».

Quand on regarde de près l’Evangile et que l’on a compris que l’on allait pas quitter le monde à la manière d’Harry Potter avec un portoloin, et bien il nous faut d’abord nous retrousser les manches.

C’est ici et maintenant que le Seigneur a besoin de nous, c’est ici et maintenant que le Seigneur veut faire de nous des saints… dans le monde d’aujourd’hui, au cœur de notre ville, au cœur de nos cités. Même si autour de nous personne ne vit cela.

Pour garder le cap sur cette ligne de crête, les lectures du jour nous offrent quelques repères :

–       Un cadeau qui nous est fait : la Parole de Dieu « je leur ai fait don de ta parole ». Méditer l’Ecriture nous aide à garder le cap, à rester ancré dans cette attitude de Jésus : attentif à tous, sans pour autant approuver le comportement ou imiter le comportement de tous.

–       Une mise à part : le disciple, celui qui veut suivre le Christ est « mis à part » c’est ce que veut dire le terme « consacré » que nous avons entendu dans l’Evangile. C’est à dire que Dieu a posé sa main sur nous d’une manière particulière pour nous unir à lui. Notre force dans un monde parfois hostile à la vie chrétienne n’est pas dans notre caractère mais d’abord dans le choix de Dieu.

–       Le disciple n’est pas seul : dans son discours, le Christ ne s’adresse pas simplement à un bonhomme en lui disant « la charge du monde repose sur toi »… non non il s’adresse à ses apôtres dans son ensemble. Il les envoie dans le monde ensemble. Pour nous, concrètement cette communauté c’est l’Eglise. C’est dans l’Eglise que je puise la force d’être dans le monde, d’être vraiment au cœur des réalités du monde car dans l’Eglise, par la grâce des sacrements et de la vie communautaire, je me connecte à Dieu.  Fortifié par la grâce divine je peux, comme les Apôtres être témoin de Dieu dans le monde d’aujourd’hui.