Dieu n’est pas un père fouettard !
« Dieu n’est pas un père fouettard » Voilà le message central de ce dimanche de l’année liturgique. Je pourrai presque arrêter mon homélie là, car l’essentiel aurait été dit.
Cela paraît anodin, mais si le livre de l’Exode, Saint Paul et l’Evangile insistent là-dessus, c’est peut être que dans nos cœurs, dans nos mentalités, sont ancrés une sorte de ritournelle, de préjugés que Dieu serait un Dieu vengeur, un Dieu qui nous punit pour nos fautes, un Dieu qui en fait ne nous aimerait pas vraiment. Du coup, lorsqu’il faut aller se confesser, c’est la panique à bord, l’angoisse… et le démon gagne presque à tous les coups, à ce petit jeu-là.
Pour illustrer cette tendance qui reste marquée au fond de nos âmes, j’aimerai vous raconter une petite anecdote. C’était lors des apparitions de la Sainte Vierge à Pontmain en Mayenne, en 1871. Marie apparaît au-dessus d’une grange à quelques enfants et au fur et à mesure de l’apparition, les enfants épèlent, lettre par lettre, ce qu’ils voyaient s’écrire dans le ciel, sous les pieds de la Sainte Vierge. Cela commence comme ça « Mais priez mes enfants, mon fils se laisse… ». Arrivées-là, les grandes personnes s’arrêtent et disent : « vous devez vous tromper, ce doit être : mon fils se lasse», mais au lieu de « mon fils se lasse » c’était «mon fils se laisse toucher ». Pourquoi toujours croire que Dieu est mécontent ? Que Dieu est vengeur ?
Je vous le promets, le visage de la paroisse et de votre vie serait changé, si chacun d’entre nous était convaincu, du fond de son être, que le Christ est d’abord Sauveur. « Je suis venu pour que par moi, le monde soit sauvé » nous dit le Christ. Il n’y a pas d’autre chose à chercher en Dieu. Dieu est bon, infiniment bon. Miséricorde, infinie miséricorde.
Le problème de fond, c’est que nous regardons Dieu à la lumière de notre propre cœur et que nous avons parfois dans le cœur, comme une méfiance mutuelle permanente.
La joie de Dieu dans la conversion d’un pécheur
« Dieu n’est pas un père fouettard », parce qu’il se réjouit de notre chemin de conversion. Nous connaissons par cœur cet Evangile, que nous appelons à tord, celui de l’Enfant prodigue. Je préfère l’appeler celui du Père miséricordieux. Car c’est cette figure de père, qui est inouïe. Voilà un Père qui lorsque son fils lui demande l’héritage, il le donne sans rechigner, il va jusque partager sa propre vie. Voilà un père qui, sachant son fils parti loin de lui, loin de la source de la joie, l’attend toujours sur le seuil de la porte. Voici un père qui quand le fils revient, honteux et ruiné, l’accueille, non pas avec des reproches, mais en le serrant dans ses bras. Non pas dans la tristesse, mais dans l’allégresse. Non pas avec une correction, mais avec le veau gras. Ce Père-là, c’est l’image du Père des cieux. Qui, d’entre les hommes, lors que nous nous sommes éloignés de lui, nous attend sur le pas de la porte de chez lui, pour nous y accueillir ? Qui, avec ses myriades d’ange, est en fête, quand un pécheur revient ? « Il y a de la joie chez les anges de Dieu, quand un seul pécheur se convertit ».
Les amis, sommes-nous vraiment conscients de cela ? Chaque fois que je vais me confesser, avec un lourd fardeau ou des péchés moyens, lambdas, habituels, je fais la joie de Dieu. Chaque fois. J’aimerais que nous en ayons tous vraiment conscience, en ce dimanche : j’ai dans ma main le pouvoir de faire la joie de Dieu. Non pas en récitant le chapelet, non pas en étant gentil avec mon frère ou mon fils… mais en allant me blottir vers sa miséricorde.
La miséricorde de Dieu … littéralement, ça veut dire le cœur qui aime la misère. Etrange tout de même : très loin du Père fouettard ! Dieu aime notre misère, quand nous lui donnons. Il n’aime pas la misère en tant que telle, mais il aime notre cœur qui se tourne vers le père.
La joie de pardonner
« Dieu n’est pas un père fouettard » pour qu’à notre tour nous ne le soyons pas. Avons-nous la même joie, frères et sœurs, quand nous offrons notre pardon. Car si Dieu nous fait miséricorde, ce n’est pas pour en profiter juste pour nous-même, mais c’est pour que nous puissions à notre tour être des miséricordieux. Nous nous étonnons et nous agaçons souvent du péché d’autrui. De l’impatience de maman, de la paresse de l’ado, de la jalousie de la petite, et du manque d’ordre du papa… Avons-nous la même joie lorsque l’un de nos proches vient nous demander pardon ? Ou lorsque nous avons même à donner un pardon à celui qui ne l’a pas demandé. C’est difficile, bien sûr. Héroïque parfois. Mais nous pouvons compter sur la présence aimante du Seigneur, du Miséricordieux. Chaque fois que je suis tenté de me mettre en colère, de m’enfermer sur l’offense qui m’a été faite, je peux regarder le Seigneur qui renonce au châtiment, et qui fait miséricorde. Je peux me souvenir, comme Saint Paul « qu’il m’a fait miséricorde ». « qu’il m’a montré tout sa patience ». C’est un travail long et délicat, mais si beau. Non seulement recevoir le pardon de Dieu et faire ainsi la joie dans le ciel, mais encore faire la joie de mes frères, en les accueillant avec la même bonté du Père. Le célèbre tableau du Père Miséricordieux, peint par Rembrandt, nous donne quelques pistes sur cet accueil plein de douceur et de miséricorde.
Cette semaine, chers amis, deux pistes concrètes pour avancer. D’abord, n’irions-nous pas noter dans notre agenda la date de notre prochaine confession ? N’irions-nous pas prendre rendez-vous avec un prêtre pour recevoir le pardon ?
Ensuite, n’ai-je pas tel ou tel proche dans ma famille, à qui je dois pardonner ou à qui je dois demander pardon ? N’est-ce pas le moment favorable pour faire éclater la lumière de la miséricorde sur nos vies ?
Heureux sommes-nous si nous le faisons : la face de notre vie en sera changée ! Car Dieu n’est pas un père fouettard, il est un père tendre et miséricordieux : osons le croire !