Le carême : temps du carénage spirituel
C’est tout de même terrible d’entendre, en cette journée de Saint Valentin où les restaurateurs espèrent tant recevoir des couples ce soir, cette prière par laquelle nous avons commencé cette liturgie : « donne nous de savoir commencer saintement, par une journée de jeûne, notre entrainement au combat spirituel »… Entrainement, tout cela sonne bien sportif… A l’heure des JO faudrait-il donc que nous nous lancions dans des efforts insurmontables pour gagner la coupe ?… oui et non. Là vous vous dites qu’on est déjà bien gentil de venir à la messe, qui plus est un mercredi soir alors qu’il y a le match PSG Réal à la TV et il faudrait encore faire des efforts ?
« Revenez à moi de tout votre cœur » nous crie Joël, le prophète. Revenir à Dieu ? Nous sommes déjà à la messe c’est pas mal non ? Revenir vers Dieu cela veut dire se mettre en marche, ou devrais-je dire en guerre contre ce qui nous éloigne de Dieu : j’ai nommé le péché. « Oh là là, le vilain mot, le père a dit « péché »… on ne peut plus parler de pécher au 21ème siècle alors que nos églises se vident, il faut parler d’amour et de joie !. Et pourtant, nous l’avons entendu dans le psaume : « pitié mon Dieu dans ton amour, selon ta grande miséricorde, efface mon péché , lave moi tout entier de ma faute »… Si Dieu nous permet de chanter cela, c’est sans doute que le péché est un peu présent dans notre vie.
Si nous sommes un peu honnêtes, il faut l’avouer, c’est une réalité qui nous concerne. Et ce soir, le Seigneur nous dit « reviens ». Comme un bon père de famille, une bonne mère de famille, il veut le meilleur pour ses enfants. Il veut donc que nous grandissions dans la vie avec lui. Et pour revenir vers lui, nous avons… 40 jours !
Pour nous aider à comprendre, n’hésitons pas à prendre une petite parabole maritime. Bien que l’océan ou la Manche soient un peu loin, nous nous transporterons par l’imagination jusqu’au port du Havre.
Imaginez donc que vous êtes capitaine d’un beau bateau de pêche que vous venez d’acquérir. Il est beau et neuf, et vous avez décidé de vous lancer dans une saison de pêche en Atlantique Nord pendant plusieurs mois. Au fil des semaines, les vagues frappent la coque, le sel se dépose, les coquillages se collent ça et là, des algues et les autres saletés des profondeurs se prennent dans les filets et se déposent sur le bateau. Plus la campagne avance et plus le bateau est ralenti par tout cela. Du coup, en bon capitaine, de retour au port vous déposez votre bateau chez un professionnel pour qu’il fasse un petit carénage : on gratte les coquillages, on fait un coup de peinture, histoire de gagner en performance et on repart comme neuf pour que le bateau soit prêt pour une nouvelle campagne.
Et bien, frères et sœurs bien aimés, le carême c’est pour nous le temps du Carenage Spirituel. Quarante jours pour se remettre à flot, pour préparer nos armes et repartir de plus bel. Tout au long de l’année on laisse s’accumuler dans nos vies des petits grains de sable et des grosses saletés qui gênent notre marche vers le ciel à la suite du Seigneur. De fil en aiguille, notre prière se fait plus distante et moins fidèle, nous nous mettons à être moins charitable, plus centré sur nous-même… c’est ça, le péché qui nous ralentit. Vous voyez bien qu’il nous coupe rarement d’un coup… mais petit à petit notre hors-bord peut devenir un petit coucou à voile qui peine à avancer jusqu’au rivage du ciel.
Du coup le Seigneur, en partant 40 jours dans le désert, et après lui la Sainte Eglise, notre mère, nous offre, gracieusement un temps de carénage spirituel.
Concrètement, le Seigneur nous donne dans l’Évangile trois armes imparables voir même quatre.
Il ne s’agit pas de manier du grattoir avec précision ou d’aller chez Castorama acheter du papier de verre.
La prière, elle, redonne du carburant et de l’élan à mon bateau. Elle me permet de mieux communiquer avec le port, ou devrais-je dire, le ciel. La prière c’est l’adoration, le chapelet, la confession. Si je ne prie pas beaucoup en dehors du dimanche, pourquoi ne pas essayer de chaque jour prendre ne serait-ce que 2 min par jour… ce même pas un 700ième de ma journée !
Le jeûne : faire le tri dans le matériel permet de repartir plus léger pour une nouvelle tournée. Vous le savez bien, dans une maison il faut de temps en temps ranger, faire le tri jeter. Pendant le carême, voilà le « moment favorable », pour reprendre l’expression Paulinienne, pour faire le tri dans notre vie. Dans le jeûne il y a plusieurs excès : le premier, c’est confondre le jeûne avec le régime « Comme j’aime » dont on entend les pubs à la TV. Jeûner pour un chrétien ne consiste pas à perdre des kilos pour rentrer dans telle robe le jour de Pâques. Jeûner ce n’est pas non plus dire « allez je me prive de chocolat pendant le carême… alors que je n’en mange déjà jamais ». Jeûner c’est choisir de maîtriser ses sens, pour se recentrer sur le Seigneur. On peut jeûner de bavardage, on peut jeûner de sortie, jeûner d’internet, jeûner de TV ou que sais-je… en tout cas, ce qui nous éloigne de Dieu.
Enfin, la charité, le partage. C’est l’outil qui nous permet de comprendre que je ne suis pas le seul chalutier dans le port. Et que si j’aide aussi mes voisins de carénage, en réalité, je dilate mon cœur, j’apprends à aimer à nouveau. Autrement dit, le partage pendant le carême m’aide surtout à me décentrer de moi-même et à aimer un peu mieux, c’est à dire pas à la manière des hommes mais à la manière de Dieu.
A cela, il faut ajouter une dernière arme, qui est tout à la fois le karcher, le grattoir et la peinture, l’arme qui permet de faire de mon cœur un cœur neuf et beau pour la nuit de Pâques : la confession. Sans elle le carénage du carême, nos efforts de jeûne, de prière et de partage risquent de rester des œuvres humaines et fades. Nous confesser, c’est plonger tout entier dans l’amour de Dieu pour retrouver la fraîcheur de son baptême.
Bien chers frères et sœurs, n’hésitons plus, en ce premier jour de carême, entrons humblement dans le carême en reconnaissant que nous avons bien besoin d’un petit ou d’un gros carénage pour retrouver la splendeur baptismale. Demandons au Seigneur de le désirer et la force de l’accomplir par la confession, la prière, le partage et le jeûne.