Il est où l’bonheur ?
Quand on parle de bonheur on peut avoir en tête la chanson de Christophe Maé : « Il est où le bonheur ? », on peut regarder des films comme Intouchables, Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain ou Forrest Gump. On peut penser avec les Hobbits du Seigneur des Anneaux, que le bonheur c’est de fumer de l’herbe à pipe bien tranquillement dans la comté, ou avec les adeptes de la détente, que le bonheur c’est de passer une après-midi dans un spa à grosses bulles… Mais quand on entend l’Évangile d’aujourd’hui, on se dit que là Jésus a un peu déconné, qu’il peut d’ores et déjà virer son responsable de la communication, parce que la vision du bonheur selon Jésus… Bah je ne sais pas vous, mais moi ça ne me fait pas rêver ! Ça me rappelle plutôt une chanson de Ferrat, inspirée du poème d’Aragon « Que serais-je sans toi ? » : « Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes… »
Et au quotidien on rencontre des gens heureux dont Balavoine se réjouit, et des malheureux, des bénis et des maudits, des perdus ou d’autres qui ont la foi. Mais j’ai une bonne nouvelle : ce n’est pas une fatalité, nous ne naissons pas bénis ou maudits, nous le devenons. Car il n’y a pas de fatalité pour nous catholiques. Il n’y a pas de fatum qui nous écraserait et auquel nous ne pourrions échapper. Il n’y a pas de karma qui nous enfermerait à l’éternelle répétition.
Il n’y a pas de détermination sociale qui nous assignerait dans un rôle.
Il y a une liberté, le choix que je fais, ce choix qui transforme ma vie.
Dieu convoque ma liberté à la joie
En effet, nous ne naissons pas pré-déterminés, nous naissons bénis de Dieu : « Dieu vit que cela était bon ». Mais cette bénédiction est entachée de la malédiction que l’homme s’est, tout seul, attirée à lui : le péché originel. Nous naissons bénis par Dieu et nous avons à choisir cette bénédiction, à choisir de vivre dans la bénédiction. Les lectures de ce dimanche peuvent nous faire apparaitre deux lectures du monde, deux lectures de notre société, de nos frères : ou bien nous pouvons voir le monde comme étant rempli de noirceur et de malédiction : rien ne va plus, le bateau coule. Ou bien nous pouvons voir le monde du côté du bonheur et de la grâce. Et cela pour au moins 3 raisons :
- D’abord parce que nous avons la foi, et que nous disons chaque dimanche — mais finalement chaque jour — « Seigneur j’ai confiance en toi », et cet acte se vérifie quand on est au bord du gouffre, quand vient le moment de l’angoisse ou de la peur et que nous pouvons dire à Dieu : « Seigneur, je n’ai pas mis ma foi en toi parce que tout allait bien, parce que tu me comblais de tes bienfaits, Seigneur, j’ai mis ma foi en toi parce que j’ai confiance en toi, parce que tu es le Dieu qui me sauve ». Je peux choisir la foi.
- Ensuite, parce que nous disposons de la prière, comme relation à Dieu : « Heureux est l’homme … qui se plaît dans la loi du Seigneur et murmure sa loi jour et nuit ! ». Vous noterez bien « qui murmure la loi jour et nuit» et non pas «qui murmure » contre son frère, son curé ou son collègue… Je vous enjoins donc à murmurer en apprenant par coeur quelques versets de la Bible, de vous les noter sur un carnet, sur votre téléphone ou mieux encore dans votre coeur, quelques versets simples, qui vous aident, qui vous soutiennent, qui vous encouragent, qui vous apaisent. Par exemple, pour moi : « Tu sais tout, tu sais bien que je t’aime » « Seigneur, sauve moi ! » « Je suis venu pour que vous ayez la vie et la vie en abondance ». Je peux choisir la prière que j’adresse à Dieu.
- Ensuite parce que nous pouvons avec saint Paul proclamer la foi. Mardi prochain, je n’aurai pas la chance d’être au Parc des Princes. Pourtant, là, 50 000 personnes acclameront le Messie… enfin Lionel Messi, quand il entrera sur le terrain. Vous savez le speaker dira « Lionel » et la foule en délire criera « Messi ». Et vous, et nous, à la messe, quand je dis « le Seigneur soit avec vous », je n’ai droit qu’à un tout timide « Et avec votre esprit ». Pourtant le Seigneur, c’est quand même un autre calibre que le joueur de foot, non ? C’est le Christ ressuscité, celui qui peut donner la joie véritable que je célèbre à la messe. La profession de foi de saint Paul, l’annonce de la foi qu’il nous offre dans la deuxième lecture… ça claque ! Voilà l’objectif : « Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. Mais non ! le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis. »
Où cherchons nous le bonheur ?
