Heureux les pauvres pour le Seigneur !
« Heureux les pauvres pour le Seigneur, le Ciel déjà leur est donné, heureux les doux, heureux les humbles leur part sera la vie à jamais ». Heureux ! Scande l’Évangile des béatitudes que je viens de chanter… Heureux les pauvres, heureux les persécutés, heureux les artisans de paix. Comme cela raisonne avec l’actualité lourde de notre semaine. Oui chers amis, selon l’Esprit des Béatitude, heureux sommes-nous d’être confinés, et privés de culte dans les temps à venir, heureux sommes-nous d’être la cible des terroristes. Car la promesse du Seigneur ce n’est pas notre bonheur terrestre, c’est notre joie profonde, un bonheur sans fin, plus grand, plus plénier, le bonheur du Ciel. Ce chemin, c’est celui de notre sainteté. Alors, en cette fête de Toussaint avec vous, chrétiens qui êtes véritablement pauvres pour le Seigneur, j’aimerais déployer trois points relatifs à la sainteté.
D’abord, la fin d’une sainteté rêvée
En cette fête de la Toussaint, nous voici vraiment pauvres. Nous savons, pour l’avoir déjà vécu, combien le confinement est une épreuve pour notre sainteté. Combien la privation injuste et illégitime des sacrements nous est douloureuse. Nous savons combien il est difficile de sentir que dans notre paiement même des gens peuvent se faire martyriser parce qu’ils sont chrétiens. Tout cela c’est notre pauvreté d’aujourd’hui. En ces jours nous avons la grâce d’être unis aux plus illustres de nos anciens, à Saint Pierre et Saint Paul qui ont planté de leur sang l’Église dans la foi. À Saint Pothin et Sainte Blandine qui ont versé leur sang sur le sol de France pour l’annonce de l’Évangile. À Saint Denis, notre premier évêque de Paris, décapité car il était chrétien, évêque et prêtre. À Saint Maximilien Kolbe, martyr de la charité dans le camp d’Auschwitz. Au père Jacques Hamel, à Nadine, Vincent et Simone, martyrs à Nice il y a quelques jours.
Ces hommes et ces femmes n’étaient pas prédestinés à mourir ainsi. Ils n’avaient pas imaginé mourir martyrs. Sans doute avaient-ils comme nous un plan de vie et de sainteté idéal. Un peu en mode Walt Disney : « ils se marièrent, eurent beaucoup d’enfants, allèrent à la messe chaque dimanche, firent la prière en famille, et à Paray-le-Monial l’été ».
Chers amis, notre sainteté n’est pas un rêve. Nous ne sommes pas en cette fête de la Toussaint invités à rêver de loin en nous disant « ce sera tellement bien quand… ». Non. Notre sainteté, chers amis, dans les pas des illustres anciens qui nous ont précédés se joue ici et maintenant, hic et nunc. Dans ton immeuble, devant ton ordi, avec tes proches avec qui tu es confiné, au service des plus petits.
Je ne suis pas en train de vous dire qu’il ne faut pas avoir d’ambition, ni que l’ambition de la sainteté est la seule ambition qui vaille. Non, mais je suis en train de dire que notre sainteté, ce n’est pas nous qui la construisons à notre manière, c’est Dieu qui nous offre un chemin de sainteté que nous ne pouvons pas soupçonner. Ce confinement qui nous fait tant souffrir, est une forme de martyr, un chemin de sainteté.
Ensuite, la faiblesse comme chemin de la perfection
Quand on parle de la Toussaint, de la sainteté, on s’imagine souvent quelque chose d’inaccessible et pour peu que l’on se souvienne de la phrase de Saint Paul « soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait », si vous êtes normaux, vous pensez que c’est déjà foutu, que vous avez déjà raté le coche, à cause de vos imperfections, de vos blessures, de vos péchés.
Mais le Seigneur ne vous demande pas d’être parfaits au sens d’un modèle à atteindre, au sens d’une pureté à préserver, au sens d’une élite à laquelle il faudrait appartenir.
Il vous demande d’être parfaits au sens d’un participe passé.
Dieu vous a créés, il vous a faits.
Mais vous avez tout défait par votre péché, par votre paresse et votre orgueil, par votre volonté de puissance et votre manque de charité.
En cela vous me ressemblez terriblement ; vous ressemblez aussi à Saint Pierre.
Si vous êtes trop attachés à l’argent, vous ressemblez à Saint Ignace ou à Saint Matthieu.
Si vous avez vécu des expériences dans le domaine de la sexualité dont vous n’êtes pas fiers ou si vous avez passé trop de temps sur Internet à détruire votre cœur, vous ressemblez, d’une certaine manière, à Sainte Marie-Madeleine, à Saint Augustin ou au Bienheureux Charles de Foucauld.
Alors qu’ils avaient tout défait, Dieu a tout refait, par son amour, par sa miséricorde et son pardon.
