Confiance et radicalité

Un jour Jésus monta dans une autre barque au bord du lac. Elle appartenait à un homme, un pêcheur, appelons le Achaz. Quand Jésus eut terminé sa prédication, il s’adressa à l’homme et lui dit : « Avance au large et lâche tes filets pour pécher ». Mais Achaz répondit avec force : «  Ecoute maître, tu es un super prédicateur, tu parles bien du Royaume de Dieu, mais niveau pêche dans la famille on est expert depuis quatre générations. Donc aujourd’hui, moi je te dis que c’est un jour où le poisson est parti se cacher… donc je vais pas perdre du temps à retourner au large après avoir passé une nuit sans rien prendre »… C’est le récit d’une vocation ratée. Jésus n’a pas pu l’appeler et n’a pas pu lui montrer sa gloire.

Confiance ! 

Quelle différence avec Saint Pierre ? Eh bien Pierre fait confiance. Sans hésiter. Lui aussi connaît son métier, lui aussi est pêcheur depuis plusieurs générations, mais il sait, il comprend que se dégage de Jésus quelque chose de différent. Il ne fait pas confiance parce que c’est logique, parce que ça semble pertinent sur le plan de la pêche, il fait confiance parce que c’est Jésus qui le demande.  

Isaïe, dans la première lecture fait aussi confiance à Dieu qui l’envoie. Bien sûr il reconnaît, tout comme Pierre, qu’au plan humain ce n’est pas logique. Il reconnaît qu’il n’a pas les qualités requises, il n’a pas le bon « CV » pour devenir le prophète du Dieu trois fois saint : « Malheur à moi, je suis perdu, car je suis un homme au lèvres impures ». Il a conscience du décalage qui existe entre sa vie actuelle et l’appel de Dieu. Il comprend que celui qui l’appelle n’est autre que le Dieu tout-puissant, le créateur. 

En langage chrétien la confiance à un autre nom. C’est la foi. Isaïe comme Pierre considèrent que la Parole de Dieu est plus importante que leurs raisonnements humains. Ils se disent que si Dieu le demande alors c’est quelque chose de juste et de bon pour eux. Non qu’ils abdiquent leur raisonnement ou leurs aptitudes, Pierre lui-même se défend, fait valoir son expérience, mais plutôt ils considèrent que si le Seigneur leur demande c’est qu’il y a quelque chose de bon pour eux. 

Radicalité 

Dans notre propre vie chrétienne nous manquons parfois de cette confiance. Cela se caractérise souvent par un manque de radicalité dans notre foi. Nous sommes parfois tentés de faire le tri dans la Parole ou dans le commandement de Dieu. On se croit parfois au supermarché dans la vie spirituelle : «  L’enseignement sur la Trinité pourquoi pas », « Dieu amour » oui, certainement je prends, « péché » ah non, ça c’est pas bien, c’était avant qu’on parlait de péché, « le curé qui me dit telle ou telle chose sur ma vie affective » ça certainement pas, c’est privé, ou encore « mon comportement au travail, ça c’est pas lié à ma foi ». On voudrait n’être chrétien que dans les domaines qui nous arrangent. Saint Pierre aurait pu répondre comme Achaz, « écoute Jésus occupe-toi tu royaume moi je gère la pêche ». 

On voudrait parfois être chrétien avec des compromis : « mon père vous comprenez c’est notre culture familiale cela » « ah oui enfin ça, ce n’est pas très important » « c’est une habitude chez nous ». 

L’appel du Christ, son interpellation, nous demande à tous une réponse radicale. Cette notion fait peur elle est pourtant au cœur de la vie chrétienne. Frères et sœurs bien-aimés on ne peut pas être chrétien à moitié. L’appel du Seigneur englobe toute la personne. 

La vie chrétienne, ce n’est pas de l’eau tiède, qui ne serait ni vraiment chaude, ni vraiment froide. L’Évangile, si nous osons l’écouter de tout notre cœur, c’est une véritable eau chaude, une eau qui réchauffe le cœur mais hélas c’est souvent nous qui y mettons l’eau froide de notre manque d’amour et d’écoute. 

Mais il n’est jamais trop tard pour suivre vraiment la Parole du Seigneur. Saint Paul est un bel exemple de cette radicalité de l’Évangile il dira dans l’épître aux Philipiens en parlant de sa vie passée : « Mais tous ces avantages que j’avais, je les ai considérés, à cause du Christ, comme une perte. Oui, je considère tout cela comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. À cause de lui, j’ai tout perdu ; je considère tout comme des ordures, afin de gagner un seul avantage, le Christ »

Avance au large ! 

Avons-nous cette même audace frères et sœurs bien-aimés ? Nous venons à la messe le dimanche voire même peut-être en semaine, c’est beau. Mais faisons-nous vraiment confiance à Dieu ? ou bien est-ce que nous avons encore l’image d’un Dieu qui fait peur ? Ou d’un Dieu qui serait à côté de ma vie concrète ? Osons-nous lui répondre avec toute notre vie? Pas simplement les aspects qui nous arrangent mais toute notre vie. C’est la beauté de la réponse de Pierre, d’Isaïe et de Paul : elles sont entières, pleines, sans détour, sans hésitation. « Envoie-moi », « sur ta parole je vais jeter les filets ». Sans regarder en arrière, sans tergiverser pendant des heures. 

En faisant confiance à Dieu, en lui répondant par ses actes de manière radicale, Pierre découvre une vie nouvelle. C’est parce qu’il a fait confiance à Dieu en tout, et en particulier sur la pêche, qu’il va découvrir un appel nouveau : non plus pêcher des poissons, mais être pasteur pour les hommes. Finalement Saint Pierre est passé d’une petite vie de pêcheur sur le bord du lac à premier Pape… pourquoi ? simplement parce qu’il a lâché prise, parce qu’il a laissé la Parole de Dieu vraiment agir sans sa vie. 

Avance au Large, Duc In Altum, pour Pierre c’est aller au-delà de son petit cercle connu, de ses petites habitudes, de sa vie tranquille. Quand je rencontre des gens qui découvrent la foi chrétienne, je suis frappé de voir combien cette foi vient les ébranler, vient changer en profondeur leur vie. Chrétiens, mes amis, n’ayons pas peur de la radicalité de l’Evangile. N’ayons pas peur de redevenir des découveurs de la foi ! Avancer au large pour nous, c’est quitter notre petit train-train, nos petits habitudes mortifères pour nous plonger vraiment dans l’Evangile. 

Avance au large, pour toi, en ce dimanche matin, c’est choisir le Christ, et le choisir vraiment. Il passe en ce matin, en cette messe, il te demande de le suivre, d’écouter sa parole. Tu peux comme Pierre lui faire confiance, tu peux comme Achaz te moquer de lui. Ose une réponse radicale, rapide, forte. Répond par les actes de ta vie : abandonne dans ta vie ce qui ne porte pas de fruit, tu découvriras une pêche nouvelle, une pêche qui porte un fruit de joie, une pêche où c’est le Seigneur lui-même qui remonte ton filet.

N’aie pas peur ! Confiance, lève-toi, il t’appelle.