Des vœux pour une nouvelle Anno Domini !
D’ici quelques minutes [hier soir], dans un décompte infernal, prêts à dégainer une bouteille de champagne, des milliards d’hommes à travers le monde vont fêter / ont fêté la nouvelle année. Comme chrétien, on peut s’offusquer du côté commercial et parfois un peu paillard de cet évènement. Un événement qui semble être pour certains l’occasion d’une grande beuverie collective plutôt que d’honorer la grâce du temps qui passe.
Anno Domini : Deo gratias !
Car célébrer la nouvelle année, c’est d’abord célébrer une année donnée par le Seigneur. Autrefois on faisait précéder le numéro de l’année par le terme « Anno Domini », « l’an du Seigneur ». À un double titre. D’abord parce que nos années qui s’égrainent débutent avec l’incarnation de Jésus. Nous n’y faisons pas attention mais c’est pourtant une réalité fondamentale de notre culture chrétienne occidentale. Chaque an qui passe nous rappelle que nous comptons les années à partir de la crèche. À chaque fois que nous célébrons une nouvelle année nous nous rappelons qu’elle nous est donnée par Dieu. Le temps est un don que Dieu nous fait. Et la vie chrétienne et religieuse est marquée par des fêtes. La fête est ainsi une réalité profondement chrétienne. Jésus lui-même n’a cessé de vivre des temps de fête : Pâques, la fête des tentes, les jubilés. Ces fêtes viennent ponctuer notre temps pour nous permettre de le vivre d’une manière plus intense ou de prendre conscience d’un bienfait particulier. Au début d’une nouvelle année (ou à la fin d’une autre), il est bon de nous demander ce que Dieu nous a donné au cours de l’année précédente. Il est bon de rendre grâce — c’est le sens du mot Eucharistie — pour l’année écoulée, et donc de la regarder sous le regard de Dieu. Notre esprit bien français et un peu critique pourrait nous dire que 2021 ne nous a apporté que variants, confinements, restrictions ou projets de loi controversés. Et pourtant, il nous faut rendre grâce pour tout ce qui a grandi dans nos vies. Nos nouvelles amitiés tissées. Nos capacités à rebondir de telle ou telle épreuve, pour les étudiants la réussite à leur examen, pour les plus âgés l’accueil d’enfants ou de petits-enfants… Rien que dans la paroisse, quelle croissance en 2021 : les maraudes, la messe des jeunes, des groupes de réflexions pendant le carême, des messes Rorate avec plusieurs centaines de personnes, de nombreux mariages et baptêmes, des enfants catéchisés, l’Évangile qui se répand dans notre quartier ! Je veux rendre grâce avec vous pour tout cela. Rendre grâce, c’est remercier Dieu pour ce qui nous est donné de vivre dans le temps. Ainsi pourrions-nous dire, comme Marie dans son magnificat : « Le Seigneur fit pour moi des merveilles et mon cœur exulte de joie ».
Les vœux véritables
La saison est donc à l’échange des vœux et aux prises de bonnes résolutions. Écoutons les vœux les plus communs qui auront été échangés sous le gui de l’an neuf : des vœux de santé, de réussite scolaire et professionnelle, des vœux de richesse et de joie. Rien que des bonnes choses, que nous nous échangeons généreusement tous les 31 décembre et qui, il faut bien l’avouer, ne changent pas fondamentalement nos vies. Pourquoi ? Parce qu’il ne suffit pas de souhaiter du bien, il faut le faire advenir. En fait, un chrétien ne se paie pas de mot ; d’ailleurs, à bien y regarder, un chrétien ne formule pas de vœux !
