Coup de Foudre à Tibériade !

Cela se passe dans le grand Londres de la fin des années 1990. Une femme, belle, célèbre, actrice de cinéma, entre dans une librairie de quartier tenue par un homme sans succès. L’homme, ébahi par la beauté et le charme de cette femme, vit un véritable coup de foudre, réciproque, qui se conclut par un baiser. Le film réunit une actrice américaine, célèbre dans les années 1990, qui a même reçu un Oscar pour un autre film, et un acteur anglais, spécialiste des comédies romantiques… Vous avez reconnu le film… Coup de Foudre à Notting Hill. En ce dimanche où nous accueillons les fiancés de la paroisse, l’Évangile du jour pourrait être renommé « Coup de Foudre à Tibériade ». En quelques instants, Jésus arrive, fait jeter les filets et voici que les premiers disciples se mettent à le suivre. Ils ont changé de vie. En un instant ils sont passés de pêcheurs du lac de Tibériade, à disciples de Jésus. 

La foi est une confiance de l’amour

Voilà donc que Jésus débarque sur les bords du lac, aperçoit deux barques, se dit que ça pourrait l’aider, et voici que les pêcheurs du lac lui font confiance. Ils ne le connaissent pas encore très bien… Ils sont loin, sans doute, loin de notre mentalité urbaine occidentale où nous nous méfions les uns des autres. Car la foi comme l’amour, c’est d’abord une question de confiance. Pour se marier, et nous avons parmi nous une trentaine de couples qui se préparent au mariage, il faut se faire confiance. On ne peut pas vivre toujours dans l’inquiétude que l’autre va nous tromper, que l’autre va nous cacher quelque chose. L’amour, tout comme l’amitié est d’abord une relation de confiance et d’affection réciproque. La foi ce n’est pas autre chose. Dieu offre à l’homme une relation personnelle. Dieu se revèle à nous, comme celui qui nous appelle à le suivre. Quand on s’aime on veut petit à petit choisir de vivre ensemble. On se rapproche, on passe du temps ensemble, on se découvre. Et plus les amoureux se découvrent, plus ils se connaissent en profondeur et plus leur amour est solide. C’est tout le sens des fiançailles. Plus je te connais, plus je sais tes qualités et tes défauts, plus je peux te choisir et te faire confiance. 

La foi est dans le même ordre d’idées. Sauf que l’autre personne n’est pas mon conjoint ou mon futur conjoint, mais Dieu qui se révèle à moi, Dieu qui vient à ma rencontre et qui m’interpelle : « Acceptes-tu de me faire confiance ? Parce que moi, Dieu, je t’aime, parce que tu as du pris à mes yeux et que je t’aime. ». C’est ce que l’on voit dans la première lecture. Isaïe, le prophète se sent bien indigne de porter la parole du Seigneur, il n’a pas le CV idéal : « Je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures ». Ce qui est décisif pour lui, c’est qu’il choisit de faire confiance au Seigneur, de laisser guérir, de se laisser envoyer. Pour avoir la foi, pour être chrétien et vivre de Dieu, nul besoin d’être un super-héros de l’Église, mais simplement comme Pierre ou Isaïe de choisir la voie de la confiance ! 

L’amour n’est pas d’abord rationnel, il est radical 

On nous dit parfois qu’il n’est pas raisonnable, au sens de rationnel, de croire en Dieu. Que les croyants sont finalement comme des superstitieux qui se rattachent à quelque chose pour vaincre leurs peurs. Était-il raisonnable pour Pierre de jeter les filets à nouveau ? Dans l’affaire, le pêcheur expérimenté, c’est lui. Il connaît son métier, il sait comment il faut faire. Des années de pratique, sans doute de génération en génération. Et voici qu’un prédicateur itinérant qu’il a rencontré quelques jours avant semble lui dire des balivernes. Il devait donc se dégager quelque chose de spécial de la personne de Jésus pour que le bon saint Pierre, spécialiste de la pêche, accepte une telle directive. Ce n’est finalement pas si différent des folies que font certains amoureux pour se retrouver seulement quelques heures. J’ai déjà vu des étudiants sans le sou, parcourir en stop la moitié de la France pour passer à peine 24h avec leur bien aimée, quand ce n’est pas la moitié de l’Europe. Pierre, d’ailleurs, dans l’Évangile, confesse cette folie : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur ta parole, je vais jeter les filets. ». Cette folie n’a d’autre appui que la relation qui se dessine entre eux. L’appel du Christ, son interpellation à la foi, nous demande à tous une réponse radicale. Cette notion fait peur, mais elle est pourtant au cœur de la vie chrétienne. Frères et sœurs bien aimés, on ne peut pas être chrétien à moitié. L’appel du Seigneur englobe toute la personne. La vie chrétienne ce n’est pas de l’eau tiède, qui ne serait ni vraiment chaude, ni vraiment froide. L’Évangile, si nous osons l’écouter de tout notre cœur, c’est une véritable eau chaude, une eau qui réchauffe le cœur, mais hélas c’est souvent nous qui y mettons l’eau froide de notre manque d’amour et d’écoute. 

La foi est une réponse concrète

Car la foi comme l’amour implique des actes concrets. Pierre fait confiance à Jésus en jetant les filets. Celui d’entre nous qui dirait à son conjoint « je t’aime » mais sans décoller ses fesses du canapé, sans concrètement incarner cet amour, n’aimerait pas véritablement. Car aimer c’est se donner. C’est donner sa vie pour l’autre. De la même manière, celui qui dit au jour sa profession de foi, ou chaque dimanche « je crois en Dieu », mais qui ne convoque la présence de Dieu que pour l’enterrement de ses proches et pour Noël ou pour Pâques ressemble à un homme qui ne verrait sa femme que 4 jours par an. Que dirait-on de son amour ? Car la foi, chers amis, c’est quelque chose de très concret. Aimer son époux ou son épouse demande de passer du temps avec lui. Avoir la foi, faire confiance à Dieu, exige de passer du temps avec lui. Pour Pierre c’est la même chose. Le poisson ne saute pas spontanément dans la barque, il faut que Pierre prenne le temps de jeter les filets, qu’il fasse cet effort-là. Il faut qu’il consente à ce que Dieu vienne féconder son acte de confiance. Il le fait en abondance, voire en surabondance. Pierre aurait pu rester sur le bord du lac et ne rien faire. Avoir la foi c’est poser des actes concrets de réponse à la parole de Dieu. Voulons-nous, comme Pierre, goûter la vie en abondance ? Que nos efforts soient récompensés en surabondance ? Alors, en ce dimanche, le Seigneur convoque notre foi, c’est-à-dire notre amour pour lui. En vous préparant au mariage chrétien, en voulant que Dieu soit au centre de votre couple, vous dites au monde entier : nous voulons faire confiance à Dieu, nous voulons qu’il féconde notre amour en surabondance.

Frères et sœurs bien aimés, en ce dimanche le Christ vient nous rencontrer, et cette rencontre peut changer notre vie si nous acceptons qu’il monte dans notre barque, si nous acceptons de lui faire confiance. Notre vie ne foi n’est pas forcément un coup de foudre à Tibériade ou à Notting Hill, mais soyons bien convaincus que la foi est un chemin d’amour et de joie. Osons le croire.