Heureux qui comme Sulpice !
Nous voilà aujourd’hui à fêter le saint patron de notre église et de notre paroisse. Un certain Sulpice le Pieux ou le Bon dont on aurait bien du mal à écrire une longue biographie ou à faire une série Netflix de sa vie, au vu de la faible quantité d’informations que nous disposons à son sujet. C’est peut-être l’avantage d’ailleurs : il vous suffira de lire la 4ème de couverture de votre feuille d’information paroissiale pour savoir à peu près tout ce qu’on peut savoir de nos jours sur Saint Sulpice.
Et pourtant je crois que Sulpice est un homme heureux ! Heureux de vivre dans la joie du Seigneur au ciel. Heureux d’intercéder pour nous. Heureux d’être notre Saint Patron. Et comme il n’est pas égoïste, il nous invite à être heureux nous aussi.
Heureux qui comme Sulpice… a vécu dans l’humilité
L’humilité : voici sans doute la plus belle vertu de la sainteté. Car on confond souvent sainteté et impeccabilité, ou encore sainteté et perfection. Saint Sulpice était-il un parfait ? Nous laisserons cela à l’interprétation des romanciers de la vie des saints. Une chose est certaine : la sainteté à laquelle nous invite le Seigneur est d’abord une sainteté d’humilité. Le pasteur, l’évêque, et finalement avec lui tout chrétien, est humble en recevant d’un autre la grâce. Le vrai pasteur, c’est le Christ Lui-même. C’est lui qui conduit toute chose, c’est lui qui conduit nos âmes. Notre tentation parfois dans la vie chrétienne est de vouloir prendre tellement le « contrôle de nos vies », par peur, que nous occultons que c’est l’Esprit Saint qui doit être à la barre de nos vies. Sulpice, au gré des nominations qu’il n’a pas choisies mais reçues, au gré des aléas de la vie spirituelle, s’est laissé interpeller par le Seigneur. Humblement, il a accepté de recevoir de Dieu sa place et sa mission. Humblement, il a accepté de porter ses faiblesses et les faiblesses du peuple vers lequel il était envoyé. Car comme vous ou comme moi, Saint Sulpice était faible et petit dans les mains de Dieu. Ne l’idéalisons pas trop ou en tout cas pas au point d’en faire un homme inaccessible. Humblement, Saint Sulpice a suivi le Bon Pasteur : il a donné sa vie pour son peuple. Et son exemple nous stimule pour donner notre vie pour les autres.
Heureux qui comme Sulpice… a servi l’unité
L’unité : voici une autre grâce à demander au Seigneur dans cette fête. Le job de l’évêque, c’est d’être un serviteur de l’unité. « Il y aura un seul troupeau et un seul pasteur ». Car l’unité dont il est question n’a rien à voir avec l’uniformité. Dans la troupeau du Seigneur il y a des jeunes et des vieux, des maigres et des gros, des petits et des grands, des mystiques et de pragmatiques, de tradi et des chacha, des intellos et des simples de cœur, des adeptes du chapelet et des défenseurs du partage en petit groupe. Tout cela, c’est la diversité du peuple de Dieu. Ne rêvons pas d’une Église lisse, où tout le monde penserait la même chose. Ce n’est pas grave de ne pas penser la même chose que le voisin. Pour rester dans l’unité, il faut et il suffit que chacun reste uni au Christ. « Mes brebis écoutent ma voix ; je les connais et elles me suivent ». Si mon voisin écoute profondément la vie du Christ, se convertit en profondeur, s’il suit le Christ de tout son cœur qu’il tape de la main à la messe, se met à genoux ou communie de telle ou telle manière, là n’est pas l’essentiel. L’unité du Corps du Christ, l’unité de l’Église, se construit dans nos paroisses chaque jour lorsque nous nous émerveillons du travail accompli par l’Esprit dans le cœur de chacun. Vouloir que tout le monde pense pareil, dise pareil, prie pareil, ce n’est pas respecter l’œuvre de l’Esprit Saint, ce n’est pas servir l’unité. Ce n’est pas non plus entrer dans la sainteté du bon Pasteur, mais c’est vivre une forme de fanatisme mortifère. Heureux qui comme Sulpice a servi l’unité…
Heureux qui comme Sulpice… n’a pas eu peur d’annoncer l’Évangile !
« Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! » C’est le cri de Saint Paul dans la lecture. Et tel était aussi le souci constant de Sulpice dans une époque troublée, dans un monde en ruines. Un monde qui vivait dans une grandeur passée, la grandeur d’un monde romain à peine effondré. Il a souvent dû parcourir son diocèse de Bourges pour annoncer l’Évangile à temps et à contretemps. De grâce, de grâce, cessons de croire qu’au Moyen-Âge il était facile d’évangéliser. Cela ne l’était pas plus qu’aujourd’hui. Et ce n’est pas parce que les gens allaient à la messe qu’ils étaient évangélisés en profondeur. Depuis notre baptême nous sommes consacrés. Nous sommes prêtres, prophètes et rois ! Nous sommes donc appelés à l’annonce de l’Évangile. Tout le monde est appelé à annoncer l’Évangile. Mais chacun selon sa grâce propre. Je ne vous dis pas que tout le monde doit aller prendre une caisse dans le métro parisien et prêcher en aboyant la bonne parole… Je ne dis pas non plus qu’il ne faut pas le faire. L’évangélisation, c’est l’affaire de TOUS les baptisés, sans exception. Si le Christ nourrit vraiment ma vie, si le Christ est le centre de ma vie et me comble de sa joie, si la parole de Dieu me donne une joie profonde… alors nécessairement je ne peux pas être égoïste, je dois le partager. Je dois demander en l’Esprit Saint de quelle manière, différente de mon voisin, je vais annoner l’Évangile. « J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cet enclos : celles-là aussi, il faut que je les conduise ».
Ainsi donc, Saint Sulpice n’est-il pas d’abord un personnage d’un passé poussiéreux et vénérable, mais un saint dont l’exemple nous stimule … Heureux qui comme Alice vivra l’humilité. Heureux qui comme Maurice servira l’unité. Heureux qui comme Francis n’aura pas peur d’annoncer l’Évangile.