Entre Rose et Baptiste !

Ce soir, soirée Netflix. Vous prenez la télécommande, vous avez le choix. D’un côté un très bon documentaire sur le Rose, la ville Rose, le Cochonou ou le jambon Herta, bref, la couleur lumineuse que porte le père ce soir à la messe à Saint Sulp. Arrêtons-nous un instant sur ce programme. On vous présente alors longuement la ville Rose, on vous parle d’Edith Piaf qui a chanté la « vie en rose » et de toutes les robes roses de la Reine d’Angleterre et soudain cela vous rappelle que… Non mais c’est vrai ça, pourquoi donc le Père est-il affublé d’une telle chasuble ? Le confinement l’a rendu chèvre et il a l’impression que la fashion week a commencé et qu’il faut moderniser un peu la garde-robe de l’Église… Le bon documentaire vous explique alors que le rose est un mélange de violet et de blanc, et vous rappelle habilement que « préparer la fête, c’est déjà la fête » et qu’ainsi dans les pénitences et la vigilance de l’Avent, on fait une petite « pause » en ajoutant un peu déjà de la couleur de la fête dans l’austérité de la pénitence… 

Pas franchement emballés par ce documentaire sur le rose, vous empoignez la zappette pour tomber sur le dernier épisode des Picky Blinders à Bethléem… dernière série à la mode… Voilà notre inspecteur en chef, avec toute une délégation de représentant de la police pour venir enquêter sur un extravagant qui s’époumone à travers le désert. Les voilà donc à quasi interpeller un certain « Jean » qui plonge dans une eau froide une foule bigarrée au bord du Jourdain. Et voilà qu’à la question « qui es-tu ? », il trouve cela bien malin de répondre « Je ne suis pas le Christ » ; à celle « es-tu le prophète annoncé ? », il répond sobrement « non »… et comble de l’énervement pour nos enquêteurs à la dernière insistance avant de passer les menottes, il se contente de répondre une phrase énigmatique : « Je suis la voix qui crie dans le désert »… Alors entre un documentaire sur le rose et un extravagant en peau de bison, avez-vous fait votre choix ce soir ? 

En fait, faut-il vraiment faire un choix ? N’existe-t-il pas un rapport profond entre le rose et Jean le baptiste ? Ne faudrait-il pas faire une diffusion simultanée des deux épisodes ? 

Parce qu’en fait, le rose c’est pas un délire de Fashion Week. Le rose ce soir, c’est le symbole de la joie. « Frères, soyez toujours dans la joie » « Je tressaille de joie dans le Seigneur », et encore dans la prière d’ouverture : « Dirige notre joie vers la joie d’un si grand mystère, pour que nous fêtions notre salut avec un cœur vraiment nouveau. ». Le secret du rose c’est celui de la joie. Et c’est sans doute le même secret que celui de Jean le baptiste. 

Mais quelle joie Jean peut-il bien annoncer ? 

La joie de se décentrer 

Jean-Baptiste renvoie toujours à un autre. Un autre qui est plus grand que lui.

Il annonce qu’il tire son identité d’un autre que lui. Finalement, il va à l’encontre de notre société individualiste. Sa joie profonde, c’est d’être plus petit qu’un autre. C’est justement de ne pas être le centre du monde. Quel enseignement pour nous ? Combien de temps passons-nous à dire « je », « moi », « mes études », « mon boulot », « mes choix », « ma vie ». Combien de temps passons-nous à chercher à être les meilleurs ? Quitte à écraser un peu l’autre ? Même dans le « milieu catho », nous passons notre temps à dire je je je je… une sorte d’égocentrisme permanent. C’est l’égocentrisme du bien-être et de l’épanouissement personnel à tout prix. Tout est possible, tout est permis à partir du moment où ça me fait du bien et que ça me plait. Je dois aller « à la messe qui me plait », avec « les copains qui me plaisent », « le travail qui me plait ». Ici la joie de Jean le Baptiste c’est précisément d’entrer dans le chemin de Dieu, dans le chemin où le plus important, ce n’est pas mon nombril… c’est l’autre. C’est toute la question de Noël : vais-je vivre un Noël pour moi ? Avec mon plaisir, mes cadeaux, ma famille, et moi moi moi moi… ou bien vais-je vivre un Noël tourné vers les autres et vers l’Autre, le plus grand : l’enfant de la crèche ? Saint Paul le dit à sa manière : « Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir »…

Jean-Baptiste a donc conscience qu’il n’est pas la joie lui-même… Il est la voix qui annonce la joie. Car la joie véritable, chers amis, c’est l’enfant de la crèche. L’abaissement de Jean n’a de sens qu’en tant qu’il permet à Jésus de prendre une place plus grande.

