Le Seigneur des Anneaux !

En nous faisant venir jusque dans cette belle île pour vos noces, vous nous donnez l’occasion de quitter nos comptés pour écouter avec vous la Parole de Dieu qui redonne vie. Il est un objet qui malgré sa petite taille convoque largement l’attention des fiancés durant la toute fin de la préparation au mariage : les alliances. Qui les apportera ? tu ne les as pas oubliées ? J’espère qu’elles sont à la bonne taille. Je ne sais pas  si vous vous êtes fait ces derniers jours des sueurs froides à propos de celles-ci mais il me semble important aujourd’hui de vous rappeler que l’inventeur du mariage, j’ai nommé Dieu lui-même, est en réalité le véritable Seigneur des Anneaux. C’est lui qui vous propose de pénétrer plus profondément dans le secret de l’anneau, non pas celui de Sauron, le Seigneur des ténèbres, mais celui de vos noces dont le secret se répand selon les trois volets de la Saga de Tolkien.

La communauté de l’anneau

La communauté de l’anneau est celle de votre couple par excellence. Dans quelques instants, par l’échange d’une parole, vous allez former dans quelques instants une communauté de bien et d’amour et votre vie en sera profondément changé. Je n’oserais pas devant tout le monde vous rattacher l’un et l’autre à un personnage de saga, bien que dans la famille de T. nous soyons plus proches de la taille des Hobbits que de celle des Elfes…

Cette communauté, vous la formez en raison de la liberté que le Seigneur des Anneaux, Dieu lui-même, vous a donnée. « Frères c’est à la liberté que vous avez été appelés » nous disait Saint Paul dans la lecture. Cette liberté est pour vous une chance immense : la chance de pouvoir vous dire l’un à l’autre : je décide, je te choisis, je me donne à toi. Mais cette liberté est aussi un risque, vous ne savez pas comment les choses évolueront dans l’avenir, et bien habile celui d’entre nous qui peut dire ce qui vous arrivera d’ici à vos noces d’or, que j’espère vous viendrez fêter à Bréhat le 9 septembre 2067. En vous engageant pour former cette communauté de l’anneau, vous décidez librement de vous donner l’un à l’autre, vous acceptez aussi d’être unis dans la joie de la fête comme dans la croix de l’épreuve. La vie conjugale, vous le savez bien n’est pas un long fleuve tranquille. L’aventure des Hobbits dans la saga de Tolkien présente des moments de liesses comme des moments de grandes détresses. Mais qu’est-ce qui sera votre lien et votre unité dans ces moments ? Certainement pas vos seules forces humaines qui ne résistent pas longtemps lorsqu’elles sont battues pas les vagues, mais la force que Dieu lui-même vous donne.  En effet cette communauté de l’anneau n’est pas une simple alliance bilatérale comme l’on négocierait un contrat pour coller des autocollants de personnalisation sur des voitures, ou un bail pour fonder un cabinet d’orthophonie, ici vous n’êtes pas deux… mais trois ! Dieu s’engage avec vous. En venant vous mettre devant cet autel en ce jour de septembre, vous venez dire à chacun d’entre nous que votre amour vient d’un autre. Que l’anneau que vous porterez dans quelques instants à la main, est en fait le signe de la présence, pour vous, de l’amour du Père dans votre union.

En échangeant devant Dieu vos alliances dans quelques instants vous dites au monde entier que votre mariage n’est pas un CDD !

Les deux tours

Le pays de l’amour dans lequel vous vous engagez à présent est dominé par deux tours que reflètent bien les textes que vous avez choisis. L’une est bonne et l’autre mauvaise. La première est la tour de garde : la tour de la fidélité et du don de soi. Il faut y entrer et y demeurer. La seconde est une tour d’ivoire : dominer par l’égoïsme et l’orgueil.

Pour l’heure, cela ne vous coûte guère d’être fidèle, votre amour transfigure notre assemblée et doit réjouir le cœur de vos parents et de vos proches. Mais au pays de l’amour, comme sur un voilier, les tempêtes peuvent venir plus vite que l’on ne le croit : il vous faut demeurer vigilant pour être bien connecté à la tour de garde et toujours vous éloigner de la tour d’ivoire. Pour demeurer fidèle dans votre amour vous aurez chaque jour besoin de renouveler en actes les promesses de votre mariage : « je me donne à toi pour t’aimer fidèlement tout au long de notre vie ». C’est le sens de l’Évangile que vous avez choisie pour nous aujourd’hui (et que l’on lit habituellement le mercredi des cendres pour l’entrée en carême) : il nous invite à la discrétion du don de soi et à la gratuité.

