Bourré de Talents
Ceux qui connaissent un peu la bande dessinée reconnaîtrons facilement d’où est tiré ce dialogue : « et surtout Amombofis un architecte concurrent qui veut toujours me nuire… il a beaucoup de talents… il est doué ? non il est riche. Il a beaucoup de talents d’or c’est la monnaie que nous utilisons ». … vous aurez donc reconnu « Astérix et Cléopâtre » mis en film au début des années 2000. Ce petit extrait nous aide à voir ce que l’Evangile désigne par Talent.
Le talent : un don colossal.
Ici l’Evangile associe le Talent à une somme d’argent. Une petite conversion nous permet de découvrir qu’un talent c’est quelque chose de l’ordre de 6000 euros. Ainsi donc, dans la parabole d’aujourd’hui, le Maître parti en voyage confie à ses serviteurs des sommes colossales. Il existe donc entre eux une relation de confiance primordiale. Qui d’entre nous confierait des centaines de milliers d’euros à des personnes venues travailler chez nous ?
Au début de cet Evangile, il y a donc un don primordial : le Maître donne. Et il nous est facile de comprendre que le Maître de l’Evangile, c’est Dieu. Et lorsque l’on dit que Dieu donne, on comprend alors qu’il ne nous donne pas des lingots d’or (dommage peut-être se disent certains). Mais Dieu donne à chacun de nous : la vie, la capacité d’aimer et d’être aimé. Mais il donne aussi des talents variés. L’un est doué en musique, l’autre est une fée du logis. L’un est un bon organisateur, l’autre un bon négociant. L’un sera doué pour les langues vivantes, l’autre pour le dessin ou la création. L’un aura un caractère bienveillant, l’autre un caractère enthousiaste. Et en cela, les dons sont différents. Chacun des serviteurs reçoit une somme différente. Non parce que le Maître aurait une préférence mais parce que l’Evangile nous rappelle bien que Dieu donne « selon les capacités de chacun ».
Dans la première lecture, la « femme parfaite » du livre de la Sagesse est surtout une femme comblée des dons divins pour réaliser, selon les traditions de l’époque de l’écriture du livre, tout un ensemble de tâches du quotidien.
Ainsi donc l’Evangile de ce jour, frères et sœurs bien aimés, nous invite à faire le point… non pas sur nos péchés mais sur nos dons. Qu’est-ce que le Seigneur m’a donné ? En quoi suis-je vraiment doué ? Et peut- être à le dire aux autres. Des parents à leurs enfants : tu sais Bruno tu es vraiment doué en Ping Pong c’est chouette. Tu sais Camille je suis admiratif de ta manière d’organiser ton travail… Ce n’est pas pour nous gonfler d’orgueil mais simplement pour prendre conscience que ce don primordial de Dieu est immense ! Au fond : qu’ai-je que je n’ai reçu ? Si je suis doué pour faire telle ou telle chose c’est d’abord parce que le Seigneur m’a donné les capacités de le faire. Alors dès aujourd’hui, je peux lui rendre grâce pour mes dons et pour ceux de mes proches, surtout ceux que j’ai le plus de mal à aimer.
La paresse spirituelle et la peur de Dieu
Une fois que nous avons pris conscience de la grandeur du don de Dieu, il nous faut comprendre ce que pointe l’Evangile d’aujourd’hui. Il me semble qu’il s’agit d’une double erreur. Une erreur sur Dieu et une erreur sur nous-même.
L’erreur sur Dieu, c’est de voir Dieu simplement comme un Maître méchant et injuste. C’est un peu le problème du troisième serviteur : il a peur de Dieu. Il pense que le Maître ne lui fait pas vraiment confiance. Alors je crois qu’il nous faut nous sortir cette idée de la tête. Dieu n’est pas un homme dur qui rirait de nos échecs assit sur son petit nuage au ciel ! Il nous aime et veut que nous puissions développer ce qu’il y a de meilleur. « Je suis venu pour que vous ayez la vie et la vie en abondance ». Il veut que nous puissions tous entendre au soir de notre vie « entre dans la joie de ton maître »
L’erreur sur nous-même s’appelle la paresse. Ceux qui ont des enfants adolescents les accusent parfois (ou souvent) d’être un peu paresseux. Quant au travail scolaire par exemple ou au dynamisme général préférant le smartphone dans le canapé à d’autres activités plus exigeantes. Cependant, il serait à mon avis un peu facile de nous dire qu’arrivé à l’âge adulte la paresse n’existe plus, en particulier dans la vie spirituelle. Celui qui veut devenir champion de natation ira souvent dans le bassin Laure Manaudou de la piscine de Melun s’entraîner tôt le matin ou tard le soir. « Tu te nourriras du travail de tes mains, heureux es-tu ! A toi le bonheur ! » chantions-nous tout à l’heure. Et bizarrement, nous qui voulons être des saints (je me mets dedans) sommes souvent un peu comme le troisième serviteur de l’Evangile. Le trésor de notre âme reste enfoui au fond de la terre bien au chaud mais comme stérilisé.
Sortir de la paresse
L’Evangile nous invite donc en ce jour à sortir de la paresse. Comme dirait le pape François « quittez votre bon vieux divan pour un bon Dieu vivant ». Ou comme le disait la deuxième lecture « ne restons pas endormis comme les autres » de peur « que le jour du Seigneur ne nous surprenne comme un voleur ». En fait l’enjeu est le suivant : un jour, quand nous serons morts nous viendrons rencontrer le Maître divin et il nous demandera des comptes : j’avais mis en ton cœur une belle capacité d’écoute ? qu’en as-tu fait ? Je t’avais donné de nombreux amis ? Comment les as-tu fait grandir ? Je t’ai donné le baptême et la confirmation ? Qu’en as-tu fait ? As-tu laissé tout cela mourir simplement parce que tu étais un peu flemmard ?
Pour sortir de la paresse spirituelle il nous faut nous motiver et parfois nous donner des petits coups de pieds mutuels. Ayons les uns avec les autres de l’audace. J’ai décidé d’aller faire un tour à la veillée miséricorde vendredi prochain à St Aspais, pourquoi ne pas inviter un ami, ou entraîner mes parents ou mon mari ? Osons proposer des choses nouvelles pour développer les talents en vue du bien de tous. Cette bienveillante exigence nous aidera à faire grandir la communauté chrétienne et la vie divine en nos cœurs.
Pour sortir de notre vieux divan et de nos paresses, il nous faut essayer de poser des actes concrets et précis. Le démon adore nous faire prendre des résolutions fumeuses du genre « tu vas prier plus pendant l’Avent »… car « plus » cela ne veut rien dire. Pas plus que « maintenant je vais à la piscine pour me maintenir en forme ». Si nous voulons vraiment avancer (et je me mets dans le « nous ») nous devons être concrets. J’ai repéré tel talent, tel don que Dieu m’a donné. Et cette semaine, ce mois-ci, je vais faire cela de très concret pour le faire grandir. Je suis doué pour l’écoute ? Et bien je vais proposer mon aide 1 h par mois pour faire de l’écoute dans une association. Je suis doué en musique et si je travaillais un morceau pour telle occasion… concret, concret, concret !
Puisse en ce dimanche le Seigneur nous aider à développer tous les dons que nous avons reçu pour « la gloire de Dieu et le salut du monde » et entendre au soir de notre vie « serviteur bon et fidèle… entre dans la joie de ton maître ! »