Le p’tit pasteur dans la prairie…
Comme chaque année, ce 4ème dimanche de Pâques a des petites couleurs de Salon de l’agriculture. Nul besoin d’aller à la porte de Versailles, voici que le salon de l’agriculture se délocalise dans cette église Saint-Sulpice… où Berger et Brebis se rencontrent sur les frais pâturages du Seigneur. Puisque la petite maison dans la prairie est un peu loin de nos mémoires et que le jardin du Luxembourg ne ressemble pas encore à un grand pré… voici quelques éléments pour nous aider à méditer et avancer. Non pas pour devenir un expert en agriculture style « Charles Ingalls », mais bien plutôt pour devenir une brebis du bon Pasteur.
Le Christ bon pasteur
Quel est le boulot du pasteur des brebis ? C’est de prendre soin du troupeau, de le mener à ce qu’il y a de meilleur pour lui. En fait il veut que les brebis vivent… et même si on écoute l’Évangile un peu plus loin Jésus nous dit qu’il est bon pasteur « pour que les hommes aient la vie et la vie en abondance ». Je ne suis pas un spécialiste de l’élevage et je n’ai pas été élevé par Charles Ingalls comme dans la petite maison dans la prairie… mais je sais pourtant que le métier de berger exige de prendre grand soin de ses brebis : il faut les tondre, leur donner de l’herbe grasse, aller rechercher celle qui est perdue… Eh bien c’est précisément ce que Jésus fait avec nous pour que nous ayons la vie et la vie en abondance.
Jésus est bon pasteur parce qu’il prend soin de son troupeau : « Je n’ai perdu aucun de ceux que tu m’as confiés » dira-t-il juste avant d’offrir sa vie sur la croix. Il est frappant de voir combien Jésus prend soin de ses disciples, en les secouant parfois avec vigueur, mais pour les faire avancer vers la vie véritable.
Jésus est bon pasteur parce qu’il donne sa vie pour ses brebis, pour que nous ayons la vie. Étonnante image que celle du berger qui donnerait sa vie pour une petite brebis égarée…
Jésus est bon pasteur parce qu’il nous conduit « sur des prés d’herbe fraîche », c’est-à-dire qu’il nous ouvre les portes du Ciel en nous montrant le chemin à suivre ! C’est là que notre vie trouvera pleinement son sens.
Écouter Dieu, écouter son conjoint… ou la délicatesse de l’amour mutuel
Traditionnellement dans l’Église, ce quatrième dimanche du temps de Pâques c’est la journée mondiale de prière pour les vocations sacerdotales où le peuple chrétien tout entier demande à Dieu, avec plus d’ardeur, des prêtres. Et à Saint-Sulpice, comme on ne fait rien comme tout le monde, on a invité les fiancés à leur dernière journée de préparation au mariage.
Si le prêtre est appelé à être, pour le peuple de Dieu, une figure du Christ bon pasteur qui prend soin de ses brebis, n’est-ce pas aussi dans le couple marié la vocation des époux ? Être chacun le bon pasteur de l’autre ? Celui qui fait en sorte que, par la délicatesse de l’amour, l’autre soit toujours dans les meilleures conditions. À vous qui dans notre assemblée êtes mariés depuis longtemps, vous pouvez vous poser la question : comment après 20, 30, 40 ans de mariage sommes-nous encore bons pasteurs l’un pour l’autre.
Le Christ bon pasteur, c’est aussi celui qui donne sa vie pour ses brebis. À vous les fiancés qui êtes parmi nous je vous ai déjà dit de nombreuses fois que le cœur du mariage, le centre du mariage c’était le don de soi : « Je me donne à toi pour t’aimer fidèlement dans le bonheur et dans les épreuves ». Dans l’Évangile selon saint Jean, le Christ se présente comme celui qui donne sa vie pour ses brebis (NB : ceux qui n’ont pas encore choisi leur évangile de mariage pourraient regarder de ce côté-là). Il s’oublie totalement lui-même jusqu’à déposer sa vie par amour de ses brebis. Qui d’entre nous ne rêve pas d’être aimé de la sorte, aimé jusqu’à ce qu’on puisse donner sa vie pour nous.
Mais plus largement, la contemplation de la figure du Christ « bon pasteur » doit nous inviter à entrer dans cette dynamique dans toutes nos relations. Que ce soit avec nos amis, nos collègues, en paroisse ou ailleurs.
L’Évangile nous rappelle l’importance de l’écoute. « Mes brebis écoutent ma voix et elles me suivent ».