La discrétion du don de soi d’abord : le bien ne fait pas de bruit, le bruit ne fait pas de bien. Ce petit adage n’est pas un encouragement à quitter précipitamment votre joli appartement parisien pour vous installer dans la Creuse, mais plutôt le rappel que dans l’amour se nourri du don mutuel des époux. Au fond la question est la suivante : quand je fais telle action, quand je range la maison, quand je vais faire les courses, ou que je m’occupe des nombreux p’tit lu que vous ne manquerez pas d’avoir, est-ce que je le fais pour briller aux yeux des hommes ou pour être remercié de mon conjoint ? Le modèle suprême du don de soi c’est Jésus qui a donné sa vie sur la croix pour nous sauver.

La gratuité donc : l’un comme l’autre, comme chacun d’entre nous, avez besoin d’une certaine reconnaissance. Mais ce qui nourrit et fortifie de manière sûr votre amour conjugal, c’est la gratuité. Se donner à l’autre c’est choisir librement de cherche d’abord l’intérêt de l’autre avant les miens. La gratuité passe aussi, je crois, par des temps que vous accepterez de prendre au milieu de vos multiples activités, de votre travail ou bien des grandes préoccupations de vos enfants pour vous retrouver l’un et l’autre. Pour vous rappeler, au cours d’un WE à Venise ou d’un pèlerinage à Rome, qu’un après-midi de septembre, dans la petite Église de Bréhat, vous avez décidé d’engager votre vie l’un envers l’autre.

La gratuité et le don de vous-mêmes seront comme les deux remparts qui vous protègeront de l’attraction naturelle vers la tour d’ivoire et qui vous permettront d’être bien au chaud dans la tour de garde de l’amour conjugal.

Le retour du Roi

À la fin des temps le Roi reviendra. Et à la fin de votre vie vous aurez à la rencontrer. Car le véritable Roi, c’est le Christ et c’est lui qui jugera toute chose sur l’amour. Pourquoi ? Parce que tout simplement Dieu est amour. La vie éternelle à laquelle nous sommes appelés n’est rien d’autre qu’un mariage éternel. Une formule de la liturgie propose au prêtre de dire juste avant la communion « heureux les invités au festin des noces de l’Agneau ».  Ces noces sont celles du Christ et de l’Église.

Car, en réalité, si vous pouvez vous marier aujourd’hui, si vous pourrez être fidèle demain, si vous pouvez vous aimer d’un amour juste et droit ; c’est parce que le Christ a aimé l’Église et s’est donné pour elle sur la Croix, comme nous le redit Saint Paul dans l’épitre aux Ephésiens : « Et vous maris, aimez vos femmes comme le Christ aimé l’Église il a donné sa vie pour elle ». En mourant sur la croix, c’est à dire en s’oubliant soi-même, le Christ s’est constitué la plus belle des épouses : l’Église.  Vos noces de ce jour, aussi réussies qu’elles soient (et je pense que l’on peut remercier vos parents pour cela), ne sont qu’un pâle reflet de ces noces éternelles.  Plus encore par la grâce du sacrement du mariage, votre amour est comme déplacé, purifié, élevé pour être inséré dans l’alliance indissoluble du Christ et de l’Église.

En fait vos noces de la terre ne sont qu’un entraînement à vivre un amour plus grand au terme. Dans sa bonté, le Seigneur nous propose, dès ici-bas, de vivre des grâces de l’Alliance en puisant à la source de l’amour véritable qui est Dieu lui-même. Cette source vous savez où la trouver : c’est la grâce de la prière et celle des sacrements. Je sais qu’il n’est pas facile de prier à deux, et qu’il est sans doute plus facile de prier ensemble que de partager le lit conjugal et pourtant en « regardant ensemble dans la même direction » pour reprendre les mots de St Exupéry, en contemplant le Seigneur, vous verrez que vos liens prendront une profondeur nouvelle et plus belle.

Alors qu’en ce jour béni, le Seigneur bénisse en abondance votre union. Que ces anneaux que vous porterez au doigt vous aident à demeurer fidèle à la tour de garde en vous éloignant de la tour d’ivoire. Que la prière mutuelle et la fréquentation des sacrements vous aident à vous préparer au retour du Roi, le Christ, source de votre amour !