Prenez ces deux grandes prières chrétiennes : le Notre Père et l’Angélus. Dans le Notre Père, que disons-nous ? « Que ta volonté sois faite » : ce n’est pas nous qui souhaitons, c’est Dieu qui nous souhaite du bien, c’est Dieu qui nous bénit. Et dans l’Angélus, que répond Marie à l’invitation de l’ange ? « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole ». Et elle a bien fait, Marie, de ne pas faire sa volonté propre, elle a bien fait de ne pas formuler trop de vœux pour son enfant — « Je voudrais qu’il soit blond, riche, qu’il ait une bonne situation qui le mène haut, et qu’il rencontre une femme qui me donnera plein de beaux petits-enfants… ». Des vœux tout à fait normaux pour une mère, me direz-vous ! Eh bien non ! Marie s’est contentée de répondre : « Qu’il me soit fait selon ta parole », c’est-à-dire : je ne fais aucun vœu, ou plutôt, tout ce que tu veux je le veux ! Elle a accepté de renoncer à sa volonté propre pour laisser la volonté de Dieu prendre toute la place dans sa vie, et alors, quelle merveille ! Elle se voyait déjà en grand-mère attentive entourée d’une flopée de gamins, Dieu en fera la mère de son Fils, rien de moins, rien de plus.
Ainsi donc, nous ne perdrons pas notre temps en cette nouvelle année, à souhaiter, chacun, de nous placer sous le regard bienveillant de Marie. À regarder comme elle regarde, à ouvrir notre cœur comme elle ouvre son cœur et à dépenser le temps que Dieu nous garde, à faire comme elle la volonté de Dieu chaque jour ! Ce serait une grande merveille pour nos vies !
La mère et le fils
Et quelle merveille, quelle merveille plus grande que celle que nous fêtons aujourd’hui ! Sainte Marie, Mère de Dieu, une merveille qui dépasse complètement notre entendement, une merveille qui dépasse tout ce que les hommes avaient pu imaginer ; Marie, cette jeune paysanne de Palestine, est devenue sous l’action de l’Esprit Saint la mère de Jésus, la mère de Dieu, la mère de son créateur.
Que Marie soit la mère de Jésus, ça, ça va. Notre intelligence est encore capable de le comprendre. Que Jésus soit Dieu, c’est déjà autre chose. Mais alors, si Jésus est Dieu et que Marie est sa mère, c’est à juste titre que nous pouvons dire que Marie est la mère de Dieu !
Ce que nous fêtons aujourd’hui, ce n’est pas tant Marie, qu’un nouvel aspect de la fête de Noël, de la fête de l’Incarnation : Sainte Marie, Mère de Dieu, c’est la fête de Noël vue non plus du côté de Jésus, mais du côté de Marie. Vous savez, ce mystère de Noël est si grand, si profond et insondable qu’on n’aura jamais fini d’en déployer les merveilles. C’est une de ces merveilles que nous célébrons aujourd’hui : Dieu, le créateur du ciel et de la terre, de l’univers visible et invisible, celui qui façonna Adam de la terre, a voulu se faire l’un d’entre nous, le fils de Marie.
Alors, est-ce Marie ou Jésus que nous fêtons aujourd’hui ? Est-ce la mère ou l’enfant ? La réponse est évidente : ils sont indissociables ! Quelle mère accepterait qu’on la sépare de son fils ? Quel fils jalouserait sa mère des honneurs qui lui sont rendus ? Et d’ailleurs, chaque honneur, chaque prière, chaque rose que nous déposons aux pieds de la mère, elle s’empresse de les porter à celui à qui seul ils sont dus : Jésus, son fils.
Se décider à suivre Jésus par Marie
Le premier jour de l’année est une occasion de fêter Marie comme Mère de Dieu, et Jésus comme enfant-Dieu. Nous pourrions poser un choix fondamental. Nous pourrions décider en cette nouvelle année de faire un pas de plus vers le Seigneur, de suivre Jésus en suivant Marie. Voilà qui remplira notre année de joie et de grâce d’une manière certaine. Voilà pourquoi, en ce début d’année, nous fêtons Sainte Marie Mère de Dieu, pour mettre notre année non pas sous le patronage de quelques druides coupeurs de gui, non pas pour nous souhaiter seulement la réussite et la fortune, mais pour infiniment plus : pour faire la volonté de Dieu ! Pour que sa volonté se fasse en chacune de nos vies ! Pour qu’avec sa grâce, il nous donne infiniment plus que la richesse, la gloire et la puissance, infiniment plus que la tranquillité et la santé, pour qu’il nous donne ce que lui seul peut donner : la sainteté.