La joie, la Croix et moi ?
Il est dans notre vie des moments où tout peut basculer, où l’allégresse se change en détresse, où l’amitié devient inimitié, où la passion conduit à l’aversion. En ce dimanche des Rameaux tout bascule : la palme qui acclame le Sauveur se transforme en croix, le manteau jeté sur le sol pour l’acclamer est jeté sur un homme blessé et humilié, et la foule qui l’acclame le condamne. C’est tellement représentatif de notre vie : nous sommes dans la joie profonde en sortant d’une belle confession, en ayant vécu une belle célébration, nous promettons intérieurement que désormais tout changera. Et bien vite le Seigneur nous gêne, la vie qu’il demande devient difficile, trop exigeante. On s’enthousiasme dans les débuts de la vie chrétienne… mais on refuse la croix. À la première difficulté ou contradiction on se demande si Dieu nous en veut, on se dit que finalement on fait le mauvais choix, qu’on a misé sur la mauvaise équipe. C’est sûr, au plan humain l’histoire qui nous est offerte aujourd’hui ressemble à redoutable fiasco. Accueil triomphal, dans la gloire, à la manière d’une rock star qui pénètre dans un stade bondé devant une foule en délire. Et quelques jours plus tard : mise à mort dans l’indifférence. Quelle épreuve pour le Christ. Quel contraste.
La joie de la Croix : le Christ qui donne sa vie par amour
De notre côté nous voudrions une vie sans épreuve, mais bien sûr, mais ça n’existe pas, cette vie-là c’est un leurre, un mensonge. En ce dimanche des Rameaux, il nous faut garder d’abord les yeux fixés sur Jésus. Car il est celui qui nous a dit « celui qui veut être mon disciple, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ». Car Jésus, lui, n’a pas refusé l’épreuve, la croix. Il le fait pour nous sauver, il le fait pour nous enseigner comment vivre l’épreuve. Peut-être un peu comme les juifs de Jérusalem tout à l’heure, nous avons agité nos rameaux sans trop savoir comment Jésus serait roi dans nos vies, sans trop vouloir avec lui choisir la croix. Et dans le long récit de la passion, il y a autant de réactions face à l’épreuve que de personnages. Il y a les disciples qui préparent la Pâques, et le Maître qui s’apprête à la célébrer. Il y a les douze qui s’attristent et se mettent à douter. Il y a Jacques et Jean qui sombrent dans le Sommeil. Il y a Pierre qui promet puis rejette. Il y a Judas qui embrasse et trahit. Il y a la foule qui crie et violente. Il y a les lâches qui giflent et crachent. Il y a le grand prêtre qui interroge et vocifère. Il y a les chefs des prêtres qui cherchent un faux témoignage pour le faire accuser. Il y a le coq qui chante et Pierre qui pleure. Il y a Pilate qui juge sans la moindre justice. Il y a Barabbas libre et Jésus enchaîné. Il y a le crime dehors et la vie humiliée. Il y a la foule qui crie et demande la croix, les soldats qui se moquent et posent une couronne d’épines, et Simon de Cyrène portant la croix bénie. Il y a un larron enragé qui l’insulte. Il y a le centurion qui voit et qui confesse. Il y a des femmes qui suivent et servent. Il y a Joseph qui mendie le corps tandis que Marie et Marie-Madeleine observent fidèlement.
Et face à tout cela, il y a Jésus qui donne sa vie par amour. C’est peut-être ce qu’il y a de plus essentiel en ce dimanche des Rameaux et de la passion. L’amour de Jésus ne passe pas par des torrents de paroles ou d’affection, mais par le don de sa vie. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ». Oui, frères et sœurs, nous acclamons et nous croyons en un Dieu qui a choisi de mourir avec nous et pour nous par amour. « Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance, mais l’habiter de sa présence ». Voici l’inouï de la foi chrétienne.
Ton épreuve. Et ta croix !
Cette souffrance, cette épreuve est notre quotidien. Bien sûr tu n’es pas sous les bombes en Ukraine, et tu n’es pas persécuté pour ta foi. Et pourtant Jésus te fait partager sa croix. Pourtant, à ta mesure, la croix fait partie de ta vie. Ta croix, ce n’est pas toujours une grande souffrance ou une tribulation sans précédent. Ta croix, c’est tout ce qui te contrarie. Depuis le temps qu’il fait, jusqu’à une besogne odieuse ; depuis un camarade ou un collègue déplaisant, jusqu’à ton propre caractère qui, peut-être, déplait aux autres. C’est un insuccès dans tes études ou ta profession. C’est ton incapacité à bien organiser le grand jeu, ou ton impuissance à aider telle guide à grandir. C’est une injustice dont tu es victime. Ou tout simplement une maladresse qui fait rire de toi. Prends ta croix ; porte-la sans geindre ; Jésus n’a pas gémi sur lui-même en marchant au Calvaire. Porte-la. Je n’ai pas dit : traîne-la. Si tu la traînes, elle paraîtra plus lourde. Ne la choisis pas, accepte-la.
Il n’y a qu’une bonne manière de porter sa croix, c’est de la mettre courageusement sur ses deux épaules. Regarde Jésus, il passe devant et t’enseigne la bonne manière de faire. Toute sa vie n’a été que croix et martyre : croix pour son corps, depuis le froid de la crèche jusqu’à la pauvreté de Nazareth, jusqu’à la fatigue de sa vie publique, jusqu’au sang de sa passion dont nous venons d’entendre le récit. Croix pour son coeur, depuis la persécution d’Hérode, jusqu’à la jalousie des pharisiens et des scribes, jusqu’à la mauvaise foi des docteurs, jusqu’à l’ingratitude de ses miraculés, jusqu’à l’in-intelligence de ses apôtres, jusqu’à la trahison de Judas. Porte ta croix avec confiance, car c’est moi qui, chaque jour, la taille à ta mesure. À la mesure de tes forces et à celle de mon amour.
Choisir le Christ au début de la semaine sainte
Au début de cette semaine sainte, que tu sois dans l’allégresse des Rameaux, ou dans l’épreuve de ta vie, le Seigneur te propose d’être avec lui, heure par heure de la passion à la résurrection, de l’épreuve à la joie. Mais pour cela il faut choisir. Il faut choisir ce que tu veux vivre cette semaine.
Je peux choisir de suivre ou de m’enfuir.
Je peux choisir de dormir ou de prier.
Je peux choisir de haïr ou d’aimer.
Je peux choisir de maudire ou pardonner.
Je peux choisir d’obéir ou de me rebeller.
Je peux choisir de souffrir ou d’éviter.
Je peux choisir de mourir ou de ressusciter.
Je peux choisir Jésus ou Barabbas.
Je peux choisir de suivre le Christ en sa passion.
Je peux choisir le Christ et sa résurrection.
Je peux choisir le Christ.
Choisir le Christ.