Hunger games du Seigneur
Nous voilà plongés au cœur du district 13… où le gouvernement du Capitole a décidé d’organiser un nouvel Hunger Games pour contrôler le peuple par la peur… dans ce jeu terrifiant aux 24 participants, des jeunes représentant chacun un district du pays… pas de règle si ce n’est qu’il faut rester le dernier en vie au mépris de la vie des autres… c’est la loi de la jungle.
Eh bien cela ressemble un peu à l’Évangile d’aujourd’hui. Vous aviez la loi évangélique : « Si on vous frappe sur la joue droite, tendez la gauche » : en ces temps de violence, on aurait tendance à prendre cette loi désarmante pour de la faiblesse !
En un peu plus rude, vous aviez la loi du talion : on vous frappe sur la joue droite, vous ne discutez pas…vous décrochez un direct sur la pommette droite de votre agresseur, il faut se faire respecter, c’est une question de justice
Et en beaucoup plus rude, vous avez… notre parabole du jour : on vient tranquillement, paisiblement vous demander de donner ce que vous devez, et vous, vous sortez l’artillerie lourde et vous alignez le pauvre gars : ça c’est la loi de la jungle !
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je trouve que la réaction des vignerons est un peu disproportionnée ! Le pauvre serviteur, il vient juste pour réclamer son dû (enfin même pas son dû, celui de son maître) et il se fait écharper !
Je veux bien croire qu’ils soient un peu verts que le maître de la vigne vienne leur réclamer leur travail, mais bon, au fond, c’est quand même normal, j’imagine que c’était prévu dans le contrat au départ. Et puis, c’est pas parce qu’on est en désaccord qu’on est obligé nécessairement de vouloir tuer l’autre…
La peur et l’accueil
Il y a une manière humaine de se comporter : écouter ce que l’autre a à nous dire, puis éventuellement discuter le bout de gras ensuite.
Ce qui motive les ouvriers de l’Évangile, chers amis, c’est la peur. La peur de perdre. C’est la méfiance à l’égard de l’autre. C’est terrible tout de même, en mai 1968, on nous a expliqué qu’il serait désormais interdit d’interdire, que désormais on vivrait peace and love… Eh bien moi je rencontre comme prêtre des jeunes et des moins jeunes gangrenés par la peur. On a peur de rater ses études, on a peur de la mort, on a peur du Covid, on a peur de l’appel de Dieu, on a peur de ne pas y arriver, on a peur de perdre son job, on a peur que Marie-Germaine ne nous regarde pas au prochain afterwork alors qu’on a 35 ans et qu’on n’est pas marié… on a peur, peur, peur, peur… c’est terrible cela !
Du coup, dès que quelqu’un ou quelque chose arrive, immédiatement, on se met sur la défensive. On prend ses masques, son gel, on se méfie les uns des autres. C’est terrible cela ! Je ne dis pas qu’il ne faut pas être prudent dans la situation sanitaire … je dis simplement que l’urgence que nous avons à vivre, c’est la bienveillance et la fraternité. Dans la foi et la confiance !
Il n’y a qu’à voir dans les villes de province, tous ces nouveaux lotissements sécurisés, entourés de grillages de sécurité et de portails de garde. (Vous voulez aller prendre l’apéro chez des amis, il vous faut le code de votre cadenas, celui de sa grille, de sa porte d’entrée, de son ascenseur…) La peur de l’autre n’est jamais bonne conseillère, la méfiance n’est pas un chemin de vie, c’est mortellement triste et dangereusement épuisant de se méfier de tout le monde. Même dans l’Église, chers amis. « Qu’est-ce qu’il vient faire la le nouveau, il dérange nos petites habitudes installées, notre petit groupe d’amis… »
Le plus incroyable dans la parabole que Jésus nous raconte, c’est qu’ici, l’autre, celui qui vient est le Fils lui-même. Qui dit à ses vignerons, mais finalement qui nous dit, que le Fils n’avait pas quelque chose de bon à leur proposer. Ils n’ont même pas pris le temps de l’écouter. Ils se sont dit : s’il vient, c’est pour nous prendre quelque chose ! Il est dangereux ce gars-là ! Ce gars-là dans la parabole c’est Jésus Christ, il ne vient pas pour nous prendre quoi que ce soit, il vient pour nous donner, pour tout donner, pour se donner ! « Je suis venu pour que vous ayez la vie, et la vie en abondance ! »
La bienveillance et l’écoute du Fils
En fait, les vignerons c’est nous. Ce ne sont pas les méchants gars de ma fac ou de mon entreprise qui, eux, ne vont pas à la messe. C’est vous et moi qui nous méfions de Dieu. C’est terrible tout de même. Combien de fois dans notre vie nous fermons nos cœurs au Christ Rédempteur ? Car on se méfie de lui : « Non, mon Père, je vais pas prier plus car le Seigneur pourrait m’appeler à être bonne sœur… vous imaginez, moi, bonne sœur… ». Les vignerons, c’est nous quand nous lui disons : non c’est bon, j’ai tout ce qu’il me faut, une tour, un pressoir, une clôture, une voiture, une maison, une situation, dehors l’intrus !
Les vignerons pensaient que leur petite situation ferait leur bonheur : une muraille, un champ, un pressoir, une tour… bref un bel appart dans le 6ème, un bon job, une bonne famille, de bonnes études, un bon salaire… Il ne manque plus qu’une petite soirée resto de temps en temps et on est au comble de la joie… et c’est pour cela qu’ils ont renvoyé le fils en fermant leur cœur, en le chassant. Ils ont oublié que le bonheur n’est pas dans cette tour ou cette muraille qui un jour s’effondreront, ni dans cette vigne qui elle aussi mourra, le bonheur, il est dans ce que Jésus est venu nous apporter, ces trésors qui eux ne passent pas : la paix profonde, la joie parfaite, l’amour qui se donne, la force de servir….
« Ils respecteront mon fils », se dit le Père en envoyant son Fils : ce soir, cette parole s’adresse directement à nous. Le Père céleste est sur le point de nous envoyer son Fils dans le sacrement de son corps et de son sang : avons-nous conscience de la grandeur de ce moment ? Sommes-nous prêts à l’accueillir ? À nous laisser interpeller ? À lui faire confiance ?
Le temps n’est pas au duel fratricide de Hunger Games, ni à la loi de la jungle, mais à la confiance, à la fraternité, à l’écoute de la Parole du Verbe.
Oui Seigneur Jésus, Amen viens dans nos cœurs, viens nous secouer par ta parole et ton eucharistie, viens nous ouvrir des chemins nouveaux, car en t’accueillant en vérité, nous accueillons le chemin de notre bonheur véritable.