Ruminants !
Petite discussion de sortie de messe :
« -Après tout c’est un peu agaçant, vous ne trouvez pas? Chaque année on nous sert la même sauce : lettre de Saint Paul aux Corin je sais plus quoi, un psaume bizarre qui semble un peu éloigné de la civilisation moderne dans laquelle nous sommes, un mystérieux « Esdras » qui lit un livre alors qu’aujourd’hui, la modernité, c’est le tweet ou le snap, et je ne vous parle pas des Évangiles qu’avec les années on finit par connaître par cœur. »
-Je suis d’accord avec vous. Franchement, il faudrait être un peu plus moderne, je suis sûr que ça attirerait bien plus de monde à l’Eglise. On pourrait lire un extrait du dernier Houellebecq ou de Gandhi? Et puis on pourrait faire rimer année A avec Aznavour, année B avec Big Flo et Oli, ou année C avec Calogero ou Céline Dion. Cela dit, comme aujourd’hui il y a les scouts, on pourrait aussi lire un extrait de la loi scoute : ce serait sympa pour eux
-Moi je crois que pour l’Evangile on pourrait plutôt prendre un extrait du dernier Gala ou Closer… »
Imaginez un peu que le prêtre chante : « bonne nouvelle de Omar Si selon Gala », et je vous lirais quelques ragots croustillants…. Non cela ne tient pas debout, ce serait le dessèchement spirituel, la mort de l’âme.
La Parole de Dieu : une parole de Vie, une parole actuelle
Frères et sœurs bien aimés, si vous êtes dans cet Église ce matin, c’est que vous avez compris dans votre cœur que les lectures de la messe étaient plus qu’un simple divertissement.
Depuis les temps les plus anciens, le peuple de Dieu médite la Parole de Dieu comme nous le rapporte le livre d’Esdras ! Pourquoi? Parce que c’est ainsi que Dieu se fait connaître à nous. Imaginez un jeune qui rencontre une belle jeune fille dans une soirée. Avec un peu d’audace, il va essayer d’échanger avec elle son adresse postale s’il est vraiment romantique, son snap sinon… pour pouvoir la lire, pour dialoguer avec elle et ainsi, peut-être, construire une relation d’amitié puis d’amour solide. S’il se contente de rester à distance sans jamais lui adresser la parole… ou sans jamais l’écouter… peu de risque que cela aboutisse. Et bien avec Dieu c’est exactement la même chose : Dieu vient à notre rencontre à chaque messe, il nous adresse un message d’amour… si nous voulons y être attentif. J’entends souvent « Mon père, comment est-ce que je pourrais parler avec Dieu que je vois pas et j’entends pas? ». Eh bien chers amis, j’ai une comparaison très claire à vous offrir en ce jour : se plaindre du silence de Dieu alors que notre Bible est fermée, c’est comme se plaindre de ne pas recevoir de texto alors que notre téléphone est éteint.
Si à la fin d’Évangile nous chantons : « acclamons la Parole de Dieu », c’est pour confesser que la parole de Dieu, et en particulier celle portée par l’Ecriture Sainte, est le meilleur moyen pour connaître Dieu. L’Évangile est le moyen le plus simple et le plus sûr de connaître Jésus-Christ, pour une simple et bonne raison : c’est le moyen qu’il a voulu pour se faire connaître. Jésus n’a rien écrit lui-même. Il a laissé cette tâche à ceux qui ont été témoins : il a donné à saint Luc, à saint Marc, à saint Matthieu, à saint Jean l’assistance de l’Esprit Saint, pour que cette parole ne soit pas seulement une parole d’Homme (comme celle du dernier chroniqueur de Closer ou du dernier Harry Potter) mais une parole inspirée, une parole qui acquiert ainsi l’autorité et la solidité de celui qui l’inspire : Dieu lui-même.
Ruminer la Parole pour en faire ma vie
Face à cette Parole, frères et sœurs bien aimés, j’aimerais que chacun d’entre nous puisse faire ressortir le côté bovin qui est en lui. Je ne suis pas un expert de la biologie animale mais je sais que les vaches passent leur journée à mâcher de l’herbe pour parvenir à bien la digérer. Il convient de devenir des ruminants de la Parole de Dieu, pour pouvoir dire comme Esdras que la « joie du Seigneur est notre rempart ». Avec la Parole de Dieu, pas de risque que le goût disparaisse au bout de 10 min comme lorsque l’on mâche un chewing-gum.
Quand, en lisant ou en entendant la Parole de Dieu, vous êtes touchés : c’est-à-dire heureux, enthousiasmé, ou au contraire interpellé, c’est bien souvent Dieu qui vous parle. J’ai moi-même fait cette expérience en retraite il y a une dizaine d’années. Je méditais, lors d’un temps de prière, le passage où le Seigneur est ému car il voit une foule d’homme : « ils sont comme des brebis sans berger ». J’avais entendu des dizaines de fois ce passage. Mais ce jour-là, Dieu interpella mon cœur, comme un message personnel : « tu peux être mon berger dans cette foule perdue ».
Le risque pour les chrétiens que nous sommes, c’est de nous dire : « c’est bon ça, je connais par cœur », donc sans forcément en avoir conscience, de fermer notre cœur à la parole de Dieu pour aujourd’hui. Il nous faut demander cette grâce aujourd’hui : faire confiance à Celui qui a écrit cette Parole, faire confiance à l’Eglise qui nous la transmet fidèlement depuis 2000 ans, et surtout faire confiance à l’Esprit Saint qui peut lui faire porter du fruit dans ma vie aujourd’hui. Dieu a un message pour moi aujourd’hui.
Prier avec la Parole en famille ou personnellement
Concrètement, il nous faut nous entraider les uns les autres à devenir des ruminants de la Parole de Dieu. Je vous propose donc un défi pour la semaine : en couple, seul, en famille, en patrouille scoute, entre bande d’amis : lire chaque jour l’Évangile du jour. Avec nos smartphones, c’est très facile : il y a plein d’applications pour cela. Dans le Bus, dans le Métro, à genoux au pied de son lit ou en famille : écouter Dieu qui nous parle pour aujourd’hui. Lire à haute voix, prendre un moment de silence laisser raisonner cela dans mon cœur : qu’est-ce que cela me rappelle de ma vie? Est-ce que cela rejoint une situation concrète? Cela me donne de la joie? Ensuite, confier une intention ou parler au Seigneur, dans son cœur ou à haute voix. Voici déjà une belle manière de prier. Et j’insiste sur le fait qu’à n’importe quel âge, c’est possible. Alors oui, vous ne comprendrez pas toujours, oui, il y a des jours où ce sera super et d’autre plus obscur, mais qu’importe : vous écouterez Dieu qui veut, par sa parole, vous délivrer une lettre d’Amour.
Peut-être que cela change un peu vos habitudes de prière, vous me direz peut-être : « dans notre famille, on fait 3 Pater et 2 Ave, puis au lit ». C’est bien de prier ainsi, mais c’est encore mieux de laisser Dieu me parler d’abord, puis ensuite de m’adresser à lui. Pour que la prière soit un dialogue d’Amour, et pas seulement un monologue.
Puissions-nous, chers amis, devenir en ce dimanche de vrais ruminants, des ruminants de la Parole de Dieu, et dire avec Saint Pierre : « À qui irions-nous, Seigneur ? Tu as les paroles de la vie éternelle ».