Sa grâce n’a pas peur de ce que vous avez défait, parce qu’elle est bien plus puissante que votre péché. En revanche, elle ne peut rien contre votre liberté, contre votre volonté.
Vous avez déjà vécu l’expérience de la confession. Et je souhaite que le confinement ne vous en prive pas. Et vous avez probablement recommencé à tout défaire en vous éloignant de Dieu, en croyant que vous pourriez par vos propres forces obtenir ce foulard de sang, cette perfection tant espérée, cette sainteté idéale qui vous ferait ressembler à saint Tarcicius ou à Saint Dominique Savio !
Vous imaginiez peut-être de grandes épopées et des batailles glorieuses. Vous pensiez peut-être que, pour être saint, il fallait être le meilleur, qu’il fallait scrupuleusement observer les prescriptions de la loi et ne pas dévier, ni à droite ni à gauche ?
La sainteté n’est pas un concours, sinon, ce sont plutôt les derniers, les pauvres pour le Seigneur, les publicains et les prostituées qui seraient les grands gagnants, comme le Seigneur lui-même nous le dit.
Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus la décrit à sa manière : « Je puis malgré ma petitesse aspirer à la sainteté ; Se contentant de mes efforts, Dieu m’élèvera à lui, il sera ma sainteté », et le Bienheureux Marie-Eugène d’ajouter : « la sainteté c’est la force de Dieu dans la faiblesse des hommes, la sainteté c’est d’être mû par l’Esprit Saint, car c’est Dieu seul qui fait les saints ». Le chemin de la sainteté, le chemin de la perfection, c’est d’abord un petit chemin d’humilité, un chemin où je suis uni à Dieu chaque jour, avec ma faiblesse… et avec la force de Dieu. Ai-je le désir de suivre ce chemin-là ? Ce chemin de simplicité, d’humilité, où j’accepte humblement de ne pas être parfait mais où je demande la grâce de Dieu souvent ?
Plus que jamais aujourd’hui, pour pouvoir accéder à la gloire du Ciel, il faut accepter de se laisser faire, de se laisser refaire, de se laisser parfaire par l’Esprit de Dieu. Dieu ne se lasse jamais de vous faire grâce, et à la fin il parviendra, même si vous avez tout défait des centaines de fois, à vous parfaire.
Alors vous serez parfaits par Dieu votre Père. L’adjectif qualificatif, un peu statique, est devenu un participe passé, pour que Dieu ait le dernier mot dans vos vies.
Enfin, la sainteté c’est vivre de la Force de Dieu
« N’ayez pas peur ! » scandait Saint Jean-Paul II. Oui chers amis, en fêtant tous les saints, nous avons une certitude : la nuée de témoins que nous célébrons en ce jours, tous ces saints, connus et inconnus, ont d’abord vécu de la force de Dieu. « Je peux tout en celui qui me fortifie. ». Notre foi sera toujours plus grande que la barbarie ou que l’interdiction. On ne pourra museler la Parole de Dieu, « s’ils se taisent des Pierre crieront ». En cette fête de Toussaint, puisons dans l’Eucharistie que nous allons célébrer la vraie Force que Dieu donne, pour en vivre. Pour affronter les difficultés, pour devenir, comme nous le disait Jean Paul II en 2000 « des martyrs de la fidélité à contre-courant ».
C’est aujourd’hui qu’il faut accueillir la grâce, qui vous guérira, qui vous pardonnera, qui vous relèvera. Votre cœur est comme le moule d’un diamant. Vous avez vécu des blessures, des déchirures, des souffrances, des trahisons. Ce sont autant de crevasses, de vallées de larmes, d’entailles, d’arêtes dans le moule. Le diamant, c’est la grâce de Dieu qui se répand dans tous les recoins de votre être, dans tous les abîmes de votre moule, si toutefois vous acceptez que le Seigneur vous visite, qu’il vous guérisse, qu’il vous rétablisse.
Alors votre diamant sera resplendissant à mesure que toutes les arêtes auront été remplies par Dieu. Si vous refusez d’être pauvres, et faibles, si vous ne voulez pas vous laisser toucher par Dieu, vous serez comme des billes, alors que le Seigneur veut que vous soyez des diamants.
Nous avons besoin de tout le monde dans l’Église, même de ceux qui se croient indignes, même des pécheurs (sinon il n’y aurait personne), même de ceux qui ne rentrent pas dans des cadres.
Je vous supplie de demander aujourd’hui au Seigneur : « Seigneur, qu’attends-tu du moi ? Que veux-tu que je fasse pour toi ? Comment veux-tu que je vive le confinement dans la sainteté ? »
N’ayez pas peur d’être des saints, puisque c’est Dieu qui fait le boulot ; il suffit que vous vous laissiez guider.
N’ayez pas peur d’être témoins de Dieu en vous mettant au service des autres pendant ce confinement, car c’est cela qui porte du fruit.
N’ayez pas peur d’être fiers d’être chrétiens, quoi qu’il en coûte, car cela donne sens à notre vie.