Le carême : le chemin du port au ciel
Dans notre vie chrétienne le Carême n’a pas bonne presse. Pour les uns il est un temps de Régime gratuit, meilleur encore que comme j’aime pour perdre du poids. Pour d’autre c’est une véritable torture, imaginez 40 jours sans nutella ou sans alcool. Pour d’autres encore c’est le Radaman des chrétiens mais en moins médiatique, avez vous déjà vu le journal de TF1 faire sa une sur une poignée de gens un peu exaltés qui ressortent d’une église avec une tâche de cendre sur le front ??
En fait pour comprendre le vrai sens du Carême il nous faut écouter l’oraison d’ouverture de cette messe… pour ceux qui ont la mémoire courte ou qui étaient un peu distrait, je vous la relis : « Accorde-nous, Seigneur, de savoir commencer saintement, par une journée de jeûne, notre entraînement au combat spirituel : que nos privations nous rendent plus forts pour lutter contre l’esprit du mal. ». Ainsi donc le vrai sens du Carême est celui d’un entrainement. Comme les grands sportifs, nous avons besoin de nous entraîner longuement pour pouvoir gagner le combat. Mais ne nous trompons pas de combat. Si l’Église en ces temps est secouée par des scandales et des attaques terribles, relayée de manière plus ou moins juste par les médias, comme nous le rappelle notre évêque et le pape, le combat que nous devons mener est bien d’abord un combat spirituel. « Revenez à moi de tout votre cœur » nous crie Joël, le prophète. Revenir à Dieu ? Nous sommes déjà à la messe c’est pas mal non ? Revenir vers Dieu cela veut dire se mettre en marche, ou devrais-je dire en guerre contre ce qui nous éloigne de Dieu : j’ai nommé le péché. « Oh là là, le vilain mot, le père a dit « péché »… on ne peut plus parler de péché au 21èmesiècle alors que nos églises se vident, il faut parler d’amour et de joie !. Et pourtant, nous l’avons entendu dans le psaume : « pitié mon Dieu dans ton amour, selon ta grande miséricorde, efface mon péché , lave-moi tout entier de ma faute »… Les péchés terribles de quelques-uns qui resplendissent au grand jour doivent être pour nous d’abord une invitation à la conversion personnelle . Car si nous sommes un peu honnêtes, il faut l’avouer, le péché est une réalité qui nous concerne tous. Et ce jour, le Seigneur nous dit « reviens ». Comme un bon père de famille, une bonne mère de famille il veut le meilleur pour ses enfants. Il veut donc que nous grandissions dans la vie avec lui. Et pour revenir vers lui, nous avons… 40 jours !
Pour nous aider à comprendre, n’hésitons pas à prendre une petite parabole maritime. Bien que l’océan ou la Manche soient un peu loin, nous nous transporterons par l’imagination jusqu’au port du Havre.
Imaginez donc que vous êtes capitaine d’un beau bateau de pêche que vous venez d’acquérir. Il est beau et neuf, et vous avez décidé de vous lancer dans une saison de pêche en Atlantique Nord pendant plusieurs mois. Au fil des semaines, les vagues frappent la coque, le sel se dépose, les coquillages se collent ça et là, des algues et les autres saletés des profondeurs se prennent dans les filets et se déposent sur le bateau. Plus la campagne avance et plus le bateau est ralenti par tout cela. Du coup, en bon capitaine, de retour au port vous déposez votre bateau chez un professionnel pour qu’il fasse un petit carénage : on gratte les coquillages, on fait un coup de peinture, histoire de gagner en performance et on repart comme neuf pour que le bateau soit prêt pour une nouvelle campagne.
Et bien, frères et sœurs bien aimés, le carême c’est pour nous le temps du Carenage Spirituel. Quarante jours pour se remettre à flot, pour préparer nos âmes et repartir de plus belle. Tout au long de l’année on laisse s’accumuler dans nos vies des petits grains de sable et des grosses saletés qui gênent notre marche vers le ciel à la suite du Seigneur. De fil en aiguille notre prière se fait plus distante et moins fidèle, nous nous mettons à être moins charitables, plus centrés sur nous-même… c’est ça, le péché qui nous ralentit. Vous voyez bien qu’il nous coupe rarement d’un coup… mais petit à petit notre hors-bord peut devenir un petit coucou à voile qui peine à avancer jusqu’au rivage du ciel.
Du coup le Seigneur, en partant 40 jours dans le désert, et après lui la Sainte Eglise, notre mère, nous offre, gracieusement un temps de carénage spirituel.
Concrètement, le Seigneur nous donne dans l’Évangile trois armes imparables voir même quatre.
Il ne s’agit pas de manier du grattoir avec précision ou d’aller chez Castorama acheter du papier de verre.
La prière, elle, redonne du carburant et de l’élan à mon bateau. Elle me permet de mieux communiquer avec le port, ou devrais-je dire, le ciel. La prière c’est l’adoration, le chapelet, la confession. Si je ne prie pas beaucoup en dehors du dimanche, pourquoi ne pas essayer de chaque jour prendre ne serait-ce que 2 min par jour… c’est même pas un 700ièmede ma journée !
Le jeûne : faire le tri dans le matériel permet de repartir plus léger pour une nouvelle tournée. Vous le savez bien, dans une maison il faut de temps en temps ranger, faire le tri jeter. Pendant le carême, voilà le « moment favorable », pour reprendre l’expression Paulinienne, pour faire le tri dans notre vie. Dans le jeûne il y a plusieurs excès : le premier, c’est confondre le jeûne avec le régime « Comme j’aime » dont on entend les pubs à la TV. Jeûner pour un chrétien ne consiste pas à perdre des kilos pour rentrer dans telle robe le jour de Pâques. Jeûner ce n’est pas non plus dire « allez je me prive de chocolat pendant le carême… alors que je n’en mange déjà jamais ». Jeûner c’est choisir de maitriser ses sens, pour se recentrer sur le Seigneur. On peut jeûner de bavardage, on peut jeûner de sortie, jeûner d’internet, jeûner de TV ou que sais-je… en tout cas, ce qui nous éloigne de Dieu. Car vous l’avez compris: le but du carême n’est pas de se priver pour se priver. Il s’agit de créer un vide qui deviendra un espace d’accueil aux autres et au Seigneur
Enfin, la charité, le partage. C’est l’outil qui nous permet de comprendre que je ne suis pas le seul chalutier dans le port. Et que si j’aide aussi mes voisins de carénage, en réalité, je dilate mon cœur, j’apprends à aimer à nouveau. Autrement dit, le partage pendant le carême m’aide surtout à me décentrer de moi-même et à aimer un peu mieux, c’est à dire pas non pas à la manière des hommes mais à la manière de Dieu.
A cela, il faut ajouter une dernière arme, qui est tout à la fois le karcher, le grattoir et la peinture, l’arme qui permet de faire de mon cœur un cœur neuf et beau pour la nuit de Pâques : la confession. Sans elle le carénage du carême, nos efforts de jeûne, de prière et de partage risquent de rester des œuvres humaines et fades. Nous confesser, c’est plonger tout entier dans l’amour de Dieu pour retrouver la fraicheur de son baptême.
Bien chers frères et sœurs, « Le voici maintenant le moment favorable, le voici maintenant le jour du salut. » N’hésitons plus, en ce premier jour de carême, entrons humblement dans ce temps de grâce en reconnaissant que nous avons bien besoin d’un petit ou d’un gros carénage pour retrouver la splendeur baptismale. Demandons au Seigneur de le désirer et la force de l’accomplir par la confession, la prière, le partage et le jeûne. Amen