La joie d’accueillir la grâce qui sauve   

Comme j’aimerais que chacun d’entre nous puisse faire l’expérience de cette joie de Jean-Baptiste, de cette joie profonde. Je l’ai goûtée plusieurs fois dans ma vie. J’ai un souvenir de joie profonde que j’aimerais vous partager. Dans la paroisse où je servais la messe plus jeune, j’ai souvenir d’avoir expérimenté quelque chose de la joie de la liturgie dans la nuit de Pâques. Ce n’était pas par la puissance des chants mais par la profondeur du mystère que l’on célébrait. De sentir que se jouait là quelque chose d’essentiel lorsque retentissait dans l’église vide, la nuit de Pâques, le chant de l’Exultet : « Qu’exulte de joie dans le ciel la multitude des anges ! ».

Cette joie du salut pour Jean, c’est aussi la joie de la conversion qu’il nous prêchait le weekend dernier. La conversion, ça a un côté un peu rude, un peu aride, celui qu’on refuse en général. Néanmoins sans cette part qui nous revient, il n’y a pas de joie possible. Mais en même temps cette part, ce n’est pas la joie, c’est ce qui prépare la joie. 

Frères et sœurs bien aimés, je suis certain que vous avez déjà goûté à cette joie du salut. Je vous l’ai déjà dit ici, et je le redis, ce temps de l’Avent est un temps de grâce pour votre mémoire spirituelle. Prenez le temps de faire mémoire de ces moments où grâce à Dieu vous avez pu découvrir que « la vie est belle » ! Faire mémoire de ces instants où Dieu a ouvert votre cœur à la joie profonde du salut. 

Une place dans la crèche 

Pourquoi ? Parce que la joie, elle n’est pas au bout de nos efforts ; la joie, ce n’est pas quelque chose que nous pourrions mériter ou produire. La joie, elle s’accueille. D’ailleurs, la joie, ce n’est pas quelque chose à faire ou à mériter, la joie c’est quelqu’un à aimer. Reconnaître que celui que j’attends depuis toujours, c’est Jésus. Reconnaître que celui qui peut vraiment remplir ma vie, c’est Jésus. La source de la joie est dans la crèche. 

En contemplant la crèche, chez vous ou dans l’église, vous pouvez constater qu’il manque quelque chose. Un peu comme dans l’Évangile d’aujourd’hui. Et c’est criant. Il manque Jésus. C’est pour ça qu’il est important cette semaine, chaque fois que vous passerez devant cette crèche, de vous y arrêter une minute et de vous agenouiller et de dire au Seigneur : « Seigneur, il manque quelque chose dans cette crèche. Seigneur, il manque quelqu’un dans ma vie. Fais que je sache laisser cette place vacante, que je ne cherche pas à la combler par autre chose que toi, car je le sais Seigneur, c’est toi, ma joie. »

La joie de ce dimanche, c’est de reconnaître que Jésus a déjà agi dans vos vies pour vous transformer. La joie de ce dimanche, c’est de reconnaître Jésus comme notre Sauveur. Si vous n’avez pas le Christ dans votre crèche intérieure, il vous manque l’essentiel.

Alors la voilà, la bonne nouvelle :

C’est que celui qui est capable de cette transformation, de notre conversion, il est venu.

C’est que celui qui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu, il est venu.

C’est que la source de notre joie, elle est venue.

C’est qu’il y a deux mille ans, le peuple était en attente de celui qui devait venir.

C’est qu’aujourd’hui il est venu.

Nous n’avons plus à l’attendre.

C’est lui qui nous attend.

C’est Jésus.

Amen