Mais en fait Jésus dans l’Évangile nous pose aussi une autre question. Une double question : où cherches-tu ton bonheur ? Et acceptes-tu qu’il dépende d’une certaine pauvreté ?
Quand vous regardez attentivement l’Évangile, Jésus présente comme « heureux » tous ceux qui à qui il manque quelque chose. Le pauvre, celui qui a faim, celui qui est exclu ou méprisé… vit dans un véritable manque. Ce manque nous dispose à recevoir de Dieu le bonheur véritable. Quand j’étais petit, nous avions à la maison une petite affichette présentant des caricatures sur la prière. On y voyait un homme pressé avec écrit : « Trop pressé pour penser à Dieu » ; un homme devant la télé : « Trop absorbé pour penser à Dieu »… Et ainsi de suite jusqu’à voir un cercueil avec écrit : « Trop tard pour penser à Dieu ». Le pauvre, celui qui a faim, celui qui n’est pas pleinement accompli, a au moins compris quelque chose : il a besoin d’un sauveur, il a besoin de Jésus dans sa vie. Le manque comme chemin de bonheur, c’est exactement le contraire de ce qu’on croit aujourd’hui, où le bonheur serait dans l’accumulation des biens, dans l’obéissance à l’injonction consumériste : consommez, consommez et taisez-vous ! À l’inverse, le Seigneur nous dit que le bonheur est dans le manque, ou plutôt dans la dépendance. Le fait de ne pas être auto-suffisant, mais d’avoir besoin d’un autre, de recevoir et de donner d’un autre qui est d’abord mon frère : celui qui me console quand je pleure, celui qui me soutient quand je suis faible, celui qui me rassasie quand j’ai faim. D’un autre qui est Dieu.
Frères et sœurs, en ce dimanche il nous faut nous poser franchement la question : où cherchons-nous le bonheur ? Dans le cinéma, dans la musique ? Dans nos projets personnels ? Dans le travail et dans l’argent ? Dans la réussite sociale et la gloire des hommes ? Ou dit encore autrement, à qui rêvons-nous de ressembler ? À Jésus, aux pauvres pour le Seigneur ? Ou plutôt à James Bond ?
Croire à la vie éternelle : la véritable espérance !
En réalité, frères et sœurs bien aimés, le bonheur de la terre, n’est pas une fin en soi. Saint Augustin le dit à sa manière : notre cité se trouve dans les cieux ! L’Évangile des béatitudes nous invite aussi à regarder au-delà de nos petites contingences terrestres. Car sur la terre nous resterons toujours un peu sur notre faim. Nous ne serons jamais pleinement rassasiés. Et si vous cherchez le bien-être sur la terre, c’est-à-dire la détente et la relaxation, je vous invite plutôt à frapper à la porte d’un spa qu’à entrer dans une église. Par quatre remarques cinglantes, Jésus nous renvoie à la logique de Dieu et non pas à celles des hommes : « Malheureux, Malheureux, Malheureux »… malheureux en fait celui qui veut construire son bonheur, ou son bien-être, en dehors de Dieu et de cette dépendance d’amour. Ce manque de complétude que nous éprouvons ici-bas est sain. Car il nous fait désirer le ciel. Le ciel, c’est quoi ? C’est ce lieu et surtout ce moment où je serai aimé parfaitement, pour ce que je suis. Gratuitement, complètement. Où je serai rasassié, comblé, aimé. Pensez au plus beau moment que vous connaissez, que vous avez vécu… Vous l’avez en tête ? Eh bien ce moment là c’est de la gnognote à côté de ce que nous vivrons au ciel.
L’Évangile de ce dimanche nous fait donc passer du bonheur de la terre, fondé sur Dieu, à la gloire du bonheur définitif dans le ciel. Notre bonheur c’est de choisir, de choisir Dieu, pour aujourd’hui et pour l’éternité. Veux-tu faire ce choix aujourd’hui pour ta vie ? Amen.