C’est un bon résumé de la vie chrétienne. Être chrétien ce n’est pas cocher les cases d’une étude sociologique, ce n’est pas non plus appartenir à une caste élitiste particulière. Être chrétien c’est écouter la voix du fils de Dieu dans sa vie. Écouter, ce n’est pas facile. Dans la vie du couple par exemple, apprendre à écouter ce que l’autre a à dire, sans l’interrompre, c’est accueillir la réalité de ce qu’il est. Par la parole l’homme et la femme apprennent à exprimer ce qu’ils sont au plus profond d’eux-mêmes. Pendant tout le temps des fiançailles, chers amis, vous avez appris et vous continuerez d’apprendre à vous écouter. Mais ici dans l’Évangile, Jésus ne parle pas d’abord des époux. Il nous demande à nous ses brebis d’écouter sa voix. En fait nous ne serons vraiment des brebis du Christ qu’à partir du moment où nous écouterons sa voix. Certains se disent peut-être que ce n’est pas facile d’écouter la voix du Seigneur.
Et c’est vrai, dans notre monde contemporain, réseaux sociaux, Internet, télévision, téléphone et conversation passent souvent devant l’écoute de Dieu. Car bien que Dieu puisse parfois utiliser ces moyens pour parler, c’est plutôt par l’Ecriture qu’il s’offre à nous. Ceux qui se disent qu’ils n’entendent pas la parole de Dieu mais n’ouvrent jamais la Bible sont comme ceux qui attendent un SMS de leur conjoint en ayant un portable éteint… Un certain nombre des fiancés qui sont parmi nous ce matin ont lu un ou plusieurs évangiles en entier pour choisir leur évangile de mariage, non pas juste dans un livret mais en écoutant la voix du Bon Pasteur. Et nous, chers paroissiens, comment voulons-nous écouter la voix du Bon pasteur cette semaine ?
Le prêtre passeur de vie éternelle
Mais il est dans notre Église des hommes qui ont choisi d’écouter d’une manière particulière la voix du Bon Pasteur. Ce sont les prêtres. Les prêtres ne sont pas des sortes de druides des temps modernes, mais des passeurs de vie. J’insiste là-dessus. Au plan objectif, beaucoup d’entre vous sont meilleurs en communication, en art oratoire, en théologie même peut-être, en délicatesse, en accompagnement des gens, que beaucoup de prêtres. Au point que si l’on juge le prêtre seulement d’après ses compétences humaines, on pourrait je crois vider d’ores et déjà les séminaires, et aller recruter à la sortie des grandes écoles en donnant des salaires dix fois plus importants. Nous aurions des prêtres d’une grande qualité « professionnelle ». En tout cas, si l’Église était une entreprise commerciale moderne, elle ne recruterait pas les gens sur les mêmes critères… Mais je vous rassure, tout cela a commencé il y a 2000 ans : à cette époque, quand Jésus appelait ses apôtres pour être avec lui et les envoyait prêcher… il n’appelait pas les meilleurs. Car être prêtre ce n’est pas cela. Être prêtre c’est donner la vie de Dieu, et la donner en abondance. Être prêtre c’est être appelé par le Christ à une mission qui nous dépasse. Être prêtre c’est comme saint Paul être saisi aux entrailles par la puissance de la grâce au point de communiquer cet amour de Dieu aux autres. Être prêtre c’est donner de son temps pour que d’autres qui n’ont pas le temps entrent dans la vie de Dieu. Être prêtre c’est ouvrir les écluses de la grâce de Dieu pour qu’elle puisse se déverser sur le peuple de Dieu. Être prêtre c’est être l’époux de l’Église et donner sa vie pour elle. Être prêtre c’est consacrer sa vie à l’écoute et à la transmission de la Parole de Dieu. Être prêtre c’est être un pécheur qui par la grâce de Dieu peut pardonner les péchés. Être prêtre c’est être un homme donné, mangé, offert pour que le peuple ait la vie et la vie en abondance.
Vous qui allez vous marier, et vous qui venez à la messe chaque dimanche à Saint-Sulpice, vous êtes heureux d’avoir des prêtres qui célèbrent les sacrements et vous accompagnent dans les heures heureuses et douloureuses de votre vie. Posez-vous la question, quelle image ai-je du prêtre ? Quelle reconnaissance, aussi ? Est-ce que mon attitude vis-à-vis du prêtre donnera envie à des jeunes de répondre à l’appel afin qu’ils deviennent à leur tour prêtre, avec leurs qualités et leurs faiblesses.
En ce dimanche du bon pasteur, contemplons le Christ véritable bon pasteur, apprenons à son exemple, à nous écouter les uns les autres et prions pour que de nombreux jeunes hommes entendent l’appel que leur lance le Seigneur à donner leur vie pour que d’autre aient la vie.